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lequel on s'est établi dans les premiers actes. Si on change la décoration même qui est l'image du lieu, alors le charme de l'illusion est rompu. Est-il dans la vraisemblance que les lieux que nous. voyons, se tranforment en déserts, en forêts, en palais? Dans la nature, quand la scene change, c'est que nous changeons de place. Ici c'est tout le contraire: le point de vue change de place, et nous, n'en changeons point.

Cette regle cause beaucoup de contrainte et de tourmens aux Poëtes. C'est à eux d'éviter les inconvéniens, ou de. prendre le parti où il y en a le moins.. C'est un inconvénient de faire venir un Roi sur le théâtre pour entendre un eriminel, qui a encore un mot à lui dire: naturellement il faudroit mener le criminel devant le Roi, mais l'unité de lieu seroit rompue. Dans Cinna il faut que la conjuration se fasse dans le cabinet d'Emilie, et qu'Auguste vienne dans ce cabinet confondre Cinna et lui pardonner cela est peu naturel; cependant il le faut.

Les Anciens avoient un avantage. Ils prenoient pour lieu de la scene une place publique, où chacun abordoit en sortant de sa maison, et où on traitoit les affaires. Toutes les Comédies de Plaute

de Terence, d'Aristophane sont ainsi placées.

M. Corneille est d'avis de ne pas marquer trop distinctement le lieu, et de se contenter de dire que la scene est à Athenes, à Rome, ou tout au plus dans un tel palais, et de laisser à l'imagination du spectateur de fixer le lieu d'une façon plus déterminée, ou même de ne point le fixer du tout, s'il n'en sent pas le besoin.

CHAPITRE V.

Style de la Poésie Dramatique.
Du Dialogue.

Si dicentis erunt fortunis absona dicta,
Romani tollent equites peditesque cachinnum.

SI le style de celui qui parle n'est pas

conforme à son état actuel; tous les spectateurs instruits ou ignorans, la Cour et le peuple, se moqueront de l'auteur et de l'acteur, Voilà la regle donnée par

un maître.

L'état de celui qui parle doit être la regle du style. Un Roi, un simple particulier, une femme, un commerçant, un laboureur paisible, ne doivent point

parler du même ton. Mais ce n'est pas assez ces mêmes hommes sont dans la joie, ou dans la douleur, dans l'espérance, ou dans la crainte cet état du moment doit donner encore une seconde conformation à leur style, laquelle aura pour base la premiere, comme l'état du moment, a pour base l'état habituel, ce qu'on appelle la condition de la per

sonne.

En général tout acteur dramatique doit éviter ce qui peut sentir l'art, ou la déclamation. Il évitera donc :

1. Les sentences ou les pensées morales, généralisées; parce qu'elles sont au milieu du discours à-peu-près

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comme un corps étranger, qui ne tient à rien. Ainsi au lieu de dire: Il faut craindre jusqu'aux présens qui viennent de nos ennemis, il dira: Je crains les Grecs, même dans leurs présens. Les jeunes auteurs croient faire merveille que de détacher ainsi du tissu, quelque maxime brillante, qu'un spectateur frivole remportera chez lui, pour la citer. Il est mieux d'enchâsser ces maximes dans le texte ainsi, au lieu de dire: Quand on est résolu à la mort, on n'a plus rien à craindre; on dit: Je veux mourir, qu'ai-je à craindre ? Quem metui moritura? La maxime ainsi attachée

un fait, à une personne, devient active, de spéculative qu'elle étoit : elle en a plus de vérité, plus de vie, plus de chaleur ce qui vaut infiniment mieux qu'un vain éclat. D'ailleurs, les sentences ont un air dogmatique et de déclamation: il semble qu'on veuille faire parade de doctrine et de beaux sentimens ce qui ne convient qu'à des sophistes. Ce n'est pas qu'en certains cas on ne puisse poser quelque maxime pour principe; quelquefois même cela est nécessaire; mais quand il n'y a point de nécessité ( on le voit aisément) et qu'on veut seulement faire du brillant, de l'étincelant, des demiépigrammes, c'est une faute dans laquelle les bons auteurs se sont gardés de tomber.

2. On évite les figures oratoires par-tout où elles pourroient sentir l'art, les comparaisons déployées, les répétitions, les descriptions, les élans lyriques; en un mot, tout ce qui peut avertir que c'est un Poëte, c'est un Poëte, ou un ora➡ teur qui suggere aux acteurs ce qu'ils disent. Il est aisé de pousser loin ce détail : ce que nous avons dit jusqu'ici sur le style, suffit pour donner l'idée juste de cette regle. Nous nous sommes

assez étendus sur cette matiere dans le Le Volume (a).

Un acteur qui parle seul, fait ce qu'on appelle un monologue et quand plusieurs parlent, et qu'ils parlent l'un à l'autre, c'est un dialogue.

Toute personne qui parle, doit avoir une raison au moins apparente, pour parler.

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Tout mopologue doit être court; la raison est, qu'il est presque hors de la nature. S'il est long, il faut que l'acteur soit dans une agitation violente. Un homme tranquille se contente de penser de réfléchir : ce n'est que quand il sent un grand trouble au-dedans de lui-même qu'il éclate, qu'il marche à grands pas, qu'il fait des gestes, et prononce des mots. Tel est le monologue de Médée. dans P. Corneille. Tel est celui d'Agamemnon dans Racine, lorqu'il déliberetout haut avec lui-même, s'il immolera on non Iphigénie. Il y a alors une espece de dialogue de deux hommes en un seul. Le Roi et le pere se disputent leurs droits entre eux. L'an veut immoler, Fautre ne le veut pas.

Pour éviter les longs et fréquens mo

(a) HI. Part, Chap. 4 et 6.

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