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elle n'étoit non plus ni universelle, puisqu'elle n'obligeoit. que les Juifs, ni perpétuelle, puisqu'elle ne remontoit pas à l'origine des temps, et qu'elle devoit être un jour abolie 1.

Observez encore que, par son institution même, la loi mosaïque n'étoit que locale; que le législateur envoyé de Dieu, n'avoit et ne réclamoit d'autorité que sur les enfants d'Israël; qu'il en étoit ainsi des juges, des pontifes, des rois et des conseils qui lui succédèrent; et qu'enfin depuis dix-huit cents ans le sceptre de Juda est brisé, selon la prédiction de Jacob2; qu'il n'existe plus parmi les Juifs aucune autorité publique, de sorte que, pour l'interprétation de leur loi et des prophéties qu'elle contient, chacun d'eux est abandonné à la foiblesse de son jugement et à l'incertitude de ses conjectures*. Les dernières paroles qu'ait prononcées en expirant l'autorité légitime de ce peuple, sont un hommage rendu au Messie, fils de Dieu, fils de David3, qui venoit accomplir, non-seulement la loi par

1 Servitutis autem præcepta separatim per Moysem præcepit populo, apta illorum eruditioni... Hæc ergo, quæ in servitutem, et in signum data sunt illis, circumscripsit novo libertatis testamento. Quæ autem naturalia, et liberalia, et communia omnium, auxit et dilatavit (Christus). S. Iren., Contr. Hæres., lib. IV, c. xvi, p. 247. Édit. Benedict.

2 Non auferetur sceptrum de Judâ, et dux de femore ejus, donec veniat qui mittendus est; et ipse erit expectatio gentium. Genes., XLIX, 10.

Il résulte de là que les Juifs ne peuvent plus s'assurer du vrai sens de l'Écriture. Ils sont, à cet égard, dans le même cas que les protestants. Aussi varient-ils sans cesse dans l'interprétation des prophéties qui regardent le Messie. Chacun les entend à sa façon, et il leur est impossible de s'accorder même entre eux.

5 Cùm ergo natus esset Jesus in Bethlehem Judæ in diebus Herodis regis, ecce Magi ab Oriente venerunt Jerosolymam, dicentes: Ubi est qui natus est rex Judæorum? Vidimus enim stellam ejus in Oriente, et venimus adorare eum. Audiens, autem Herodes rex, turbatus est, et

ticulière de Moïse, mais encore la loi universelle du genre humain, laquelle devoit avoir en lui, et ne pouvoit avoir qu'en lui son dernier et parfait accomplissement: et quand lui-même il expira, non pour toujours comme la synagogue, mais pour revivre bientôt après, parce qu'il étoit la résurrection et la vie1, il annonça du haut de la croix à l'univers sauvé, ce grand et éternel accomplissement de la loi éternelle: CONSUM MATUM EST2!

Alors tout fut aussi consommé pour le Juif. Un sceau fut 'mis sur son cœur, sceau qui ne sera brisé qu'à la fin des siècles. Son existence tout entière n'avoit été qu'un long prodige: un nouveau miracle commence, miracle toujours le même, miracle universel, perpétuel, et qui manifestera jusqu'aux derniers jours l'inexorable justice et la sainteté du Dieu que ce peuple osa renier. Sans principe de vie apparent, il vivra, rien ne pourra le détruire, ni la captivitė, ni le glaive, ni le temps même. Isolé au milieu des nations qui le repoussent, nulle part il ne trouve un lieu de repos. Une force invincible le presse, l'agite, et ne lui permet pas de se fixer. Il porte en ses mains un flambeau qui éclaire le monde entier, et lui-même est dans les ténèbres. Il attend ce qui est venu; il lit ses prophètes et ne les comprend pas; sa sentence, écrite à chaque page des livres qu'il a l'ordre de garder, fait sa joie. Tel que ces grands coupables dont parle l'antiquité, il a perdu

omnis Jerosolyma cum illo. Et congregans omnes principes sacerdotum, et scribas populi, sciscitabatur ab eis ubi Christus nasceretur. At illi dixerunt ei in Bethlehem Judæ : sic enim scriptum est per prophetam: Et tu, Bethlehem, terra Juda, nequaquàm minima es in principibus Juda; ex te enim exiet dux, qui regat populum meum Israël. Matth., 11, 1-6. Erat autem Caïphas, qui consilium dederat Judæis : Quia expedit unum hominem mori pro populo. Joan., xvi, 14. 1 Ego sum resurrectio et vita. Joan., x1, 25.

2 Joan., xix, 30.

302 ESSAI SUR L'INDIFFÉRENCE EN MATIÈRE De religion.

l'intelligence; le crime a troublé sa raison. Partout opprimé, il est partout. Au mépris, à l'outrage, il oppose une stupide insensibilitė: rien ne le blesse, rien ne l'étonne; il se sent fait pour le châtiment; la souffrance et l'ignominie sont devenus sa nature. Sous l'opprobre qui l'écrase, de temps en temps il soulève sa tête, il se tourne vers l'Orient, verse quelques pleurs, non de repentir, mais d'obstination; puis il retombe, et courbé, ce semble, par le poids de son âme, il poursuit en silence, sur une terre où il sera toujours étranger, sa course pénible et vagabonde. Tous les peuples l'ont vu passer; tous ont été saisis d'horreur à son aspect: il étoit marqué d'un signe plus terrible que celui de Caïn: sur son front, une main de fer avoit écrit: DÉICIDE!

CHAPITRE IV

DES CULTES IDOLATRIQUES.

Les grandes erreurs de l'esprit étoient à peu près inconnues dans le monde avant la philosophie grecque C'est elle qui les fit naître, ou qui au moins les développa, en affoiblissant le respect pour les traditions, et en substituant le principe de l'examen particulier au principe de foi. Elle enhardit les désirs du crime; et, opposant la raison de chacun à la raison de tous, à la raison de Dieu même, elle rompit les derniers liens qui contenoient l'orgueil, et le soumettoient à la vérité. Dès lors cette force intérieure et toute spirituelle, qui est la vie de l'homme,

Nous ne croyons pas qu'on pût citer dans tous les siècles antérieurs un véritable athée. Lorsque nous lisons ce passage des Psaumes : « L'in« sensé a dit dansson cœur : Il n'y a point de Dieu; » il ne s'agit pas de l'athéisme dogmatique ou réel, mais de l'effort d'une conscience coupable qui repousse le souvenir du Dieu dont elle craint la justice; et c'est ce qu'expriment clairement les paroles suivantes : « Ils se sont corrompus, << ils sont devenus abominables dans leurs désirs: il n'en est pas un << qui fasse le bien, il n'en est pas un seul. » Ps. xii, 1 et 2.

et plus encore celle des nations, s'éteignit à vue d'œil. Quelque funeste que fût l'idolâtrie, elle étoit cependant compatible avec un certain degré d'ordre social; elle ne détruisoit pas les peuples, parce qu'elle laissoit subsister les vérités nécessaires dont se composoit la Religion donnée primitivement au genre humain. Malgré les faux cultes, on croyoit partout à la Divinité, aux lois de la justice, aux peines et aux récompenses d'une autre vie; partout on reconnoissoit la nécessité du culte, dont partout aussi le sacrifice étoit le fond essentiel. Point de société possible sans ces croyances, et la preuve invincible de leur universalité, de leur perpétuité, c'est l'existence universelle et perpétuelle de la société. La philosophie seule les ébranla; elle introduisit, sous le nom de sagesse, le mépris des choses saintes, le doute et l'incrédulité 2. Cette maladie terrible, passant de la Grèce à Rome, s'y manifesta d'une manière alarmante pour l'État vers le déclin de la république, dont elle hâta les derniers moments. Répandue surtout parmi les grands, toujours les premiers à se cor-* rompre, on pouvoit prévoir l'époque où elle envahiroit le peuple entier. Les calamités de ces temps affreux, les suites épouvantables de l'oubli des devoirs, rien n'arrêta l'audace des esprits, qui, ayant perdu peu à peu jusqu'aux dernières lueurs de la foi, traversoient en tous sens les ténèbres avec inquiétude, et finirent par s'y reposer

1 Ces fausses religions, en ce qu'elles ont de bon et de vrai, ont pu suffire absolument à la constitution des États. Bossuet, Polit. tirée de * l'Écrit. sainte, liv. VIII, art. 2.

2 A la Chine et dans les pays voisins où il se trouve, quoique en moindre nombre qu'on ne l'a voulu faire croire, des incrédules parmi les lettrés, ces incrédules appartiennent tous à des sectes philosophiques assez récentes et opposées entre elles. Là, comme partout, l'erreur n'est que la négation d'une vérité crue universellement, une révolte de la raison individuelle contre la raison générale, contre la tradition.

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