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gladiateurs, où il s'agissoit pour eux de la vie. Il peut se faire aussi que ce ne soit qu'une imitation de la réalité, comme dans ces batailles navales où les Ro mains flatteurs représentoient la victoire d'Actium. Ainsi dans ces sortes de spectacles l'action peut être, ou réelle, ou seulement imitée.

Dans les spectacles de l'esprit, il n'est pas possible qu'il y ait autre chose que de l'imitation: parce que le dessein seut d'être vu, contredit la réalité des pas→ sions: un homme qui ne se met en colere que pour paroître fâché, n'a que l'image de la colere. Ainsi toute passion, dès qu'elle n'est que pour le spectacle, est nécessairement passion imitée, feinte, contrefaite. Et comme les opérations de Fesprit sont intimement liées avec celles du coeur, en pareils cas; elles sont de même que celles du coeur, feintes et artificielles.

D'où il suit deux choses: la premiere, que les spectacles où on voit la force du corps et la souplesse, ne demandent presque point d'art, puisque le jeu en est franc, sérieux, et réel; et qu'au contraire ceux où l'on voit l'action de l'ame, demandent un art infini; puisque tout y est mensonge, et qu'on veut le faire passer pour vérité..

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La seconde conséquence est que les spectacles du corps doivent faire une impression plus vive, plus forte; les secousses qu'ils donnent à l'ame doivent la rendre ferme, dure, quelquefois cruelle. Les spectacles de l'ame au contraire, font une impression plus douce propre à humaniser, à attendrir le coeur plutôt qu'à l'endurcir. Un homme égorgé dans l'arene accoutume le spectateur à Voir le sang avec plaisir. Hippolyte déchiré derriere la scene, l'accoutume à pleurer sur le sort des malheureux. Le premier spectacle convient à un peuple. guerrier: l'autre est vraiment un art de la paix; puisqu'il lie entr'eux les citoyens par la compassion et par l'humanité.

CHAPITRE IL

Définition du Drame en général. LA Poésie dramatique est ainsi nom

mée du mot grec App, qui vient de l'Eolique pas ou pay, lequel signifie. egir; parce que dans cette espece de Poé+ sie, on ne raconte point l'action comme dans l'Epopée, mais qu'on la montre elle-même dans ceux qui la représentent

Le Drame en général est le spectacle poétique d'une action intéressante.

On peut transporter ici toutes les actions et tous les acteurs de l'Epopée : les dieux, les héros, les bergers. S'il y a lieu à quelque restriction, elle ne peut venir que de la forme de ces deux genres. L'action épique n'est que racontée; elle ne se voit point. L'action dramatique est soumise aux yeux, et doit se peindre comme la vérité. Ce qui demande un vraisemblable d'une espece particuliere au Drame: le jugement des yeux, étant infiniment plus redoutable que celui des oreilles. Cela est si vrai que dans les Drames mêmes, on met en récit ce qui seroit peu vraisemblable en spectacle. On dit qu'Hippolyte a été attaqué par un monstre, et déchiré par ses chevaux ; parce que si on eût voulu représenter cet événément plutôt que de le raconter, il y auroit eu une infinité de petites circonstances qui auroient trahi l'art, et changé la pitié en risée. Le précepte d'Horace y est formel (a), et quand Horace ne l'auroit point dit, la raison le dit assez..

On y exige par la même raison que

(a) Segnius irritant animos demissa per autem. Quàm quæ sunt oculis subjecta fidelibus.

l'action soit une, et qu'elle se passe toute entiere en un même jour, en un même lieu. On veut que le style, les décorations, la déclamation des acteurs, tout concoure à nous persuader que la fiction est une réalité. Ainsi nous examinerons premiérement en quoi consiste le vraisemblable dramatique : c'est, selon M. Corneille, la question la plus difficile et la plus importante qu'il y ait dans la Poétique. Secondement, quelles sont les regles qu'elle prescrit par rapport à l'action, à sa durée, au lieu où elle se passe. Ensuite nous ajouterons quelques observations sur le style des poésies dramatiques, sur les décorations, la déclamation, etc.

CHAPITRE II I.

Du Vraisemblable Dramatique.

ON a vu dans les volumes précédens ce que c'est qu'action, et combien il est nécessaire que dans tout Poëme vraiment intéressant, il y ait une action. Il s'agit ici de savoir comment elle doit être composée dans le Dramatique..

Les actions sont ou toutes vraies et

historiques, comme celle d'Esther qui renverse Aman; ou vraies seulement dans le fond, et feintes dans quelques circonstances, comme dans les Horaces; ou altérées dans le fond même, aussibien que dans les circonstances, de maniere qu'on ne conserve de l'histoire que les noms, comme dans Héraclius; ou enfin tout est créé, imaginé, noms, actions et circonstances, comme dans Zaïre et dans presque toutes les comédies.

Le Poëte n'est jamais obligé de traiter les choses dans la vérité historique, et comme elles se sont passées: mais il le peut, quand, par hasard, un fait réel se trouve avoir toutes ses parties conformées selon les regles de l'Art. Ainsi Racine, comme nous venons de le dire n'a fait nul changement dans l'action d'Esther, et n'en a presque point fait dans celle d'Athalie, et ces deux pieces: n'on sont que plus touchantes. Il sort du fond de la vérité une certaine vertu de persuasion, qui lui donne toujours un grand avantage sur la fiction.

Il faut observer qu'une action, pour être conforme à l'histoire, n'a pas be-soin que l'histoire soit vraie : il suffit qu'elle soit supposée telle : c'est-à-dire, qu'il est indifférent qu'on la présente telle

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