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DES ÉTUDES,

OU

DE LA MANIÈRE

D'ENSEIGNER ET D'ÉTUDIER

LES BELLES-LETTRES.

LIVRE QUATRIÈME.

DE LA RHÉTORIQUE.

QUOIQUE les qualités naturelles soient le principal

fondement de l'éloquence, et que quelquefois elles suffisent seules pour y réussir, on ne peut nier cependant que l'art et les préceptes ne puissent être d'un grand secours à l'orateur 1, soit pour lui servir de guides en lui donnant des règles sûres qui apprennent à dis

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I « Ego in his præceptis hanc vim et hanc utilitatem esse arbitror, non ut ad reperiendum quid dicamus arte ducamur, sed ut ea quæ naturâ, quæ studio, quæ exercitatione consequi

mur, aut recta esse confidamus, aut prava intelligamus; quum, quò referenda sint, didicerimus.» (Cic. 2, de Orat. n. 232.)

cerner le bon du mauvais, soit pour cultiver et perfectionner les avantages qu'il a reçus de la nature.

Ces préceptes, fondés sur les principes du bon sens et de la droite raison, ne sont autre chose que des observations judicieuses faites par d'habiles gens sur les discours des meilleurs orateurs, qu'on a ensuite rédigées par ordre, et réunies sous de certains chefs : ce qui a donné lieu de dire que l'éloquence n'était pas née de l'art, mais que l'art était né de l'éloquence.

Il est aisé par là de comprendre que la rhétorique, sans la lecture des bons écrivains, est une science stérile et muette, et qu'ici, comme dans tout le reste, les exemples ont infiniment plus de force que les préceptes 2. En effet, au lieu que le rhéteur se contente 'de montrer comme de loin aux jeunes gens la route qu'ils doivent tenir, l'orateur semble les prendre par la main, et les y faire entrer.

Comme donc le but qu'on se propose dans la classe de rhétorique est de leur apprendre à mettre euxmêmes en œuvre les règles qu'on leur a données, et à imiter les modèles qu'on leur a mis devant les yeux, tout le soin des maîtres, par rapport à l'éloquence, se réduit à trois choses: aux préceptes de rhétorique, à la lecture des auteurs, et à la composition.

Quintilien nous apprend que de son temps la seconde de ces trois parties était absolument négligée, et que les rhéteurs donnaient tout leur temps aux

I « Ego hanc vim intelligo esse in præceptis omnibus, non ut ea secuti oratores eloquentiæ laudem sint adepti, sed, quæ suâ sponte homines eloquentes facerent, ea quosdam observasse, atque id egisse : sic esse

non eloquentiam ex artificio, sed artificium ex eloquentiâ natum. » (Cic., de Orat. 1. n. 146.)

. 2 <<< In omnibus ferè minùs valent præcepta quàm experimenta. (QUINTIL. lib. 2, cap. 5.)

deux autres. Pour ne point parler ici du genre de composition qui régnait alors, qu'on appelait déclamation, et qui fut une des principales causes de la corruption de l'éloquence, ils entraient dans un détail de préceptes très-longs et dans des questions très-épineuses, et souvent assez inutiles; et c'est ce qui fait que la rhétorique même de Quintilien, si excellente d'ailleurs, paraît en plusieurs endroits fort ennuyeuse. Il avait le goût trop bon pour ne pas sentir que la lecture des auteurs est une des parties les plus essentielles de la rhétorique, et la plus capable de former l'esprit des jeunes gens. Mais, quelque bonne volonté qu'il eût, il ne lui fut pas possible de résister au torrent, et il se vit obligé malgré lui de se conformer en public à une coutume qu'il avait trouvée généralement établie, se réservant à suivre en particulier la méthode qu'il jugeait la meilleure.

C'est celle qui domine maintenant dans l'université de Paris, et à laquelle on n'est parvenu que par degrés. Je m'arrêterai principalement sur cette partie, qui regarde la lecture et l'explication des auteurs, après que j'aurai traité en peu de mots les deux autres, qu'on peut dire en un certain sens être renfermées dans celle-ci.

I « Cæterùm, sentientibus jam tùm optima, duæ res impedimento fuerunt: quòd et longa consuetudo

aliter docendi fecerat legem', etc. » (QUINTIL, ibid.)

CHAPITRE PREMIER.

DES PRÉCEPTES DE RHÉTORIQUE.

La bonne manière d'apprendre la rhétorique serait de la puiser dans les sources mêmes, je veux dire dans Aristote, Denys d'Halicarnasse, Longin, Cicéron et Quintilien. Mais, comme la lecture de ces auteurs, sur-tout des Grecs, est beaucoup au-dessus de la portée des écoliers, tels qu'on les reçoit maintenant en rhétorique, les professeurs peuvent se réserver le soin de leur expliquer de vive voix les solides principes qui se trouvent dans ces grands maîtres d'éloquence, dont ils doivent avoir fait une étude particulière, et se contenter de leur indiquer les plus beaux endroits de Cicéron et de Quintilien, où seront traitées les matières qu'ils leur expliqueront: car il serait, ce me semble, honteux qu'on sortît de rhétorique sans avoir quelque idée et quelque connaissance des auteurs qui ont écrit de cet art avec tant de succès.

Ce qu'il y a de plus important dans la rhétorique ne consiste pas tant dans les préceptes en eux-mêmes que dans les réflexions qui les accompagnent, et qui en montrent l'usage. On peut connaître le nombre des différentes parties du discours, celui des tropes et des figures, en savoir très-exactement les définitions, et n'en être pas pour cela plus habiles dans la composition. Cela est utile, et nécessaire même jusqu'à un certain point, mais ne suffit pas : ce n'est là que comme

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