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dangereux pour les mœurs? Qu'on donne Quinaut à un homme sérieux et sensé qui se soit tenu pendant toute sa vie dans les regles d'une probité exacte, rigoureuse, et par conséquent beaucoup plus stricte, que celle qui fait la regle des gens du monde : et qu'on lui fasse lire les scenes des Médors, des Renauds, des Rolands, etc.; cette mollesse qui y regne, ne sera-t-elle pour lui que de la mollesse? Sera-t-il condamné à l'admirer par-tout, sous peine de passer pour un homme sans goût? Despréaux devoit juger Quinaut comme il l'a fait; de même que la plupart de ceux qui l'admirent tant, ont aussi leurs raisons pour l'admirer. La seule conséquence qu'on peut tirer de son jugement, c'est qu'il n'avoit pas le goût qu'il falloit avoir pour l'approuver. Mais on conclut, en général qu'il n'avoit pas de goût. Que nous serions à plaindre, si pour un seul raisonnement, qui paroîtroit n'être pas juste, nous étions décidés esprits faux, raisonnant sans logique, et de mauvaise foi!

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Si on se contentoit de dire, que le métier de satyrique, que Despréaux a professé pendant toute sa vie, ne marque pas assez d'humanité, et encore moins de charité que cet esprit de critique, cette envie de mordre et de censurer

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n'est pas une qualité louable dans un citoyen; on pourroit se rendre à cette observation, pourvu qu'elle vînt de gens charitables eux-mêmes et bons citoyens. Mais que penser de ce ton radouci quand on ne le prend que pour porter plus sûrement ses coups, et pour se donner en même tems, sous un voile spécieux, l'honneur de paroître bon, et le plaisir d'être méchant? Quand il s'agit de juger de si grands hommes, il ne faut jamais le faire qu'avec respect : et s'il falloit absolument se tromper sur leur compte, il vaudroit beaucoup mieux que ce fût approuvant tout, qu'en blamant trop. C'est Quintilien qui l'a dit : Modestè tamen et circonspecto judicio de tantis viris pronunciandum est, ne (quod plerisque accidit) damnent quæ non intelligant. Ac si necesse sit in alterutram errare partem, omnia eorum legentibus placere, quàm multa displieere maluerim.

Si on veut rapprocher les caracteres des principaux Auteurs satyriques, pour voir en quoi ils se ressemblent, en en quoi ils different: il paroît d'abord qu'Horace et Boileau, ont entr'eux plus de ressemblance, qu'ils n'en ont ni l'un ni l'autre avec Juvenal. Ils vivoient tous deux dans un siecle poli, où le goût étoit pur, et l'idée du beau sans mélange

Juvenal au contraire vivoit dans le tems même de la décadence des Lettres latines, lorsqu'on jugeoit de la bonté d'un ouvrage par sa force et par sa richesse plutôt que par l'économie des ornemens.

Horace et Boileau avoient un esprit plus doux, et plus souple: ils aimoient la simplicité, ils choisissoient les traits, et les présentoient sans fard et sans affectation. Juvenal avoit un génie fort, une imagination fougueuse : il chargeoit ses tableaux, et détruisoit souvent le vrai en le poussant trop loin.

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Horace et Boileau ménageoient leurs fonds ils plaisantoient doucement, légérement, ils n'ôtoient le masque qu'à demi et en riant. Juvenal l'arrache avec colere.

Quelquefois les deux premiers font exhaler l'encens le plus pur, du milieu mênie des vapeurs satyriques. Le dernier n'a jamais loué qu'un seul bomme, et cette louange se tournoit en satyre contre le reste du genre humain.

Et spes et ratio studiorum in Cæsare tantùm.

En un mot les portraits que font Horace et Boileau, quoique dans le genre odieux, ont toujours quelque chose d'agréable, qui paroît venir de la touche du peintre. Ceux que fait Juvenal ont des

couleurs tran chantes, des traits hardis mais gros; il n'est pas nécessaire d'être délicat pour en sentir la beauté. Il étoit no excessif; et peut-être même que quand il seroit venu avant les Plines, les Seneques, les Lucains, il n'auroit pu se tenir dans les bornes légitimes du vrai et du beau.

Horace et Boileau, comme on vient. de le voir, ont plusieurs traits de resressemblance qui les réunissent; mais ils en ont aussi de propres qui les séparent. Horace nous paroît quelquefois plus riche, et Boileau plus clair. Horace est plus réservé que Juvenal, mais il est beaucoup moins encore que Boileau. Il y avoit plus de nature et de génie dans Horace; plus de travail et peut-être plus d'art dans Boileau.

Perse a un caractere unique qui ne sympathise avec personne. Il n'est pas assez aisé pour être mis avec Horace. Il est trop sage pour être comparé à Juvenal: trop enveloppé et trop mystérieux pour être joint à Despréaux. Aussi poli que le premier, quelquefois aussi vif que le second, aussi vertueux que le troisieme, il semble être plus philosophe qu'aucun des trois. Peu de gens ont le courage de le lire. Cependant la premiere lecture une fois faite, on trouve

de quoi se dédommager de sa peine dans la seconde. Il paroît alors ressembler à ces hommes sérieux dont le premier abord est froid; mais qui charment par leur entretien, quand ils ont tant fait que de se laisser connoître.

CHAPITRE V.

De l'Epitre en vers.

L'EPITRE en vers n'est qu'une Lettre

adressée à une personne quelle qu'elle soit. Elle a ses regles comme Lettre, et ce sont les mêmes que celles du style épistolaire, dont nous parlerons dans le volume suivant.

Les regles qu'elle peut avoir comme Lettre en vers se réduisent toutes à ceci; qu'elle ait au moins un degré, ou de force ou d'élégance, en un mot un degré de soin, au-dessus de celui qu'elle auroit eu, si on ne l'eût mise qu'en prose.

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Sa matiere est d'une étendue qui n'a point de bornes. On peut, sous le titre qu'elle porte, louer, blâmer, raconter philosopher, disserter, enseigner. Elle n'est pas limitée du côté des tons de

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