Obrázky na stránke
PDF
ePub

existoit une vérité universellement crue, unanimement attestée par tous les hommes, dans tous les siècles, vérité de fait, de sentiment, d'évidence, de raisonnement, à laquelle ainsi toutes nos facultés s'uniroient pour rendre hommage, cette vérité souveraine, manifestement investie d'une puissance suprême sur notre entendement, viendroit se placer en tête de toutes les autres vérités dans la raison humaine. La nier, ce seroit détruire la raison même. Quiconque en effet la nieroit, niant par là même le témoignage unanime des sens, du sentiment et du raisonnement, ne pourroit en aucun cas l'admettre, et seroit contraint de douter de sa propre existence, qu'il ne connoît que par ces trois moyens. Encore est-ce trop peu dire; et si l'on a bien saisi les principes exposés précédemment, il sera aisé de comprendre que la vérité dont il s'agit, étant beaucoup plus certaine que notre propre existence, puisqu'elle est attestée par des témoignages beaucoup plus nombreux, il y auroit incomparablement

une raison qui ne puisse pas errer, ou une raison infaillible. Or cette raison infaillible, il faut nécessairement que ce soit ou la raison de chaque homme, ou la raison de tous les hommes, la raison humaine. Ce n'est pas la raison de chaque homme; car les hommes se contredisent les uns les autres, et rien souvent n'est plus divers et plus opposé que leurs jugements. donc c'est la raison de tous. On ne sauroit prouver directement l'infaillibilité de la raison humaine, parce que les preuves qu'on en donneroit, ou ne prouveroient rien, ou supposeroient l'infaillibilité même qu'il s'agiroit de prouver. Mais si l'on ne suppose pas la raison humaine infaillible, il n'y a plus de certitude possible; et pour être conséquent, il faudroit douter de tout sans exception. Or, quels que soient ses efforts pour parvenir à cet état de doute, l'homme est dans l'impuissance absolue d'y arriver. Toute sa nature y résiste invinciblement. Il s'anéantiroit plutôt que de cesser de croire. Donc la nature le force, ou de vivre dans une contradiction perpétuelle avec la raison, ou de reconnoître l'infaillibilité de la raison humaine ou de la raison de tous.

plus de folie à en douter, qu'à douter que nous existons *.

En définissant les caractères de cette vérité sublime, universelle, absolue, j'ai nommé Dieu. Avec quel ravissement, quels transports, ne devons-nous pas voir cette magnifique et resplendissante idée se lever tout à coup sur l'horizon du monde intellectuel, enveloppé d'ombres épaisses, et répandre la lumière et la vie jusque dans ses profondeurs les plus reculées !

Toute existence émane de l'Être éternel, infini, et la création tout entière avec ses soleils et ses mondes, chacun desquels enferme en soi des myriades de mondes, n'est que l'auréole de ce grand Être. Source féconde des réalités, tout sort de lui, tout y rentre; et tandis qu'envoyées audehors pour attester sa puissance et pour célébrer sa gloire dans tous les points de l'espace et du temps, ses innombrables créatures, leur mission remplie, reviennent déposer à ses pieds la portion d'être qu'il leur départit, et que sa justice rend aussitôt à plusieurs d'entre elles, ou comme récompense ou comme châtiment : seul immobile, au milieu de ce vaste flux et reflux des existences, unique raison de son être et de tous les êtres, il est à luimême son principe, sa fin, sa félicité. Chercher quelque chose hors de lui, c'est explorer le néant. Rien n'est pro

La folie ou la déraison du doute a pour mesure, non la difficulté ou la répugnance que nous éprouvons à douter, mais la certitude de la chose dont nous doutons. Ainsi tel homme sera obligé de se faire beaucoup plus de violence pour douter du rapport très-incertain de ses sens en telle circonstance donnée, que pour douter d'une vérité métaphysique ou morale parfaitement certaine. Dans le dernier cas, cependant, le doute est une vraie folie, au lieu qu'il pourroit être, dans le premier, un acte de sagesse. Ceci peut servir à faire comprendre comment, ne doutant point de sa propre existence, il est néanmoins possible qu'on parvienne à douter de celle de Dieu, quoiqu'elle ait réellement un beaucoup plus haut degré de certitude.

duit, rien ne subsiste que par sa volonté, par une participation continuelle de son être. Ce qu'il crée, il le tire de lui-même ; et conserver, pour lui, c'est se communiquer encore. Il réalise extérieurement l'étendue qu'il conçoit, et voilà l'univers. Il anime, si on peut le dire, quelquesunes de ses pensées, il leur donne la conscience d'ellesmêmes, et voilà les intelligences. Unies à leur auteur, elles vivent de sa substance en se nourrissant de sa vérité, leur aliment nécessaire. Même lorsqu'elles l'ignorent, même lorsqu'elles le nient, elles puisent encore dans son scin comme la plante aveugle dans le sein de la terre, la séve qui les vivifie. Foibles mortels, qui naguère désespérions de la lumière, redisons-le donc avec une joie pleine de . confiance et d'amour: Il existe un Dieu. Les ténèbres fuient devant ce grand nom; le voile qui couvroit notre esprit s'abaisse, et l'homme, à qui toute vérité et son être même échappoit, sans qu'il pût le retenir, renait délicieusement à l'aspect de Celui qui est, et par qui tout

est.

Mais il faut montrer comment les divers moyens de connoître, dont la nature nous a doués, s'accordent pour nous conduire à cette vérité nécessaire, en sorte qu'elle réunit, au plus haut degré, tous les genres de certitude.

Que les hommes conservent la mémoire des faits et se la transmettent, cela n'a pas besoin d'être prouvé. Que, parmi ces faits, il y en ait qu'on ne puisse révoquer en doute, sans être par cela seul convaincu de folie, on l'avoue encore universellement. Qui nieroit l'existence d'Au. guste, ne seroit pas jugé moins fou, que s'il nioit l'existence du soleil. L'éloignement des faits, suffisamment attestés d'ailleurs, n'en altère point la certitude, et l'histoire de saint Louis n'est pas plus certaine que l'histoire de Trajan.

Les sciences, les arts, les mœurs, la législation, la politique, la société entière repose sur cette transmission de faits, et ne subsiste qu'à son aide; car tout ce qui est, a sa racine dans le passé, et périroit en se séparant de lui. Et comme les relations d'origine, ou d'autorité et d'obéissance sont les plus nécessaires, puisqu'elles constituent fondamentalement la famille et l'État, chaque famille a sa tradition, par laquelle elle remonte plus ou moins haut, selon qu'elle est plus ou moins constituée, jusqu'à un premier père, dont l'existence attestée sans interruption par ses descendants, n'est pas moins certaine que l'existence de la famille même, et en est la raison.

De même chaque peuple a sa tradition, semblable à celle de la famille, et comme clle d'autant plus ancienne, qu'il est plus fortement constituéė; tradition orale ou écrite, par laquelle il remonte d'âge en âge, jusqu'à un premier pouvoir, ou un premier père, dont l'existence n'est pas moins certaine que celle du peuple même, et en est la raison.

Enfin le genre humain, comme il étoit nécessaire, a également sa tradition, conservée dans toutes les familles, chez tous les peuples, et par laquelle il remonte jusqu'à son premier père, ou jusqu'à Dieu, dont l'existence, unanimement attestée de siècle en siècle, n'est pas moins certaine que l'existence du genre humain, que l'existence de l'univers, et en est la raison.

Aussi la plus ancienne histoire connue s'ouvre-t-elle par ces mots : Au commencement Dieu créa: où nous voyons d'abord Dieu existant seul, avant tout commencement, et les autres êtres recevant de lui l'existence à l'origine des temps.

Nulle tradition, de l'aveu même des athées*, n'est plus

« Il ne paroit pas que l'on puisse raisonnablement supposer qu'il

universelle, plus constante; donc aucun fait n'est plus certain. Parcourez la terre en tous sens; des contrées civilisées, des nations savantes, passez au fond des bois chez les hordes sauvages; que pas un peuple, pas une famille n'échappe à vos recherches; entrez dans la tente de l'Arabe, dans la cabane du Nègre, dans la hutte du Cafre et du Samoïède partout vous retrouverez la croyance d'un premier être, père de tous les êtres; partout vous entendrez nommer Dieu.

Demandez à ces hommes inconnus les uns aux autres, d'où leur est venu cette croyance, ils vous répondront : Nos pères nous ont dit: Patres nostri narraverunt nobis. Ils connoissent Dieu comme ils connoissent leurs ancêtres, par le témoignage transmis ; et le souvenir de la première famille, tige féconde de la race humaine, est inséparable pour eux du souvenir de son auteur.

Prétendroit-on s'inscrire en faux contre cette tradition, sous prétexte que les témoins primitifs n'ont pu s'assurer par leurs sens de la vérité du fait qu'elle atteste? Sur ce point la tradition se défend assez elle-même, puisqu'elle dépose qu'originairement Dieu se communiqua d'une manière sensible à sa créature. Il n'en faut pas davantage pour fermer la bouche aux contradicteurs, fussent-ils armés d'objections en apparence insolubles. Car le raisonnement, dont j'ai prouvé que la dernière force réside dans l'autorité, ne sauroit, en aucun cas, prévaloir contre elle, de quelque façon qu'elle proclame sa décision.

Cependant, comme on doit une certaine condescendance aux esprits plutôt ombrageux par foiblesse qu'opiniâtres par orgueil, je veux bien m'occuper un moment de tranquilliser la raison de ceux qu'inquiéteroit la difficulté que

« y ait un peuple sur la terre totalement étranger à la notion de quel«que divinité. » Syst. de la Nat., t. II, ch. xm, p. 576.

« PredošláPokračovať »