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CHAPITRE V.

De l'origine de la Poésie Lyrique. LA premiere exclamation de l'homme

sortant du néant, fut une expression lyrique. Quand il ouvrit les yeux sur l'univers, qu'il sentit sa propre existence et les impressions agréables qu'il recevoit par tous ses sens, il ne put s'empêcher d'élever la voix. Ce cri fut à la fois un cri de joie, d'admiration, d'étonnement, de reconnoissance, causé par une multitude d'idées aussi frappantes par elles-mêmes que par leur nouveauté. Ayant ensuite reconnu avec plus de loisir et moins de confusion, les bienfaits dont il étoit comblé, et les merveilles qui l'environnoient, il voulut que tout l'univers l'aidât à payer le tribut de gloire qu'il devoit au souverain Bienfaiteur. Il anima le soleil, les astres, les fleuves, les montagnes, les vents. Il n'y eut pas un seul être qui ne parlât, pour s'unir à l'hommage que l'homme rendoit voilà l'origine des cantiques, des hymnes, des odes, en un mot de la poésie lyrique.

Le genre humain se multiplie; Dieu fait éclater sa puissance en faveur du juste contre l'injuste; les peuples reconnoissans immortalisent le bienfait par des chants qu'une religieuse tradition fait passer à la postérité. De là les cantiques de Moyse, de Débora, de Judith, ceux des Prophêtes.

David rempli de l'esprit de Dieu, embrasse dans ses vues sublimes non-seulement les merveilles de la nature, mais encore les prodiges de la Grace. Il se représente tantôt la main du Créateur qui tire des trésors de sa puissance tout l'univers, qui regle, qui ordonne, qui dispose toutes choses avec une force et une sagesse infinie; tantôt la bonté ineffable de ce même Dieu qui se revêt d'une chair mortelle, pour rétablir l'ordre et ramener l'homme à sa fin légitime: il donne l'exemple d'une élévation proportionnée aux sujets qu'il traite, et à l'esprit qui l'anime.

Les Paiens se trompoient dans l'objet de leur culte cependant ils avoient dans le fond de leurs fêtes le même principe que les adorateurs du vrai Dieu. Ce fut la joie et la reconnoissance qui leur fit instituer des jours solemnels pour célébrer les dieux auxquels ils se croyoient redevables de leur récolte. De là vinrent

ces chants de joie qu'ils consacroient au dieu des vendanges. Ces fêtes qui arrivoient dans l'automne, lorsque tous les travaux champêtres étoient finis, dans un tems fait pour jouir, furent beaucoup plus célebres que celles des autres dieux, parce que le plaisir des adorateurs se trouvoit lié avec la gloire du dieu qu'on adoroit.

Après avoir chanté le dieu du vin on chanta bientôt celui de l'amour. Ces deux divinités avoient trop de liaison pour être séparées long-tems par des cœurs corrompus.

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Si les dieux bienfaisans étoient l'objet naturel de la Poésie lyrique, les héros enfans des dieux devoient naturellement avoir part à cette espece de tribut. Sans compter que leur vertu, leur courage, leurs services rendus, soit à quelque peuple particulier, soit à tout le genre humain, étoient des traits de ressemblance avec la divinité. C'est ce qui a produit les poëmes d'Orphée, de Linus, d'Alcée, de Pindare, et de quelques autres, dont nous allons marquer les

caracteres.

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CHAPITRE VI.

Caracteres de Pindare et d'Anacréon.

LE nom de Pindare n'est gueres plus le nom d'un poëte, que celui de l'enthousiasme même. Il porte avec lui l'idée de transports, d'écarts, de désordre de digressions lyriques. Cependant sort beaucoup moins de ses sujets qu'on ne le croit communément. La gloire des héros qu'il a célébrés n'étoit point une gloire propre au héros vainqueur. Elle appartenoit de plein droit à sa famille, et plus encore à la ville dont il étoit citoyen. On disoit une telle ville a remporté tous les prix aux Jeux olympiques. Ainsi lorsque Pindare rappeloit des traits anciens, soit des aïeux du vainqueur, soit de la ville à laquelle il appartenoit, c'étoit moins un égarement du poëte qu'un effet de son art.

Horace parle de Pindare avec un 'enthousiasme d'admiration, qui prouve bien qu'il le trouvoit sublime. Il prétend qu'il est téméraire d'entreprendre de l'imiter. Il le compare à un fleuve grossi par les torrens, et qui précipite ses eaux bruyantes du haut des rochers. Il

ne méritoit pas seulement les lauriers d'Apollon par ses dithyrambes, et par ses chants de victoire; il savoit encore pleurer le jeune époux enlevé à sa jeune épouse, peindre l'innocence de l'âge d'or, et sauver de l'oubli les noms qui avoient mérité d'être immortels. Malheureusement, il ne nous reste de ce poëte admirable que la moindre partie de ses ouvrages, ceux qu'il a faits à la gloire des vainqueurs. Les autres, dont la matiere étoit plus riche et plus intéressante pour les hommes en général ne sont point parvenus jusqu'à nous.

Ses poésies nous paroissent difficiles pour plusieurs raisons: la premiere est la grandeur même des idées qu'elles renferment: la seconde, la hardiesse des tours la troisieme, la nouveauté des mots qu'il fabrique souvent pour l'endroit même où il les place. Enfin il est ́ rempli d'une érudition détournée, tirée de l'histoire particuliere de certaines familles et de certaines villes qui ont eu peu de part dans les révolutions connues de l'Histoire ancienne.

M. Perrault a voulu tourner en ri-. dicule la premiere strophe de sa premiere ode olympique : en voici la traduction.

"L'Eau est le plus excellent de tous

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