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être proposés comme un modèle excellent dans ce genre de passions douces et tendres. Je ne prétends pas par là en exclure les passions fortes et véhémentes qui y sont quelquefois mêlées : mais, si je ne me trompe, ce sont les premières qui y dominent.

LIVRE CINQUIÈME.

DES TROIS GENRES D'ÉLOQUENCE.

Ce livre cinquième renferme des réflexions sur l'éloquence du barreau, sur l'éloquence de la chaire, et sur l'éloquence de l'Écriture sainte.

CHAPITRE PREMIER.

DE L'ÉLOQUENCE DU BARREAU.

Les règles que j'ai données jusqu'ici sur l'éloquence, étant presque toutes tirées de Cicéron et de Quintilien, qui se sont principalement appliqués à former des orateurs pour le barreau, pourraient suffire aux jeunes gens qui se destinent à cette honorable profession. J'ai cru néanmoins devoir y ajouter quelques réflexions plus particulières, qui puissent leur servir comme de guides, en leur montrant la route qu'ils doivent tenir. J'examinerai d'abord quels modèles on doit se proposer dans le barreau pour se former un style qui y convienne. Je parlerai ensuite des moyens que les jeunes gens peuvent

employer pour se préparer à la plaidoirie. Enfin je ramasserai quelque chose de ce que Quintilien a dit de plus beau sur les mœurs et sur le caractère de l'avocat.

ARTICLE PREMIER.

Des modèles d'éloquence qu'il convient de se proposer au Barreau.

Si nous avions les harangues et les plaidoyers de tant d'habiles orateurs qui depuis un certain nombre d'années ont si fort illustré le barreau français, et de ceux qui y paraissent encore aujourd'hui avec tant d'éclat, nous pourrions y trouver des règles sûres et des modèles parfaits de l'éloquence qu'on y doit suivre. Mais le petit nombre que nous avons de ces sortes de pièces nous oblige de recourir à la source même, et d'aller chercher dans Athènes et dans Rome ce que la modestie de nos orateurs, peut-être excessive en ce point, ne nous permet pas de trouver parmi nous.

§ I. Démosthène et Cicéron modèles d'éloquence les plus parfaits.

Démosthène et Cicéron, du consentement de tous les siècles et de tous les savants, sont ceux qui ont le plus excellé dans l'éloquence du barreau; et l'on peut par conséquent proposer leur style aux jeunes gens comme un modèle qu'ils peuvent sûrement imiter. Il s'agirait pour cela de le leur bien faire connaître, de leur en bien marquer le caractère, et de leur en faire sentir les différences. Cela ne se peut que par la lecture et par

l'examen de leurs ouvrages. Ceux de Cicéron sont entre les mains de tout le monde, et par cette raison assez connus. Il n'en est pas ainsi des discours de Démosthène; et, dans un siècle aussi savant et aussi poli qu'est le nôtre, il doit paraître étonnant que, la Grèce ayant toujours été considérée comme la première et la plus parfaite école du bon goût et de l'éloquence, on soit si peu soigneux, sur-tout dans le barreau, de consulter les habiles maîtres qu'elle nous a donnés en ce genre1, et que, si l'on ne croit pas devoir donner un temps considérable à leurs excellentes leçons, on n'ait pas au moins la curiosité d'y prêter l'oreille comme en passant, et de les écouter comme de loin, pour examiner par soi-même s'il est donc vrai que l'éloquence de ces fameux orateurs soit aussi merveilleuse qu'on le dit, et si elle répond pleinement à leur réputation.

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Pour mettre les jeunes gens et ceux qui n'ont point étudié le grec en état de se former quelque idée du style de Démosthène, je rapporterai ici plusieurs endroits de ses harangues, qui ne suffiront pas, à la vérité, pour montrer tout entier ce grand orateur, ni peut-être pour donner des modèles de son éloquence dans tous les genres, mais qui aideront au moins à le faire connaître en partie, et à faire sentir ses principaux caractères. J'y joindrai quelques endroits de la harangue qu'Eschine, son compétiteur et son rival, prononça contre lui. Je me servirai de la traduction qu'en a faite

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M. de Tourreil: j'entends la dernière, qui est beaucoup plus travaillée et plus correcte que les précédentes. Je prendrai pourtant la liberté d'y faire quelquefois de légers changements, parce que d'un côté on y a laissé beaucoup d'expressions basses et triviales, et que de l'autre le style en est quelquefois trop enflé et ampoulé 2 :

1 Ce que nous demandions tous à cor et à cri.... Le soin qu'ils ont de vous corner aux oreilles.... Si vous continuez à fainéanter.... Vous vous comportez au rebours de tous les autres hommes.... Vous ne cessez de m'assassiner de clabauderies éternelles.... Ils vous escamoteront les dix talents.... Vous amuser de fariboles.... Il se ménagea un prompt rapatriement.... Que si le cœur vous en dit, je vous cède la tribune.... Mais tout compté, tout rabattu.... Non, en dussiez-vous crever à force de l'assurer faussement.... Vous vomissez des charretées d'injures.... Je rapporte ce peu d'exemples entre beaucoup d'autres, pour avertir ceux qui liront cette traduction, très-estiinable d'ailleurs, de ne point imputer à l'orateur grec de pareils défauts d'expression.

2 Je ne citerai qu'un endroit tiré de la troisième Philippique. De là il arrive que dans vos assemblées, au bruit flatteur d'une adulation continuelle, vous vous endormez tranquillement entre les bras de la volupté : mais que, dans les conjonctures et dans les événements, vous courez les derniers périls. Voici le texte de la première partie, qui seule souffre quelque difficulté: Εἶθ ̓ ὑμῖν συμβέβηκεν ἐκ τούτου ἐν μὲν ταῖς ἐκκλησίαις τρυφᾶν καὶ κολα κεύεσθαι πάντα πρὸς ἡδονὴν ἀκούου

σty. Volfius le traduit ainsi : Undè id consequimini, ut in concionibus fastidiatis, assentationibus deliniti, et omnia quæ voluptati sunt audiatis. Ce qui est le véritable sens; et M. de Maucroy l'a suivi: «Vous vous rendez difficiles dans vos assemblées ; vous voulez y être flattés, et qu'on ne vous tienne que des propos agréables : « Cependant cette délicatesse vous a conduits sur le bord du précipice. » Ce qui a trompé M. de Tourreil est le mot Tpuv, qui signifie ordinairement, deliciis abundare, diffluere, in deliciis vivere. Quand il aurait eu ici ce sens, il n'aurait pas fallu l'exprimer par ces termes pompeux, vous vous endormez tranquillement entre les bras de la volupté; qui, joints aux précédents, au bruit flatteur d'une adulation continuelle, forment un style tout opposé à celui de Démosthène, dont l'éloquence mâle et austère ne souffre point de ces sortes 'd'ornements. Mais les délices et la volupté n'étaient point alors le caractère des Athéniens, et d'ailleurs quel rapport pouvaient-elles avoir aux assemblées publiques? Au lieu qu'il était très-naturel que les Athéniens, enflés par les éloges continuels que les orateurs faisaient de leur grande puissance, de leur mérite supérieur, des exploits de leurs ancêtres, et accoutumés depuis long-temps à de telles flatteries, d'un côté fissent les

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