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de ceux qui les ont faites, ou selon l'occasion qui leur a donné matiere. On les nommera à mesure qu'on citera leurs vers. Il s'agit maintenant d'expliquer la nature de l'Epigramme, de dire quelles sont ses parties, ses qualités essentielles.

CHAPITRE I I.

Ce que c'est que l'Epigramme.

IL y des auteurs qui ont défini l'Epi

gramme, une pensée ingénieuse. Le terme ingénieux ne nous paroît pas d'une assez grande étendue, pour renfermer toutes les especes d'Epigrammes; parmi lesquelles il y en a un grand nombre, où cet esprit que désigne le mot ingénieux ne se trouve point: par exemple, celleci de Maynard:

Las d'espérer et de me plaindre

Des Muses, des Grands et du Sort,
C'est ici que j'attends la mort,

Sans la désirer ni la craindre.

Cette pensée, ou plutôt ce sentiment ainsi exprimé, est une vraie épigramme. Cependant elle n'a point ce pétillant, ces étincelles qui se trouvent dans ce qu'on appelle une pensée ingénieuse.

Nous définirons donc l'Epigramme

une pensée intéressante, présentée heureusement et en peu de mots.

Sa matiere est d'une très-grande étendue : elle s'éleve à ce qu'il y a de plus noble dans touts les genres: elle s'abaisse à ce qu'il y a de plus petit : elle loue la vertu, censure le vice, venge le public des impertinences d'un fat, ou d'un sot etc. Il semble cependant qu'elle se trouve beaucoup mieux dans les genres simples ou médiocres, que dans le genre élevé parce que son caractere est l'aisance et la liberté.

L'Epigramme a nécessairement deux parties: l'une qui est l'exposition du sujet, de la chose qui a produit ou occasionné la pensée; et l'autre qui est la pensée même, ce qu'on appelle la pointe c'est-à-dire, ce qui pique le lecteur, qui l'intéresse. L'exposition doit être simple, aisée, claire, et la pensée, libre par ellemême et par la maniere dont elle est tournée. Ces qualités seront expliquées nécessairement en expliquant la définition.

L'Epigramme est une pensée: ce mot ne comprend pas seulement les idées, les jugemens, les raisonnemens, mais encore les sentimens. L'Epigramme de Maynard que nous venons de citer, en est un exemple. En voici une autre de Martial.

Je ne vous aime point Hylas,
Je n'en saurois dire la cause;
Je sais seulement une chose,

C'est que je ne vous aime pas (a).

Il n'y a dans cette pensée que le seul sentiment.

et

En second lieu l'Epigramme doit être intéressante, présentée heureusement en peu de mots. Ce sont les trois qualités qui constituent la différence de l'Epigramme avec les autres especes de poëmes.

1.° La brièveté lui est essentielle : ce n'est qu'une seule pensée. S'il falloit, pour arriver à cette pensée, essuyer la lecture d'un grand nombre de vers, le lecteur ne seroit point assez payé de sa peine. C'est pour cela vraisemblablement que les épigrammes de Maynard, quoique très-bien versifiées, sont lues aujourd'hui de si peu de personnes. D'ailleurs il est bien difficile qu'une seule pensée soit assez riche pour communiquer une partie de ce qu'elle a de piquant à quinze ou vingt vers qui la précedent, et conserver encore assez de force pour paroître saillante en finissant. Voici celle

Ex. Lib. primo.

(a) Non amo te, Sabidi, nec possum dicere quare: Hoc tantùm possum dicere, non amo te,

de Maynard au Gardinal de Richelieu, qui a été si fameuse, et parce qu'elle est bien faite, et par la réponse que fit le Cardinal.

Armand, l'âge affoiblit mes yeux,

Et toute ma chaleur me quitte :
Je verrai bientôt mes aïeux

Sur le rivage du Cocyte.

C'est où je serai des suivans

De ce bon Monarque de France (a),

Qui fut le pere des Savans
Dans un siecle plein d'ignorance.
Dès que j'approcherai de lui
Il voudra que je lui raconte
Tout ce que tu fais aujourd'hui
Pour combler l'Espagne de honte.
Je contenterai son désir

Par le beau récit de ta vie,
Et charmerai le déplaisir.
Qui lui fit maudire Pavie (b).
Mais s'il demande à quel emploi
Tu m'as occupé dans le monde,
Et quel bien j'ai reçu de toi,

Que veux-tu que je lui réponde (c) ? Rien n'est mieux fait, ni mieux tourné que cette épigramme, et néanmoins il semble qu'on est long-temps pour arriver au but. Celle-ci est bien plus vive:

(a) François 1. le Restaurateur des Lettres en France. (b) François I. fut fait prisonnier au siége de cette ville et de là mené à Madrid.

(c) Quand on présenta cette épigramme au Cardinal de Richelieu, après le dernier vers, il répondit: Rien,

Cy gît ma femme: ah, quelle est bien!

Pour son repos et pour le mien.

Il ne faut pourtant pas croire que toutes les épigrammes qui ont quelque étendue, soient défectueuses. Peut-être que notre vivacité nous fait trouver des défauts, où il n'y en a point réellement, et à ne considérer que la nature même de la chose. Martial et Catulle en ont plusieurs de vingt et trente vers, et quelquefois davantage. Le principe général que le discours n'est pas trop long, quand tous les mots portent à la pensée, et que toutes les idées accessoires contribuent à former un sens juste, a son application ici comme ailleurs.

2.o La pensée de l'épigramme doit être intéressante. L'intérêt se tient presque aussi souvent du côté de la maniere dont la chose est présentée, que du côté de la chose même. Aussi il y a deux manieres d'intéresser dans l'Epigramme, par le fonds et par le tour.

L'Epigramme intéresse par le fonds, quand elle renferme quelque vérité importante, comme dans celle-ci de Malherbe, pour mettre sur une fontaine : Vois-tu, passant, couler cette onde,

Et s'écouler incessamment ?
Ainsi fuit la gloire du monde,
Et rien que Dieu n'est permanent,

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