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« et qu'il y faut joindre pour en juger 1. Et prenez garde « de négliger la plus obscure peuplade, le plus petit coin <« de la terre habitée; on ne doit point condamner sans « entendre, et c'est là peut-être qu'est la vérité. Je vou<< drois de tout mon cœur, s'il étoit possible, vous épar«gner une partie de ces courses. Mais vous sentez bien « qu'il faut nécessairement que vous alliez en Europe, en « Asie, en Palestine, examiner tout par vous-mêmes; il « faudroit que vous fussiez fous pour écouter personne « avant ce temps-là. Que si cela vous paroît un peu long « et fatigant, je n'y puis que faire. Je dois même vous « avertir qu'au moins la plupart d'entre vous perdront <«< certainement leurs pas, leurs frais de voyage et de rai

sonnement. A grand'peine celui qui aura joui de la a santé la plus robuste, le mieux employé son temps, le « mieux usé de sa raison, vécu le plus d'années, saura-t-il a dans sa vieillesse à quoi s'en tenir, et ce sera beaucoup a s'il apprend avant sa mort dans quel culte il auroit dû « vivre. J'avoue que c'est un peu fâcheux, et qu'après · « avoir examiné, couru le monde, pendant cinquante à « soixante ans, on aimeroit, sur ses vieux jours, à se re« poser dans une croyance fixe et certaine. Que cela ce<< pendant ne vous décourage pas; demeurez ferme dans << les vrais principes; lisez, raisonnez, voyagez. Voudrez« vous mitiger cette méthode, et donner la moindre prise « à l'autorité des hommes, à l'instant vous lui rendez << tout. »>

Qui croiroit qu'on pût se jouer à ce point des premiers intérêts d'un être immortel? qu'on pût descendre avec orgueil à cet excès d'absurdité? Mais il falloit que la raison,

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au moment où elle se déclaroit souveraine, se montrât si imbécile, qu'un enfant à peine né à l'intelligence en eût pitié.

La Religion est une loi, et la première de toutes les lois. L'erreur des déistes est de n'y voir qu'une opinion; et cette erreur, qui s'étend comme de vastes ténèbres sur l'entendement humain, n'est qu'un développement du principe fondamental de la Réforme.

De même que, chez les anciens, quand la raison abandonna la tradition universelle on cessa d'obéir à l'autorité du genre humain, on vit paroître des multitudes de sectes qui nièrent successivement tous les dogmes et tous les devoirs; ainsi, plus tard, quand certains hommes abandonnèrent la tradition du christianisme ou cessèrent d'obéir à l'autorité de l'Église catholique, des sectes innombrables naquirent les unes des autres, et nièrent successivement tous les dogmes et tous les devoirs.

La règle de foi brisée, il en fallut chercher une autre ; il fallut savoir comment les hommes, au milieu de tant de doctrines diverses, reconnoîtroient la véritable, comment ils parviendroient à s'assurer qu'ils étoient chrétiens. Quelques-uns, comme nous l'avons vu, imaginèrent la règle de sentiment, que son extravagance et ses dangers firent bientôt abandonner. Alors il ne resta plus que la raison, et chaque homme fut contraint de remettre à la sienne le jugement de toutes les questions agitées, et de lui confier son sort éternel. Dire qu'il avoit l'Écriture pour règle, c'étoit oublier que l'Écriture n'étoit pas moins soumise que tout le reste à son jugement; qu'il devoit en examiner par lui-même l'authenticité, l'inspiration, et qu'enfin il en

1 Sunt nonnullæ disciplinæ, quæ propositis bonorum et malorum finibus, officium omne pervertunt. Cicer, de Officiis, lib. I, cap. 11, n, 5,

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demeuroit l'unique interprète *. C'est ce que Bossuet, avec la force de son atterrante logique, ne cessoit de.remontrer aux protestants. «Chacun, disoit-il, s'est fait à soi-même « un tribunal, où il s'est rendu l'arbitre de sa croyance: « et encore qu'il semble que les novateurs aient voulu « retenir les esprits, en les renfermant dans les limites de « l'Écriture sainte, comme ce n'a été qu'à condition que «< chaque fidèle en deviendroit l'interprète...., il n'y a « point de particulier qui ne se voie autorisé par cette << doctrine à adorer ses inventions, à consacrer ses er«reurs, à appeler Dieu tout ce qu'il pense1. »

La Réforme le sentoit bien. Aussi, pendant qu'elle tint à quelques vérités, elle se débattit contre son propre esprit, et refusa d'avouer pour son guide la raison, qui, la saisissant malgré ses efforts, la trainoit toute vivante dans l'abîme de l'irréligion. On avoit établi l'homme juge de la foi, et la foi disparoissoit. On lui avait dit: examinez; et nulle doctrine ne résistoit à cet examen. On marchoit rapidement dans une route, couverte de débris pour arriver à la dernière ruine, celle de Dieu même. La Réforme alors s'effraya des conséquences de ses maximes, et l'on vit ses chefs enseigner que la discussion n'est nécessaire ni à ceux qui sont déjà dans l'Église, ni à ceux qui veulent y entrer ; et

Aussi ceux des protestants qui ont le mieux vu les conséquences de leur doctrine sont-ils forcés de soutenir que « les Livres de l'Écri<< ture ne sont pas l'objet de leur foi, et qu'un homme peut être sauvé << sans croire que ces livres sont la parole de Dieu. The books of Scrip«<ture are not the objects of our faith,... and a man may be saved, « who should not believe them to be the word of God. » Chillingworth, Relig! of Prot. ch. 11. Nous avons cité ailleurs ces paroles du même écrivain: « La Bible, la Bible seule est notre religion. » Ainsi, selon lui, la Bible est toute la religion, et l'on peut se sauver sans croire à la Bible.

1 Oraison funèbre de la reine d'Angleterre.

qu'ils ne peuvent la conseiller ni aux uns ni aux autres1. Jurieu ajoute même en termes formels, qu'un simple n'en est pas capable; et encore plus expressément : Cette voie de trouver la vérité n'est pas celle de l'examen; car je suppose avec M. Nicole qu'elle est absurde, impossible, ridicule, et qu'elle surpasse entièrement la portée des simples.

On retrouve le même aveu dans un grand nombre de théologiens protestants. Nous ne citerons que le docteur Balguy, archidiacre de Winchester, et l'un des écrivains les plus distingués que l'église anglicane ait produits dans ces derniers temps. « Les opinions du peuple, dit-il, sont « et doivent être fondées sur l'autorité plus que sur la << raison. Les parents, les maîtres, les supérieurs détermi«nent, en grande partie, ce qu'il doit croire et ce qu'il « doit pratiquer. Les mêmes doctrines enseignées unifor<«mément, les mêmes rites constamment observės, font «< une telle impression sur son esprit, qu'il hésite aussi «< peu à admettre les articles de sa foi, qu'à recevoir les << maximes les mieux établies de la vie commune. Vou« driez-vous qu'il pensât pour lui-même ? Voudriez-vous << qu'il entreprit d'examiner et de décider les controverses « des savants? Voudriez-vous qu'il entrât dans les profon«deurs de la critique, de la logique, et de la théologie << scolastique? Autant vaudroit le charger de calculer une « éclipse, ou de décider entre la philosophie de Descartes « et celle de Newton. J'irai plus loin; j'oserai dire que << plus d'hommes sont capables d'entendre, à un certain << degré, la philosophie de Newton, que de former un juge«ment quelconque sur les questions abstruses de la méta

Le vrai Syst. de l'Église, liv. II, ch. xxi, p. 401, 403 et suiv. 2 Ibid., liv. III, ch. v, p. 472. 3 Ibid., liv. II, ch. xi, p. 337.

<< physique et de la théologie1. » Or voici quelques-unes de ces questions abstruses, sur lesquelles la plupart des hommes ne sauroient former aucun jugement. « Le Christ «< est-il, ou non, descendu du ciel? Est-il mort, ou n'est-il « pas mort pour les péchés du monde ? A-t-il, ou non, << envoyé son Saint-Esprit pour nous assister et nous con«soler? » Qui ne reconnoît ici les principales bases du christianisme, les dogmes sans lesquels on ne le peut concevoir ? Et voilà ce dont le peuple est incapable de juger, même avec le secours de l'Écriture; car écoutez ce qu'ajoute le docteur Balguy: « Ouvrez vos Bibles : prenez la « première page qui s'offrira soit de l'ancien, soit du << nouveau Testament, et répondez avec franchise: n'y << trouvez-vous rien qui soit au-dessus de votre intel<«<ligence? Si tout y est pour vous clair et aisé, vous « pouvez rendre grâces à Dieu de vous avoir donné

1 The opinions of the people are and must be founded more on authority than reason. Their parents, their teachers, their governors, in a great measure, determine for them, what they are to believe and what to practise. The same doctrines, uniformly taught, the same rites constantly performed, make such an impression on their minds, that they hesitate as little in admitting the articles of their faith, as in receiving the most established maxims of common life. Would you have them (the people) think for themselves? Would you have them hear and decide the controversies of the learned? Would you have them enter into the depths of criticism, of logic, of scholastic divinity? You might as well expect them to compute an eclipse, or decide between the Carthesian and Newtonian philosophy. Nay I will go farther : for I take upon rayself to say, there are more men capable, in some competent degree, of understanding Newton's philosophy, than of forming any judgment at all concerning the abstruser questions in metaphysic and theology. Discourses on various subjects, by T. Balguy, D. D., p. 257.

2 Whether Christ did, or did not come down from heaven? Whether he died, or did not die, for the sins of the world? Whether he sent his holy Spirit to assist and comfort us, or whether he did not send him. Ibid.

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