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chantèrent le reste, et récitèrent les petites, pendant quoi l'on sonna pour les frères convers, qui sont habillés de tanné, et vinrent Gans leur chœur séparé de celui des Pères, mais presque aussi grand. Ils entendirent le Salve, etc., qu'on chanta du ton des Pères de l'Oratoire, et demeurèrent à l'examen, qui dura un quart d'heure, après lequel les anciens sortant les premiers, le président leur donna de l'eau bénite avec un goupillon qui est près des degrés du dortoir. Le samedi 13, nous partimes après avoir vu l'église de Sainte-Marguerite, paroisse des domestiques et des ouvriers d'Orval car on y travaille dans les forges de fer. »

Leur habillement est le même que celui des autres religieux de cet ordre (1); ainsi nous n'en donnons point de représentation particulière.

Angel. Manriq. Annal. Ord. Cistert., t. I. Chrysostom. Henriquez, Fascicul. sanct. ord. Cist. Yepes, Chronique générale de l'ordre de Saint-Benoit, tom. VII. Moréri. Diction, historique, ,édit. de 1704 et 1707, et Relation manuscrite d'un voyage de M. l'abbé Chatelain.

La réforme suivie à Orval, lorsque le P. Hélyot a écrit son Histoire, n'était point celle qu'y avait établie Dom Bernard de Montgaillard. Son récit a donc besoin d'une modification importante, ou plutôt d'une rectification ou d'un supplément sur des circonstances qu'il a ignorées et que ses scrupuleuses recherches auraient dû lui faire connaître. Je ne puis même m'expliquer comment il a donné tout l'honneur de la réforme d'Orval au Petit-Feuillant, et n'a pas nommé une seule fois celui à qui il appartenait réellement. Je vais réparer cet oubli, et Conséquemment relever l'erreur dans laquelle le P. Hélyot était déjà tombé en parlant des Feuillants, puisqu'il avait dit que la réforme établie à Orval par D. B. de Montgaillard y subsistait encore..

Celui qui avait rendu cette maison si célèbre, était un gentilhomme nommé Charles Bentzeradt, qui s'était fait religieux à Orval même. Ce monastère était, comme le dit Hélyot, une colonie de Trois-Fontaines, et Constantin, le premier abbé, en avait pris possession avec sept autres moines, le 9 mars 1131. Saint Bernard avait visité cette maison naissante, et lui avait donné un calice doré, qu'on y conserva précieusement jusqu'à la suppression, et sur lequel on avait fait graver les armes de sa famille pour en éterniser le souvenir. L'abbaye d'Orval, une des plus riches des pays Pays-Bas, était déjà déchue de l'état heureux où l'avait replacée D. Bernard de Montgaillard et tombée dans le relâchement. Charles de Bentzeradt entreprit de réparer ce que le malheur des temps avait détruit. Ayani été nommé coadjuteur, puis abbé, en 1668, il disposa tout pour l'exécution de son dessein. Exhortations publiques, entretiens particuliers, douceur, bons exemples, il n'omit rien pour préparer

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les esprits à féconder son œuvre. Sa prudence et sa confiance en Dieu triomphèrent des contradictions, et il parvint à donner naissance à la réforme. Néanmoins par prudence il avait différé l'exécution du projet formé dès sa promotion à la prélature; mais le voyant tombé malade et dans un état qui faisait craindre pour sa vie, cinq de ses religieux qui s'étaient dévoués à la réforme, le conjurèrent de l'introduire sans délai; elle fut donc introduite le jour de Pâques 1674. On remarqua que dès lors l'abbé de Bentzeradt commença à se mieux porter, et le jour de la Pentecôte de la même année, il fut en état de se mettre à la tête des cinq religieux réformés, auxquels les autres se joigniren! sensiblement. Le pieux et zélé réformateur ajouta de temps en temps quelques nouvelles rigueurs, fit adopter l'usage suivi à la Trappe et à Sept-Fonts, où ces religieux près de mourir, étaient posés sur la cendre, et supprima l'orgue et la musique dans les offices de l'Eglise. Les jours de jeûne, la communauté ne dînait qu'à deux heures ou à quatre heures, point des anciennes coutumes auquel était aussi revenu D. Augustin dans sa réforme de la Val Sainte, dont nous parlerons au quatrième volume. A Orval, les dortoirs ressemblaient à de grandes salles sans cellules murées, et les lits n'étaient séparés que par des planches hautes d'environ six pieds dont l'entrée était simplement fermée par une grosse toile. C'était encore un point de l'observance plus littérale de la règle de saint Benoit, auquel étaient revenus les Trappistes dans la réforme qu'ils embrassèrent ou mieux qu'ils augmentèrent après leur sortie de France. J'ai vu, au monastère du Port-du-Salut, près de Laval, l'année de sa formation (1815), les dortoirs composés de lits, séparés seulement par des cloisons de toiles, qui n'allaient point jusqu'au plafond de la salle, et fermés, comme ceux d'Orval, par un simple rideau. Aujourd'hui dans la même maison, et, à ce que je crois, dans la plupart des autres maisons de Trappistes, il en est autrement, et on sépare les couches par des cloisons qui en forment de petites cellules, plus convenables peut-être à une entière décence et n'ayant toujours pour porte d'entrée que le rideau dont j'ai parlé. On ne faisait point de collation à Orval les jours de jeûne de règle; on y exerçait l'hospitalité envers les étrangers et la charité envers les pauvres avec autant de zile que d'édification. Pendant trentetrois ans l'abbé de Bentzeradt soutint l'œuvre qu'il avait commencée et eut la satisfaction de voir une colonie de sa maison se former sur les bords du Rhin. Quelques religieux envoyés dans le diocèse de Cologne pour y fonder un établissement, se fixèrent d'abord dans une île du Rhin, et furent ensuite transférés à Dusselthaël dans le voisinage de Dusseldorp, capitale du duché de Berg, à 5 ou 6 lieues du chef-lieu du diocèse. Vers la fin de sa vie, l'abbé prit pour coad

(1) Voy., au tome 1, les gravures nos 238, 259, 240 et 211.

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FR. STEPHANUS SUCCESSOR, CONVENTUSQUE
AUREA VALLIS

PATRI PLISSIMO CUM LUCTU POSUERUNT.
OBIT ANNO ETATIS LXXIII,
PROFESSIONIS MONASTICE LII,
ABBATIALIS DIGNITATIS XL,
ÆRE CHRISTIANE M.DCCVII. XII JUNII.
Disciplinam in pace conservate filii,
(Eccli. XLI, 17.)

Si l'abbé de Bentzeradt avait toutes les autres qualités qui conviennent à un supérieur de monastère, il n'avait pas du moins la prudence. Supposons qu'il ne fût pas luimême épris des nouveautés qui ont troublé T'Eglise depuis deux siècles, c'était une grande imprudence que de donner une retraite et trop de latitude dans sa maison à un janséniste tel que le fameux Cambout de Pontchâteau. Peut être Bentzeradt fut-il dupe des apparences de rigorisme dont se paraient les novateurs; alors il faudrait rai sonner sur lui comme sur l'abbé Lafite-Maria, réformateur de l'abbaye Saint-Polycarpe. On peut voir ce que j'en ai dit dans le Supplément de la Biographie universelle, et surtout ce que j'en dirai au quatrième volume du présent dictionnaire, à l'article SAINT PoLYCARPE. Je croirais volontiers que Bentzeradt était du moins cher au parti. On le peut conclure de l'éloge que font de lui les Nouvelles ecclésiastiques et des dispositions de certains sujets reçus par lui à la profession.

Son successeur, D. Henrion, maintint l'esprit de la réforme et l'établit même dans l'abbaye de Beaupré, au diocèse de Toul, en Lorraine, où le duc Léopold 1er les appela vers 1714. Ce successeur mourut en 1729. Le jansénisme fit de son temps des ravages alfreux à Orval. L'abbé de Pontchâteau n'était pas le seul à avoir influencé la maison. Nicole, qui y fit un voyage, n'aura fait, il est probable, que de nourrir des dispositions mauvaises, et N., médecin et solitaire de Port-Royal, qui s'etait aussi retiré à Orval, y fomenta l'esprit de révolte. Un de ceux qui en étaient le plus épris, se nommait Dom Jean-Jacques Hoffreumont, prêtre, et l'un des restaurateurs de Beaupré, qui avait fait profession sous l'abbé de Bentzeradt et devint, sous l'abbé Henrion, prieur et maître des novices. Dans ce dernier emploi, il se fit un

devoir d'instruire ses novices des questions agitées à l'époque, et de les prévenir contre la bulle Unigenitus. Cette conduite déplut à l'abbé D. Etienne Henrion, qui, au commencement de septembre 1725, le déposa de sa charge de maître des novices. Le mal était devenu sinon général, du moins très-dangereux à Orval, et pour y remédier il fallut avoir recours à une mesure extrême. Bien que, selon les constitutions et les priviléges de l'ordre de Citeaux, ce corps illustre ne puisse avoir pour visiteurs que des religieux qui en soient membres, en ce même mois, l'abbé de Grimbergne, de l'ordre de Prémontré, fut envoyé à Orval en qualité de visiteur apostolique. Ce visiteur exigea de D. JeanJacques Hoffreumont, comme des autres religieux, la signature du formulaire d'Alexandre VII et l'acceptation pure et simple de la bulle Unigenitus. D. Jean-Jacques répondit, relativement au formulaire, qu'il n'avait pas assez examiné cette matière; et à l'égard de la Constitution, qu'il s'en tenait aux ordres de l'empereur, notifiés au Père abbé par une lettre du prince Eugène, en date du 15 juin 1720, ordres par lesquels Sa Majesté impériale prescrivait une exacte indifférence à ce sujet. Cette réponse mérita les reproches et le mécontentement du visiteur.

Deux jours après, le bruit s'étant répandu dans le monastère, qu'on devait excommunier D. Jean-Jacques, le mettre en prison, on le transporter avec quelques-uns de ses confrères en des maisons de l'ordre en Allemagne (ces bruits étaient peut-être mis en avant par les intéressés), il prit avec ceux qui partageaient ses sentiments le parti de fuir de son Couvent. Il partit donc avec quatorze de ses confrères, le prieur en tête, du consentement de leur abbé toutefois, qui donna à l'un d'eux la clef du vestiaire, et même leur permit d'em porter quelque argent. Les fugitifs espéraient, dit-on, dans quelque maison de leur ordre ; mais cette espérance leur étant enlevée, ils se déterminèrent à faire comme les trente Chartreux, sortis de leur cloître, et à se retirer en Hollande, pour vivre en commun. Dès qu'ils se crurent en lieu de sûreté, ils prirent des mesures pour rentrer dans l'ordre. Ils écrivirent à Benoît XIV, plus d'une fois aux cours de Vienne et de Bruxelles, et aux abbés de Citeaux et de Clairvaux; bien entendu que toutes ces autorités ne purent entrer en arrangement avec des révoltés. Ils ne reçurent point de réponse, excepté peut-éire de Benoit XIV, qui témoigna, dit-on, étre touché de leur état. Ce fut alors qu'ils se retirèrent sous l'aile et la protection de Corneille-Jean Barchman, archevêque janséniste d'Utrecht, et se réunirent dans une même maison, à Rhynwyk. On jugera des sentiments qu'ils portèrent et nourrirent dans leur émigration par les actes qu'ils manifestèrent. Trois fois Dom Jean-Jacques fut élu supé rieur; en 1723, ils signèrent une protestation tant contre la signature pure et simple du formulaire que contre la Constitution Unigenitus, Ils signifièrent à l'abbé d'Orval ces deux actes, qui devinrent publics dans

le temps On les trouve à la fin de l'Apologie des Chartreux, édition de Hollande, et dans l'écrit, format in-4°, intitulé: Remarques d'un jurisconsulte sur la visite faite à Orval. Dès l'année qui suivit leur retraite en Hollande, ils écrivirent à Colbert, évêque de Montpellier, et D. Jean-Jacques retractà entre ses mains la signature pure et simple qu'il avait faite du formulaire à son ordination pour le diaconat. Ils épousèrent la cause de l'Eglise d'Utrecht, celle de l'évêque de Senez, etc. La plupart de ces religieux furent enterrés dans le cloître de l'église Sainte-Marie, à Utrecht, Deux convers, survivant à leurs confrères, se retirèrent à Nettancourt, au diocèse de Châlons-sur-Marne.

Tous les opposants à la bulle n'avaient pas quitté Orval: il restait dans cette maison des discoles, et l'on fut obligé de prendre des mesures sévères contre le P. Bernard Barhom, et de l'incarcérer. Ce religieux, qui n'était pas dans les ordres, ne voulut point de sa liberté aux conditions de soumission, même généralement exprimée, que son abbé lui proposait.

Cependant l'Eglise était consolée par les sentiments de foi et de régularité dont étaient animés presque tous les autres membres de la communauté; mais le jansénisme avait laissé son esprit de malédiction à Orval, et peut-être vil-on se réaliser dans cette maison ce que Nicole avait dit dans cette abbaye, qu'ordinairement la ferveur des réformés durait environ cinquante ans pour Dieu et'lereste pour le d..... Quoi qu'il en soit, le P. de Tracy, théatin, ayant eu, en écrivant la Vie de saint Bruno, l'occasion de parler de l'abbaye d'Orval, en 1785, nous apprend que l'observance n'était plus aussi stricte dans cette maison, qu'elle l'avait été au commencement du siècle, et qu'elle ne subsistait plus à l'abbaye de Beaupré où nous avons vu qu'elle s'était introduite, et où elle avait, comme on l'a vu partout, rétablit le temporel de la maison, en même temps qu'elle y réformait le spirituel. Il est vraisemblable qu'à l'époque de la destruction de Dusselthael, il y avait longtemps que le jansénisme, introduit dans cette maison dès son origine, en avait aussi banni la stricte observance d'Orval.

Dans la maison d'Orval, l'esprit d'opposition finit par toul gåter. A Dom Etienne Henrion succéda, en 1729, Dom Jean Matthieu Montmers, qui fit de généreux efforts pour maintenir l'esprit monastique, et n'eut pas le succès qu'il désirait. En 1752, l'extérieur même de la réforme fut ouvertement attaqué; la plupart des religieux, lassés du joug, se récrièrent sur la simplicité des ornements de l'église, sur le temps du travail des mains, sur l'heure du diner pendant le carême, sur l'exiguité des portions, etc. L'abbé Dom de Meuldre voulut résister au torrent, et maintenir, comme l'avait fait Dom Montmers, son prédécesseur, toute la rigueur extérieure, et pria son Père immédiat, l'abbé de Clairvaux, de visiter Orval, ce qui eut lieu en août 1752, au détriment de la règle et au grand regret de Dom de Meuldre, qui eut recours à Rome, et

en oblint un bref favorable, daté du 23 décembre 1754, et maintenant la réforme. Les récalcitrants se plaignirent à la cour de Bruxelles, insinuant que l'abbé avait des richesses oisives, etc. Le prince Charles, gouverneur des Pays-Bas autrichiens, fit faire en 1757, une visite à Orval. Ses commissaires trouvèrent au trésor six cent mille florins, monnaie de Luxembourg (un million, argent de France) qu'ils enlevèrent et mirent en rente sur l'Etat. Il y avait en outre du fer, des forges à vendre. Le Père abbé, voyant qu'on approuvait el prescrivait les dispositions destructives, prises par l'abbé de Clairvaux en 1752, agit avec noblesse et constance, et donna sa démission. Il eut la permission de se retirer en tel endroit qu'il voudrait choisir dans la domination de Sa Majesté, avec une pension de six mille florins (dix mille livres de France). Le prieur, Dom Mesme, ami du relâchement, lui succéda à la dignité abbatiale, le 10 novembre 1757, par le concours de M. de Clairvaux. Mais les intrigants, jaloux de l'élévation de Dom Mesme, qu'ils avaient choisi pour leur confesseur et soutenu dans son opposition, voyant que les commissaires ne leur avaient donné aucun emploi, continuèrent dans leur esprit de mécontentement et de critique. Plus de dix ans auparavant, la discipline avait grandeme..t souffert d'un ambitieux français, HubertLoyal d'Yvoizy, frère convers, qui par des calomnies s'était fait adjuger l'administration des biens que l'abbaye avait en France, et logeait à Montmédy, dans l'hospice de son cuvent; M. l'abbé de Clairvaux remédia à cet abus par une visite, mais plus tard sa condescendance contribua à rendre Orval méconnaissable.

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OURS (ORDRE MILITAIRE DE L').
Voy. HELVÉTIQUE.

OUVRIERS DE LA TRINITÉ.
Voy. CLOU (Prêtres du Sacré-).
OUVRIERS-PIEUX.

De la congrégation des Ouvriers-Pieux, avec la Vie du R. P. Charles Caraffa, leur fondateur.

Le P. Charles Caraffa, fondateur de la congrégation des Ouvriers-Pieux, tirait son origine des ducs d'Atri et comtes de Ruro, de l'illustre maison des Caraffa, qui a donné des papes à l'Eglise, plusieurs cardinaux, grand nombre de prélats, un grand maître de l'ordre de Malte, un général de la compagnie de Jésus, des vice-rois au royaume de Naples, qui était sa patrie, et de fameux capitaines. Il vint au monde l'an 1561, et à l'âge de seize

ans il entra dans la compagnie de J. sus, où, au mépris de soi-même, à la fuite du monde après avoir demeuré pendant cinq ans, il fut et aux envres de piété, il voulut recevoir les obligé d'en sortir à cause de ses maladies ordres sacrés. Pour s'y préparer il se retira continuelles. Il porta quelque temps l'habit pendant un mois chez les Peres Jésuites, qui clérical; mais il le quitta pour prendre le lui firent faire les exercices de saint Ignace, parti des armes, dans lequel, oubliant les et ayant obtenu, l'an 1599, un bref du pape bonnes instructions qu'il avait reçues chez Clément Viil, qui lui permettait de recevoir les Jésuites, et les exemples de veriu qu'il y tous les ordres sacrés en tro s jours de fêtes avait vu pratiquer, il tomba dans tous les consécutives, il les reçut les fe es de Noël de déréglements où la plupart des gens de guerre la même année et célébra sa première messe selaissent aisément entraîner. Sa bravoure lui le premier jour de l'an 1600. Ce fut pour lors procura des emplois considérables à l'armée, que, se voyant plus uni à Jésus-Christ par le el lui donnait lieu d'en espérer de plus gran is caractère du sacerdoce, il eut qu'il était de son et de s'élever à une fort ne plus éclatante; devoir de se conformer à la vie humble et cruc'est pourquoi il vint à Naples, pour y sollicifiée de ce divin modèle des vrais ecclésiasticiter auprès du vice-roi quelque emploi considérable qui pût le récompenser des grands services qu'il avait rendus à la couronne d'Espagne; mais Dieu, qui lui préparait des biens plus solides que ceux qu'il recherchail, en disposa autrement; car un jour qu'il allait au palais avec tous les certificats de ses services, passant devant l'église du monastère qu'on appelle Regina Cali, il s'y arrêta pour entendre chanter une religieuse, dont sa divine majesté se servit pour le convertir et fixer son cœur à son service; car Caraffa, jugeant de sa grandeur par les agréments qu'il communiquait à ses créatures, n'hésita point à préférer son service aux plus grandes fortunes, pour lesquelles il commença dès lors à avoir tant de mépris, qu'il lui fit un sacrifice des certificat de ses services sur les quels il avait fondé toutes ses espérances. Etant retourné à sa maison, il s'enferma dans une chambre pour y pleurer ses péchés et songer au genre de vie qu'il devait embrasser pour satisfaire à la justice de Dieu. I commença par congédier la plupart de ses domestiques et principalement les femmes qui étaient à son service. Dès le même jour il voulut faire couper ses cheveux et les grandes moustaches qu'il portait, suivant la mode de ce temps-là ce que le barbier ayant refusé de faire, il prit lui-même les ciseaux coupa ses cheveux et sa barbe et alla aussitôt au collège des Jésuites pour communiquer ses sentiments à un Père de cette compagnie qu'il prit pour son confesseur, et qui lui conseilla de se défier de ses propres forces et de ne pas faire tout d'un coup un si grand changement. Caraffa ne laissa pas cependant d'ailliger son corps par des jeûnes rigoureux au pain et à l'eau et par des disciplines sanglantes. Il dormait sur la terre nue, se retirait des compagnies et partageait les heures du jour en differents exercices de piété, en employant la plus grande partie à la prière et

à la méditation.

S'étant fortifié de cette manière dans la crainte de Dieu, il prit la résolution d'embrasser l'état ecclésiastique et de se donner entièrement au service de Dieu et du prochain; mais comme dans ce ministère la science est nécessaire, il se mit à l'étude de Ja philosophie et de la theologie à l'âge de trente-quatre ans et y employa cinq ans, après lesquels, ne pouvant plus retenir le zèle et la ferveur dont il était animé et qui le portait

ques. C'est pourquoi il se contenta d'un seul domestique. Son hab liement n'était qu'une étoffe vile et grosière; il ne portait que des chemises de laine avec de rudes cilices et des chaines de fer, dont il se serrait si fort le corps qu'à peine le pouvait-il plier. Son lit ordinaire n'était que la terre, et il n'avait pour chevet qu'une pierre. Son jeûne était presque continuel, et si austère que son corps semblait un squelette vivant. Le plus souvent il faisait servir sa table splendidement, et sortant ensuite de sa maison, il allait chercher les pauvres pour les faire manger, se contentant de leurs restes. Les pauvres honteux ne ressentaient pas moins les effets de sa charité; car il allait les trouver dans leurs maisons où il leur donnait abondamment tout ce dont ils avaient besoin. Non content de ces œuvres de miséricorde à l'égard des nécessiteux, sa compassion pour les affligés l'obligea à quitter sa propre maison pour aller demeurer auprès de l'hôpital des Incurables, afin d'être plus à portée de les soulager dans leurs pines; souvent il y passat les jours et les nuits à assister les malades, 1's servant, faisant leurs lits, balayant leurs chambres, leur donnant tous les secours dont ils avaient besoin et aidant les moribonds à faire une bonne mort; ce qu'il faisait avec tant d'amour et de charité, que plusieurs personnes, excitées autant par son exemple que par ses exhortations, ayant entrepris les mêmes œuvres de miséricorde, il en institua dans le même hôpital une congrégation sous le titre de Saint-François, à laquelle il donna quelques règlements, obligeant les confrères de cette même congrégation d'entretenir douze lits à leurs dépens: ce qui s'observe encore aujourd'hui.

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Son zèle s'étendant sur toutes sortes de personnes, il allait dans les places publiques de Naples, où, rassemblant beaucoup de monde, il leur enseignait les vérités de la religion, la manière de se bien confesser, et les invitait par ses exhortations à la fuite du péché et à la pratique des vertus, pour prévenir les suites funestes d'une chante mort, qu'il ne craignait pas moins pour les autres que pour lui-même, et c'est ce qui l'obligea de se faire inscrire dans la compagnie des Blancs, qui est une congrégation ou confrérie établie à Naples pour assister à la mort ceux qui y sont condamnés par la justice, afin de pouvoir aider ces pauvres

misérables dans ce dernier et très-important passage. Pendant que cet homme de Dieu s'appliquait ainsi au salut des âmes, deux prêtres de sa connaissance, s'estimant fort heureux de jouir de sa compagnie et de former avec lui une sainte société, l'invitèrent d'aller dans un oratoire appelé du SaintSépulcre hors la ville, où ils s'assemblaient de temps en temps pour y faire oraison; quoique Caraffa se sentit porté à ne point abandonner les pauvres, il fut néanmoins inspiré de Dieu d'accepter leur offre et d'y aller avec eux. C'était un ermitage situé au pied d'une montagne de roc dans lequel on avait taillé deux chambres qui étaient accompagnées d'une chapelle. Caraffa s'y retira donc pour obéir à la voix du Seigneur, bien résolu d'y continuer ses pénitences et de ne point abandonner pour cela le salut des âmes. C'est pourquoi il en sortait le matin et allait dans la ville au quartier des courtisanes pour les exhorter à quitter leur vie infâme: ce qui lui ayant réussi à l'égard de plusieurs, qui, touchées par la force de ses discours et poussées par un secret mouvement de l'Esprit-Saint, venaient le trouver à son ermitage pour se confesser de leurs péchés et apprendre de lui le véritable chemin du salut, il leur assigna certains jours auxquels il leur prêchait dans sa petite chapelle avec tant d'efficace, que le nombre de celles qu'il convertit fut si grand, qu'outre celles qu'il maria, il en remplit quatre monastères et leur procura de quoi subsister; enfin sa charité était si grande qu'il allait encore dans les villages annoncer la parole de Dieu aux pauvres paysans, dont plusieurs quillèrent leur vie déréglée pour retourner à Dieu par une véritable et sincère conversion.

Le cardinal Giesualdo, archevêque de Naples, voyant les grands fruits que Caraffa faisait dans la vigne du Seigneur, voulut avoir auprès de lui un si bon ouvrier, et lui ordonna de quitter son ermitage pour venir demeurer à l'église de Sainte-Marie-de-tousBiens, qui était dans la ville. Plusieurs ecclésiastiques qu'il dirigeait se joign.rent à lui pour l'aider dans ses fonctions apostoliques; quelques-uns même voulurent être de ses disciples, et abandonnèrent leu s propres maisons pour vivre avec lui sous sa conduile. Caraffa crut que c'était une occasion favorable pour mieux entreprendre les missions. Il en parla à l'archevêque, qui lui permit de vivre en commun avec ceux qui voulaient être ses disciples, et de recevoir sous sa direction les prêtres et les laïques qui se présenteraient. Quoique son intention ne fût pas pour lors de fonder une congrégation de prêtres, mais seulement de servir le prochain par le moyen des missions qu'il espérait faire avec le secours de ceux qui se joignaient à lui, il ne laissa pas d'être le fondateur d'un institut particulier, qui par une protection visible du Très-Haut, qui l'avait ainsi déterminé, subsista et fut aulorisé et approuvé par le saint-siége, malgré toutes les contradictions qu'il reçut, comme on le verra dans la suite.

DICTIONN DES ORDRES RELIGIEUX, III,

Caraffa, qui, depuis un mois qu'il était sorti de son ermitage, avait toujours été occupé à accommoder l'église de Sainte-Marie-de-tousBiens, l'ouvrit enfin le troisième dimanche après Pâques de l'an 1601, et commença, avec huit prêtres qui s'étaient joints à lui, à y travailler au salut du prochain, soit par les exercices de piété qu'il y établit, soit par les fréquentes exhortations qui s'y faisaient, et cela avec tant de zèle et un si heureux succès, qu'outre un grand nombre de pécheu s qui changèrent de vie, il y eut encore lant de courtisanes qui voulurent faire pénitence de leur vie passée, que le P. Caraffa fut obligé de fonder deux monastères pour les renfermer, l'un sous le titre de Sainte-Illuminée, qui s'appelle aujourd'hui le Secours, et l'autre sous celui des Pénitentes, ceux où il en avait déjà mis ue suffisant pas pour les contenir toutes.

Les missions se faisant rarement, nonseulement dans la ville, mais dans tout le royaume, principalement à la camp gne, le P. Caraffa, persuadé du fruit que l'on pouvait retirer en les faisant fréquemment, crut qu'un institut particulier qui s'emploierait à les faire serait fort utile à l'Eglise. Il en parla à ses confrères, qui consentirent à faire ces sortes de missions; et, après en avoir obtenu la permission de l'archevêque de Naples, il alla à Rome pour en avoir la confirmation du pape Clément VIII, qui l'exhorta à ne point se désister de cette entreprise, et lui ordonna de dresser des règlements pour ce nouvel institut. Caraffa y travailla, el les ayant finis avec assez de diligence, il retourna auprès du souverain pontife pour les faire approu. ver; mais il le trouva dans des sentiments bien différents : car quelques personnes malintentionnées ayant décrié le saint fondateur dans son esprit, bien loin d'approuver son institut et les règlements qu'il avait dressés, il l'aurait au contraire supprimé, si le cardinal Giesualdo, archevêque de Naples, na l'en avait empêché, sachant le grand fruit que ces nouveaux missionnaires faisaient dans son diocèse. Le P. Caraffa, qui, après les empressements que le pipe lui avait témoignés pour l'établissement de sa congrégation, ne s'attendait pas à un tel refus, le reçut comme un châtiment de ses péchés passés: c'est pourquoi, étant retourné à Naples, il redoubla ses prières, ses pénitences el ses mortifications, se conformant en toutes choses à la volonté de Dieu, qui voulut encore éprouver sa constance et sa fidélité par une autre mortification: car, peu de temps après qu'il fut arrivé à Naples, il se vit obligé de quitter son église de Sainte-Marie-de-tousBiens, dont quelques personnes, qui prétendaient qu'elle leur appartenail, lui contestaient la possession: ce qui, joint aux autres difficultés que l'on suscita à sa congrégation, lui donna le chagrin de se voir abandonné par la plupart de ses disciples.

Caraffa ne perdit pas pour cela courage; au contraire, son zèle et ses autres vertus se perfectionnant dans cet état d'humiliation et d'épreuve, il loua une maison proche le

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