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Car elle nous apprend que toute force vient de DIEU, et que les hommes qui s'en servent peuvent bien être injustes, mais que cette force n'est jamais injuste en ellemême, parce qu'elle appartient toujours à Dieu; les hommes, dans leurs plus grandes violences, ne pouvant qu'ètre les exécuteurs de la justice de Dieu, qui se sert d'eux comme d'instruments et de ministres.

La religion cède donc à cette force, et elle la justifie, parce qu'elle ne la considère pas comme appartenant aux hommes, mais comme venant de Dieu et étant de Dieu. Ainsi il n'est pas étrange que, n'attribuant de force qu'à Dieu, elle ne sépare jamais la justice de la force.

Ce principe de la religion cirétienne est tres-véritable, et c'est même un article de foi, puisqu'il est décidé dans 'Écriture qu'il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu. « Vous n'auriez aucun pouvoir sur moi, dit Jé*sus-Christ, s'il ne vous avait été donné d'en haut : » Non haberes potestatem adversus me ullam, nisi tibi datum esset desuper. Mais il le faut bien entendre; car il ne faut pas prendre pour fort tout ce qui est simplement plus puissant que nous, mais ce qui peut faire ce qu'il veut indépendamment de nous. Ainsi lorsqu'un prince, ou quelque autre supérieur que ce soit, nous commande une chose injuste, il n'a point de force contre nous, parce que nous pouvons refuser d'obéir et de consentir à son injustice : mais ensuite il nous ôte notre bien, notre liberté, notre vie, et c'est alors qu'il a la force, parce qu'il nous les peut oter malgré nous.

Il faut donc en ces rencontres (et ia religion l'ordonne) souffrir humblement et patiemment les effets de cette force, en croyant que, quoique les hommes qui l'emploient soient injustes, celui qui la leur donne, et qui se sert

d'eux, est juste. Un homme chrétien doit être persuadé qu'il ne peut rien souffrir d'injuste, et il doit être préparé à souffrir tout ce qui est juste.

Il blesse la Providence divine s'il se plaint d'être traité injustement, et il blesse visiblement la justice si, recon-. naissant que ce qu'il souffre est juste, il refuse de le souf. frir avec patience.

DES MOYENS DE CONSERVER LA PAIX

AVEC LES HOMMES.

PREMIÈRE PARTIE.

CHAPITRE PREMIER.

Hommes citoyens de plusieurs villes. Ils doivent procurer la paix toutes, et s'appliquer en particulier à vivre en paix dans la sociéte ou ils passent leur vie et dont ils font partie.

Toutes les sociétés dont nous faisons partie, toutes les choses avec lesquelles nous avons quelque liaison et quelque commerce, sur lesquelles nous agissons et qui agissent sur nous, et dont le différent état est capable d'altérer la disposition de notre âme, sont les villes où nous passons le temps de notre pèlerinage, parce que notre âme s'y occupe et s'y repose.

Ainsi le monde entier est notre ville, parce qu'en qualité d'habitants du monde, nous avons liaison avec tous les hommes, et que nous en recevons même tantôt de l'utilité et tantôt du dommage. Les Hollandais ont commerce avec ceux du Japon; nous en avons avec les Hollandais. Nous en avons donc avec ces peuples qui sont aux extrémités du monde, parce que les avantages que les Hollandais en tirent leur donnent le moyen ou de nous servir, ou de nous nuire. On en peut dire autant de tous les autres peuples. Ils tiennent tous à nous par quelque endroit, et ils entrent tous dans la chaine qui lie tous les hommes entre eux par les besoins réciproques qu'ils ont les uns des autres. Mais nous sommes encore plus particulièrement citoyens du royaume où nous sommes nés

st ou nous vivons, de la ville où nous habitons, de la société dont nous faisons partie; et enfin nous nous pouvons dire en quelque sorte citoyens de nous-mêmes et de notre propre cœur; car nos diverses passions et nos diverses pensées tiennent lieu d'un peuple avec qui nous avons à vivre; et souvent il est plus facile de vivre avec tout le monde extérieur, qu'avec ce peuple intérieur que nous portons en nous mêmes.

L'Ecriture, qui nous oblige de chercher la paix de la ville ou Dieu nous fait habiter, l'entend égaleinent de toutes ces différentes villes. C'est-à-dire qu'elle nous oblige de chercher et de désirer la paix et la tranquillité du monde entier, de notre royaume, de notre ville, de notre société et de nousmêmes. Mais comme nous avons plus de pouvoir de la procurer à quelques-unes de ces villes qu'aux autres, il faut aussi que nous y travaillions diversement.

Car il n'y a guère de gens qui soient en état de procurer la paix, ni au monde, ni à des royaumes, ni à des villes, autrement que par leurs prières. Ainsi notre devoir à cet égard se réduit à la demander sincèrement à Dieu, et à croire que nous y sommes obligés. Et nous le sommes en effet, puisque les troubles extérieurs qui divisent les royaumes viennent souvent du peu de soin que ceux qui en font partie ont de demander la paix à Dieu, et de leur peu de reconnaissance lorsque Dieu la leur a accordée. Les guerres temporelles ont de si étranges suites et des effets si funestes pour les âmes mêmes, qu'on ne saurait trop les appréhender. C'est pourquoi saint Paul, en recommandant de prier pour les rois du monde, marque expressément comme un principe de cette obligation, le besoin que nous avons pour nous-mêmes de la tranquillité extérieure: Ut quietam et tranquillam itam agamus.

On se procure la paix à soi-même, en réglant ses pensées et ses passions. Et par cette paix intérieure, on contribue beaucoup à la paix de la société dans laquelle on vit, parce

qu'il n'y a guère que les passions qui la troublent. Mais comme cette paix, avec ceux qui nous sont unis par des liens plus étroits et par un commerce plus fréquent, est d'une extrême importance pour entretenir la tranquillité dans nous-mêmes, et qu'il n'y a rien de plus capable de la troubler que la division. opposée à cette paix, c'est de celle-là principalement qu'il faut entendre cette instruction du prophète : Quærite pacem civitatis ad quam transmigrare vos feci, Cherchez la paix de la ville qui est le lieu de votre exil.

CHAPITRE II.

Union de la raison et de la religion à nous inspirer le soin de la paix.

Les hommes ne se conduisent d'ordinaire dans leur vie, ni par la foi, ni par la raison. Ils suivent témérairement les impressions des objets présents, ou les opinions communément établies parmi ceux avec qui ils vivent. Et il y en a peu qui s'appliquent avec quelque soin à considérer ce qui leur est véritablement utile pour passer heureusement cette vie, ou selon Dieu, ou selon le monde. S'ils y faisaient réflexion, ils verraient que la foi et la raison sont d'accord sur la plupart des devoirs et des actions des hommes; que les choses dont la religion nous éloigne sont souvent aussi contraires au repos de cette vie qu'au bonheur de l'autre, et que la plupart de celles où elle nous porte contribuent plus au bonheur temporel que tout ce que notre ambition et notre vanité nous font rechercher avec tant d'ardeur.

Or, cet accord de la raison et de la foi ne paraît nulle part si bien que dans le devoir de conserver la paix avec ceux qui nous sont unis, et d'éviter toutes les occasions et tous les sujets qui sont capables de la troubler. Et si la religion nous prescrit ce devoir comme un des plus essentiels à la piété chrétienne, la raison nous y porte aussi comme à un des plus importants pour notre propre intérêt.

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