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nière qui arrête davantage l'esprit, parce qu'elles la font voir dans une image.

L'esprit est si porté à considérer les rapports des choses, qu'il n'y conçoit jamais bien la vérité, s'il ne la voit dans une figure.

La vérité est en quelque sorte comme un soleil; il faut le voir dans l'eau, ou dans un miroir qui tempère ses rayons. C'est un éclair qui passe trop vite, il le faut arrêter et fixer.

DE LA BIZARRERIE.

Il est dangereux de s'acquérir la réputation de bizarre, parce qu'il n'y a rien qui détruise tant la confiance qu'on pourrait avoir en nous, et qui nous fasse plus regarder comme des gens avec lesquels il n'y a aucune mesure à prendre. La raison en est que le fondement de la confiance que l'on a en certaines gens, et qui les fait regarder comme sûrs, c'est qu'on les croit incapables de s'écarter de l'honnêteté et de la raison. Or, comme la bizarrerie consiste à s'écarter sans motifs des règles communes, elle donne une juste défiance de ceux qui en sont atteints, parce qu'on ne sait plus sur quoi se fonder.

La raison est un maître commun qui tient unis tous ceux qui s'y soumettent et reconnaissent sa juridiction; mais quand on en secoue le joug, on épouvante tous ceux que la raison nous tenait unis. Chacun appréhende de devenir l'objet de notre bizarrerie.

La bizarrerie est une éclipse de raison, SANS AUCUNE CAUSE certaine et régléc. Ainsi comme on ne sait quand elle doit arriver, on la craint toujours.

La bizarrerie entière et universelle est une folie achevée; la bizarrerie imparfaite, une folie commencée.

La bizarrerie est une domination de l'imagination sur l'esprit, qui fait qu'on suit ses impressions sans réflexion.

Il arrive de là que les personnes bizarres ne le sont pas à l'égard de tout le monde, parce qu'il y en a à qui leur imagination est asservie, et qui y produisent une telle impression qu'elle n'y résiste pas.

Cette inégalité est le vrai caractère de la bizarrerie : il y en a qui sont civils jusqu'à l'excès à l'égard de ceux qui les dominent, et à qui leur imagination est comme asservie, qui ont peu d'égards pour les autres, et qui les laissent dans la liberté de suivre leurs caprices.

DE LA LOUANGE ET DU BLAME.

Il faut prendre garde en blåmant les autres de donner cette idée qu'on les blâme pour faire remarquer en soi des qualités contraires, et dans le dessein de les rabaisser par cet endroit au-dessous de soi; ce qui se remarque principalement lorsqu'on voit que, sans preuves positives on soupçonne des gens de défauts incertains, afin de rabattre l'estime qu'ils méritent par leurs bonnes qualités

connues.

Il y a des philosophes qui prétendent que les objets des sens n'ont pas les qualités sensibles que nous leur attribuons, et que le feu, par exemple, n'est pas chaud, parce que la chaleur est une espèce de sentiment dont il est incapable; mais en même temps ils disent qu'il est échauffant, c'est-à-dire qu'il a le pouvoir de produire ce sentiment dans nos corps. Quelque indulgents que nous soyons à notre égard, nous ne saurions jamais refuser de reconnaître en nous quelque chose de semblable: si nous n'avons pas les défauts qu'on nous attribue, nous avons je ne sais quoi qui en donne l'idée aux autres.

DES AVANTAGES ET DES INCONVENIENTS DE LA SOCIÉTE.

Il faut opter dans le monde, et ne pas prétendre à toutes sortes d'avantages.

Ceux qui ne font point paraitre de chaleur pour personne, et qui ne se glissent pas dans la confiance des hommes. puissants en quelque lieu que ce soit, qui sont peu complaisants, peu assidus dans les devoirs inutiles, n'ont jamais beaucoup de crédit, parce qu'on ne saurait les aimer que par raison: or la raison n'aime guère et n'est guère affectée; je veux dire qu'elle n'est pas un grand principe dans la conduite de la vie, presque toujours gouvernée par les passions. Mais s'ils sont peu aimés, ils sont peu haïs; ils sont peu brouillés, peu traversés: ainsi ils sont exempts des inquiétudes et des troubles qui naissent des amitiés qui tiennent de l'intrigue et de la cabale.

Qui veut vivre seul sans affaire, sans liaison, sans s'engager dans la conduite des autres, sans se mêler de rien, tombera par là nécessairement dans l'oubli du monde, et perdra toute la considération dont il jouissait: on ne s'occupera point de lui; il ne sera rien. Il faut compter sur cela en se livrant à ce genre de vie, et supposer qu'il est injuste de vouloir obtenir les avantages et la sûreté de la retraite, et l'honneur et la considération de ceux qui servent les autres.

Cependant les hommes voudraient tout avoir. On n'a, dites-vous, jamais pensé à vous: c'est que vous n'avez jamais rien demandé, et que vous n'avez eu aucune prétentention effective. Vous avez donc joui de l'avantage de ne rien demander, de n'avoir obligation à personne, QUI EST UN DES PLUS DOUX A L'AMOUR-PROPRE; vous voudriez avec cela jouir des récompenses qu'on obtient en se poussant, en demandant: c'est une injustice.

DES FEMMES.

Les femmes sont semblables à la vigne; elles ne sauraient se tenir debout ni subsister par elles-mêmes : eiies ont besoin d'un appui encore plus pour leur esprit que pour leur corps; mais elles entraînent souvent cet appui, et le font tomber.

Il y a une galanterie spirituelle aussi bien qu'une sensuelle; et si l'on n'y prend garde, le commerce des femmes s'y termine d'ordinaire. En même temps que ce commerce augmente L'ATTACHE de la passion, il domine celle de la raison; je veux dire celle qui est fondée sur l'estime de la vertu de ceux dont on prend la conduite. Les femmes connaissent leurs défauts; elles sentent leurs IMMORTIFICATIONS, leurs promptitudes : leur passion présente leur fait passer par-dessus, et leur en ôte le sentiment; mais, cette passion venant à cesser, ces défauts, qui étaient comme couverts à leurs yeux, s'y présentent en foule, et causent souvent de grandes ruptures.

DU DÉSINTÉRESSEMENT.

Il y a peu de gens qui pensent à obliger les autres par un sentiment d'honnêteté qui naisse d'eux-mêmes. Les hommes hardis, empressés, ardents, emportent tout dans le monde; mais ils ont aussi l'inconvénient, la peine de solliciter, de s'empresser, d'être rebutés quelquefois, et ce mal est plus grand que le bien auquel ils parviennent. DE L'EXCELLENCE DU CHRISTIANISME, ET DE SES EFFETS SUR LES MOEURS ET LE GOUVERNEMENT.

Il n'y a que la religion chrétienne qui rende raison pourquoi les biens et les maux sont communs aux bons et aux méchants toute la philosophie humaine a échoué dans

cette recherche; le christianisme l'explique admirablement. Cela doit être ainsi, supposé le dessein que Dieu a d'éprouver les hommes en cette vie, de les punir ou récompenser dans l'autre. (Voyez saint Augustin, de Civitate, lib. I, cap. vII.)

C'est une chose remarquabie que nulle religion n'a pris soin des mœurs des hommes que la religion chrétienne, et celles qui ont été dressées sur son modèle.

Le paganisme n'avait point de morale: tous les philosophes, qui se faisaient une religion à leur fantaisie, se créaient aussi une morale par philosophie; mais ils ne prétendaient pas au moins l'avoir reçue de Dicu.

A l'égard du gouvernement, les hommes, ne pouvant toujours attacher la force à la justice, ont attaché la justice à la force, en faisant passer pour juste ce qui est plus fort.

Mais cette manière de justifier la force n'est souvent qu'un effet de la faiblesse de l'esprit humain, qui s'abaisse trop sous ce qui l'opprime, et qui conçoit une idée trop grande et trop avantageuse de la force; car cette idée avantageuse fait qu'il y joint facilement les autres idées qui enferment quelque excellence, comme celle de la justice, et qu'il n'ose y joindre celle de l'injustice, qui est une idée de rabaissement, comme étant inalliable avec une aussi grande chose.

Il est nécessaire cependant que la justice soit jointe à la force; autrement on l'accusera d'injustice et de violence, ce qui est une source de sédition et de révolte : l'esprit humain ne peut le faire que par illusion, en prenant pour juste ce qui ne l'est pas.

Mais ce que l'esprit de l'homme ne fait que par erreur, la religion chrétienne le fait parfaitement et sans erreur.

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