Obrázky na stránke
PDF
ePub

corde pénètre toute la société ; chaque misère trouve un asile, chaque douleur une consolation, chaque larme une main compatissante qui l'essuie. Et cet amour qui vient de Dieu, remontant jusqu'à lui, se perd et se renouvelle sans cesse dans le sein de l'Etre infini, devenu l'objet d'un sentiment qu'il faut éprouver pour le comprendre; sentiment si vif, si profond, qu'on a vu des hommes mourir, n'en pouvant supporter l'inexprimable douceur*: heureuse mort, qui n'étoit qu'une extase d'amour!

Parmi les principes que nous avons essayé d'établir, il n'en est point qui n'offrit de semblables applications, et que, par conséquent, nous n'eussions pu développer beaucoup davantage. Telle est même, nous l'osons dire, leur extrême fécondité, que peutêtre y a-t-il quelque mérite de n'avoir pas cédé au désir d'indiquer au moins une partie des nombreuses conséquences qui s'en déduisent. Mais cela nous au

[ocr errors]

« O mon Sauveur! s'écrie sainte Thérèse, quel attrait dans ces « eaux vivifiantes du pur amour! Heureux qui pourroit s'y voir sub« merger jusqu'à y perdre la vie au milieu de ses transports et de ses << ravissements! Pensez-vous que cela soit impossible? Non, sans doute. «Notre amour pour Dieu, le désir de le posséder, de confondre notre << néant avec sa gloire, peut croître à l'infini, et arriver à un tel « degré, que le corps ne puisse plus le supporter, ni arrêter une âme << qui aspire à briser ses liens. On a vu des exemples de saintes morts << produites par cet excès d'amour. » Chemin de la perfection, chap. XIX. Voici un de ces exemples, qui est rapporté par un protestant. « Je me souviens que le docteur Tissot m'a dit qu'un de ses malades étoit mort d'amour pour Jésus-Christ; que, lorsqu'il fut à l'extré«mité, il parut jouir du plus grand degré de bonheur, et qu'il appe« loit son bien-aimé avec tous les transports de la passion la plus en<< thousiaste. » Voyage en Sicile et à Malte, en 1770, par Brydone, tom. I, p. 159.

roit souvent écarté de notre but, et nous savions d'ailleurs que dans ce siècle d'opinions et de passions, dans ce siècle de l'homme, quiconque parle de Dien et veut être écouté doit être court. Nous croyons cependant n'avoir omis rien de nécessaire. Ce n'est pas en disant tout qu'on se fait le mieux entendre, mais en disant ce qui renferme tout.

Au reste, nous ne nous dissimulons pas combien de genres d'opposition doit rencontrer un ouvrage de la nature de celui-ci. On y attaque à la fois toutes les erreurs de religion, de morale et de politique, en montrant la cause d'où elles dérivent toutes. Ainsi, quiconque voudra retenir une seule de ces erreurs, devra, s'il est conséquent, nier le principe sur lequel nous prouvons que reposent toutes les vérités; mais dès lors, aussi, nous le défions d'éviter le scepticisme absolu.

D'un autre côté, quelques hommes de bonne foi, mais inattentifs, nous accuseront peut-être d'ébranler la raison humaine, parce que nous montrons qu'en effet la raison individuelle, la raison de l'homme seul, ne sauroit le conduire qu'à un doute profond, universel, puisqu'elle ne peut se prouver elle-même.

Les personnes qui nous feroient ce reproche nous auroient bien mal compris. Si nous insistons sur la foiblesse de la raison particulière, c'est pour établir ensuite la raison générale, en prouvant que les vérités primitives, qui en sont le fondement, ont une certitude infinie, et que les vérités secondaires qu'elle en déduit sont également certaines d'où il suit que la raison individuelle elle-même a dès lors une règle

sûre pour apprécier ses propres pensées, et qu'elle ne s'égare que lorsque l'orgueil la porte à méconnoître ou à violer cette règle. Ainsi, loin de détruire la raison, nous la plaçons au contraire sur une base inébranlable.

Qu'est-ce, en effet, que l'autorité à laquelle tous les esprits doivent obéir? Est-ce la force? Ce seroit absurde. Est-ce l'autorité d'un ou de quelques hommes? Non, mais la raison générale manifestée par le témoignage ou par la parole. Cette définition seule dissipe toutes les difficultés; car il est évident que la raison ne peut se manifester qu'à la raison, et la raison générale qu'à la raison individuelle, et qu'on ne sauroit par conséquent nier celle-ci sans nier cellelà. Le juge qui ne voit la certitude que dans le concours et l'uniformité des témoignages, nie-t-il pour cela la force qui est propre à chaque témoignage pris à part?

Il est clair encore que la raison générale, la raison du genre humain et de toutes les intelligences, n'est originairement qu'une participation de la raison de Dieu, la plus générale qu'on puisse concevoir, puisqu'elle est infinie comme la vérité ou comme Dieu même. Donc elle est infaillible; donc la raison particulière, nécessairement imparfaite, doit se soumettre à ses décisions, sous peine de ne pouvoir rien affirmer, rien croire, c'est-à-dire sous peine de mort.

Et déjà l'on doit remarquer que le commandement de croire l'Église, ou d'obéir au pouvoir spirituel de la société chrétienne, n'est que la promulgation de cette loi universelle, immuable. Le Christianisme,

avant Jésus-Christ', étoit la raison générale manifestée par le témoignage du genre humain. Le Christianisme depuis Jésus-Christ, développement naturel de l'intelligence, est la raison générale manifestée par le témoignage de l'Église. Ces deux témoignages ne se contredisent point; le second, au contraire, suppose le premier, et ils se prêtent une force mutuelle. La vérité n'est pas autre ; seulement on connoît plus de vérités; Dieu s'est manifesté davantage.

Tout, dans la société comme dans la Religion, nous rappelle à la loi de l'autorité, sans laquelle rien ne subsisteroit, parce qu'il n'y auroit point d'union possible entre les hommes. Ce qui les unit, ce sont les devoirs, l'obéissance de l'esprit, du cœur et des sens, à un même pouvoir. Actifs par leur nature, il faut qu'ils croient pour agir; pour que leurs actions concourent au même but, il faut que leurs croyances soient uniformes; il faut qu'elles soient vraies, pour conserver l'ordre général et les êtres eux-mêmes, dont le désordre ou la violation des lois naturelles amène infailliblement la destruction. Considérés soit comme êtres physiques, soit comme membres de la société civile et de la société religieuse, il n'est nullement nécessaire que les hommes comprennent les lois auxquelles ils sont assujettis, mais il est indispensable qu'ils les connoissent avec certitude, et qu'ils y croient inébranlablement. La vie de chaque individu, ainsi que la vie de la société, ne dépend pas du

Il n'y a jamais eu, il ne peut y avoir qu'une vraie Religion, dont Jésus-Christ, venu ou à venir, est le fondement. Non est in alio aliquo salus. Act., iv, 12.

degré de lumière qui fait que l'esprit conçoit plus ou moins la vérité, d'ailleurs certaine, mais de la foi du cœur qui réalise au dehors cette vérité par les œuvres. de justice1. L'autorité légitime, en promulguant les lois, leur imprime par son témoignage le caractère de certitude qui les fait reconnoître par ceux qui doivent y obéir: de ce moment on ne peut plus en douter sans folie, ni les violer sans encourir justement la peine attachée à leur violation; et jamais personne ne fut admis à justifier sa désobéissance à aucune loi, sous prétexte qu'il ne l'avoit pas comprise. Ni la certitude de la loi, ni l'obligation de s'y soumettre, ne reposent sur notre jugement individuel, sur la clarté avec laquelle notre entendement la conçoit. Cela est vrai dans l'ordre physique, comme dans l'ordre civil et religieux ; et les peuples, aussi bien que l'homme, ne vivent que de foi; ils n'existent que parce qu'ils croient ce qu'ils ne sauroient comprendre.

A chaque page de l'Évangile, Jésus-Christ enseigne cette vérité importante, qui est la sauve-garde et le fondement de toutes les autres. Il venoit guérir la raison humaine, plus infirme que les malades qu'on apportoit de toutes parts à ses pieds; il venoit ranimer les esprits mourants, parce qu'ils ne vouloient écouter qu'eux-mêmes: or, que dit ce Roi de la foi, comme l'appelle saint Augustin? que répète-t-il

1 Corde enim creditur ad justitiam. Ep. ad Rom., X, 10.

* Ille fidei Imperator, clementissimus et per conventus celeberrimos populorum atque gentium, sedesque ipsas apostolorum arce auctoritatis munivit Ecclesiant. S. August., Ep. ad Dioscor., n. 32.

« PredošláPokračovať »