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bassin dans lequel on offroit aux dieux toutes sortes de fruits à la fois, et sans les distinguer, il parut qu'il pourroit convenir, dans le sens figuré, à des ouvrages où tout étoit mêlé, entassé, sans ordre, sans régularité, soit pour le fonds, soit pour la forme.

Livius Andronicus, qui étoit Gree d'origine, ayant donné à Rome des spectacles en regle, la Satyre changea de forme et de nom. Elle prit quelque chose du dramatique, et paroissoit sur le théâtre, soit avant, soit après la grande piece, quelquefois même au milieu, l'appela isode, piece d'entrée, kródion; ou exode, piece de sortie, godor ; ou piece d'entracte, econov. Voila quelles furent les deux premieres formes de la Satyre chez les Romains.

on

Elle reprit son premier nom sous Ennius et Pacuvius, qui parurent quelque temps après Andronicus. Mais elle le reprit à cause du mélange des formes, qui fut très-sensible dans Ennius; puisqu'il employoit toutes sortes de vers, sans distinction, et sans s'embarrasser de les faire symétriser entr'eux, comme on voit qu'ils symétrisent dans les odes d'Horace.

Terentius Varron, fut encore plus hardi qu'Ennius, dans la satyre qu'il intitula Menippée, à cause de sa ressem

blance avec celle de Menippe cynique grec. Il fit un mélange de vers et de prose et par conséquent il eut droit, plus que personne, de nommer son ouvrage Satyre, en faisant tomber la signification du mot sur la forme.

Enfin arriva Lacilius qui fixa l'état de la Satyre, et la présenta telle que nous l'ont donnée Horace, Perse, Juvenal, et telle que nous la connoissons aujourd'hui. Et alors la signification du mot Satyre ne tomba que sur le mélange des choses, et non sur celui des formes. On les nomma Satyres, parce qu'elles sont réellement un amas confus d'invectives contre les hommes, contre leurs désirs, leur craintes, leurs emportemens, leurs folles joies, leurs intrigues.

Quidquid agunt homines, votam, timor, ira, voluptas, Gaudia, discursus, nostri est Farrago libelli.

Juv. Sat. 1.

CHAPITRE

II.

Définition de la Satyre ses especes = sa forme.

ON peut donc définir la Satyre une

espece de poëme dans lequel on attaque directement les vices des hommes.

Je dis une espece de poëme. Après ce que nous avons dit sur la poésie didactique, il est évident que la Satyre n'est qu'un discours mis en vers: c'est un portrait, et non un tableau.

Mais pour lever tous les doutes, examinons ce qu'on entend par un vraie Poëme.

Si on donne ce nom à tout ce qui est en vers, il est évident que la Satyre est poëme. Mais tout le monde sait que cette partie ne suffit pas : Tite-Live mis en vers ne seroit toujours qu'une histoire.

S'il suffit pour être poëme qu'un ouvrage ait une certaine chaleur, plus ou moins vive; la Satyre sera poëme encore. Tous les auteurs satyriques ont du feu. Mais tous les discours d'éloquence seront aussi de la poésie.

Enfin si on exige que le fond des choses soit poétique, c'est-à-dire, créé, feint, imaginé par le poëte, ou en tout, ou du moins en partie, la Satyre alors n'est pas poëme, au moins de la maniere dont le sont l'Apologue, la Comédie, la Tragédie, l'Epopée.

Selon Horace, pour être poëte il faut trois parties un génie fécond et heu reux, ingenium cui sit; c'est ce génie qui fournit les choses, qui crée les êtres poétiques, les corps. Ensuite il faut une

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ame presque divine, un souffle qui anime ces êtres, qui leur donne la vie, cui mens divinior: enfin une élocution poétique, qui, comme nous l'avons dit (a), doit être toujours élevée, et supérieure à l'expression ordinaire et prosaïque atque os magna sonaturum. Qu'on fasse l'application de ces trois qualités au genre dont nous parlons, on y trouvera quelques morceaux à qui elles pourront convenir toutes trois. Telles seront, par exemple, la troisieme et la quatrieme de Juvenal. Mais la plupart des autres ne seront poésie, que pour avoir passé par la bouche d'un poëte: dans celle d'un orateur ou d'un philosophe, ce n'eût été que de la prose.

Nous avons ajouté que son objet étoit d'attaquer les vices des hommes directement. C'est une des différences de la Satyre avec la Comédie. Celle-ci attaque les vices, mais obliquement et de côté. Elle montre aux hommes des portraits généraux, dont les traits sont empruntés de différens modeles; c'est au spectateur à prendre la leçon lui-même, et à s'instruire, s'il le juge à propos. La Satyre au contraire va droit à l'homme. Elle dit: C'est vous: c'est Crispin, un monstre

(a) Tom. I. pag. 206.

dont les vices ne sont rachetés

cune vertu.

par au

Comme il y a deux sortes de vices, les uns plus graves, les autres moins; il y a aussi deux sortes de Satyres, l'une qui tient de la Tragédie: Grande Sophocleo carmen bacchatur hiatu: c'est celle de Juvenal. L'autre est celle d'Horace, qui tient de la Comédie: Admissus circum præcordia ludit.

Il y a des Satyres où le fiel est dominant, fel: dans d'autres c'est l'aigreur, acetum dans d'autres il n'y a que le sel, sal mais il y a le sel qui assaisonne, le sel qui pique, le sel qui cuit.

Le fiel vient de la haine, de la mauvaise humeur, de l'injustice : l'aigreur vient de la haine seulement et de l'humeur. Quelquefois l'humeur et la haine sont enveloppés; et c'est l'aigre-doux.

Le sel qui assaisonne ne domine point, il ôte seulement la fadeur, et plaît à tout le monde; il est d'un esprit délicat. Le, sel piqant domine et perce, il marque la malignité. Le cuisant fait une douleur vive, il faut être méchant pour l'employer. Il y a encore le fer qui brûle, qui emporte la piece avec escarre et c'est fureur, cruauté, inhumanité. On verra des exemples de toutes ces especes de traits satyriques.

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