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atteints à la fois de cette maladie terrible, se révoltent contre l'autorité qui prescrivoit des lois à leurs pensées et à leurs actions, alors on a le spectacle non pas d'un individu, mais d'un peuple en délire; et comme rien ne peut alors ni fe contenir ni lui résister, l'État, en proie à tous les désordres, à toutes les calamités, périt bientôt, si le malheur, ou une force étrangère, ne ramène les esprits à l'obéissance.

Dieu, en effet, les a formés pour obéir; c'est tellement leur nature, que, ne vivant que par la foi, ils ne croient néanmoins d'une foi constante, que ce qu'ils.croient sur l'autorité. Nos sociétés modernes en offrent une preuve frappante. Elles renferment dans leur sein une race d'hommes inconnus aux siècles précédents, et dont l'apparition inspire tout ensemble et de la tristesse et de l'effroi, parce qu'elle montre combien la vie sociale est épuisée, et la raison humaine affoiblie. Ces hommes ne sont pas irréligieux; au contraire, leurs pensées, leurs désirs les portent vers la Religion, et néanmoins quelque chose les empêche d'y arriver; les forces leur manquent, ils tombent de langueur, et ne sauroient parvenir à une croyance ferme et imperturbable. Ils regardent, ils voient, puis leur vue se trouble, et la vérité disparoît. Vainement ils tâchent de sortir d'un doute qui les fatigue; la certitude les fuit. Cependant ils connoissent les preuves de la Religion; elles leur paroissent solides, du moins ils n'essayent pas d'y rien opposer. L'inquiétude qui les tourmente vient de plus haut. Un instinct vague les presse de chercher sans fin; ils voudroient qu'on leur prouvât les preu

ves mêmes. Qu'est-ce, en effet, qu'une preuve par rapport à nous? Est-ce autre chose que la conviction de notre esprit? Et qui nous assure que notre esprit ne peut être trompé par ses convictions? Croire à la Religion uniquement parce que notre esprit est convaincu, c'est croire en soi-même. Or l'auteur de notre nature ne permet pas que cette foi solitaire soit jamais parfaite et inébranlable. Aussi inconstante que les pensées de l'homme, elle n'est pour lui que comme un songe de vérité, à peine différent des chi-, mères qui le séduisent tour à tour; et par là Dieu nous rappelle à la société pour y trouver un point d'appui, la sécurité et le repos de l'âme; il nous force à reconnoître l'incertitude de nos jugements individuels; et le doute qui désole les infortunés dont nous parlons, n'est qu'un témoignage perpétuel .que la raison se rend à elle-même de sa foiblesse et de son impuissance.

Qu'on y prenne garde cependant, cette impuissance et cette foiblesse, résultat inévitable de l'isolement de la raison, viennent de ce qu'en s'isolant elle viole les lois de sa nature. Dès qu'elle y obéit, sa force reparoît en rentrant dans la société, elle se retrouve elle-même. Et qu'on ne croie pas qu'en cet état de dépendance d'une plus haute raison, elle soit inerte et passive. Non certes; elle ne perd pas plus la faculté de penser, de juger ou d'agir selon le mode d'action qui lui est propre, que le cœur ne perd la faculté d'aimer, en se soumettant aux lois qui règlent ses affections. Elle peut chercher la vérité, la découvrir; seulement elle n'est certaine de l'avoir décon

verte que lorsque le jugement d'une raison supérieure ou plus générale confirme le sien; parce que Dieu, qui s'est plu à l'enrichir de ses dons, lui a refusé le plus élevé de tous, l'infaillibilité. Il a voulu qu'elle n'appartint qu'à la raison universelle. Sans cela, comment la société se seroit-elle établie? comment subsisteroit-elle? Pour qu'elle fût possible, il falloit que l'homme pût parvenir à la certitude, et n'y pût parvenir seul. S'il étoit infaillible, il se suffiroit à lui-même. Retiré dans son orgueil, il passeroit sa vie entière à se contempler et à s'adorer. Tout l'ordre moral seroit ébranlé, et peut-être anéanti. Les anges mêmes n'étoient pas personnellement infaillibles, puisqu'un grand nombre d'entre eux espérérent vaincre le Tout-Puissant; et je doute qu'aucun être créé, et dès lors nécessairement imparfait, pût éviter le sort de ces esprits superbes, si réellement il possédoit l'infaillibilité. Sa nature fléchiroit sous le poids de cette divine prérogative.

Mais veut-on voir tout ensemble et la force de la raison particulière et ses limites, que l'on considère Bossuet, Descartes, Malebranche, Fénelon, Pascal, pénétrant dans les profondeurs des dogmes chrétiens, et recueillant, pour ainsi dire, tous les rayons qui s'échappent de leur sainte obscurité, afin qu'ainsi réunis ils pussent frapper les yeux les plus foibles. Quelle vigueur de raisonnement! quelle fécondité! quelle sublimité de vues! Est-il rien qui montre davantage la grandeur de l'esprit humain? Et cependant ces puissants génies ne s'appuyoient que sur la foi, pour s'élever à cette hauteur qui nous étonne;

et l'autorité, leur juge et leur règle, les assuroit seule qu'ils ne s'égaroient pas dans l'espace immense en croyant s'approcher de la source de la lumière, et qu'en développant les conséquences de vérités certaines, en cherchant les rapports qui les unissent, ils ne s'écartoient point, à leur insu, de ces vérités. Car, du reste, tous pouvoient se tromper, et il n'est pas un d'eux qui ne se soit en effet trompé bien des fois; et n'est-ce pas Bossuet qui a dit : « A

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peine crois-je voir ce que je vois, et tenir ce que je «tiens, tant j'ai trouvé souvent ma raison fautive1! » Après cela nous pouvons tous, je pense, faire le même aveu sans rougir.

Il nous reste à rendre compte de cette nouvelle édition de notre ouvrage. On s'est plaint qu'il manquoit quelquefois de développements nécessaires, et nous sommes déjà convenu, dans notre Défense, de la justice de ce reproche. Nous avions trop abrégé co qui devoit être traité avec plus d'étendue, et la clarté en a souffert. Pour réparer, autant qu'il est en nous, ce défaut très-réel, nous avons étendu le texte en beaucoup d'endroits, et ajouté un grand nombre de notes, soit pour éclaircir ce qui a paru obscur, soit pour montrer, par des passages des Pères et d'autres écrivains anciens, que notre doctrine n'est pas aussi nouvelle qu'elle avoit d'abord semblé l'être à quelques personnes. Nous aurions pu aisément multiplier ces citations, mais c'eût été une surcharge à peu

Sermon pour la fête de tous les saints, Tome I, p. 70, Édit, de Versailles,

près inutile, et d'ailleurs elles trouveront leur place, au moins les plus importantes, dans le volume suivant,

Deux théologiens étrangers, aussi savants que modestes, ont bien voulu nous indiquer, dans le chapitre xve1, deux passages où l'expression n'étoit pas assez exacte. Ils nous ont fait observer, avec une parfaite raison, qu'en parlant de la nature divine il ne suffisoit pas que la pensée fût orthodoxe; mais qu'en un sujet si élevé, et où la moindre erreur pouvoit être si dangereuse, il falloit encore avoir soin de ne s'écarter en aucune façon du langage théologique consacré, et qui est comme la sauvegarde de la pureté du dogme. Nous avons corrigé les passages qui avoient donné lieu à cette juste observation, et nous aimons à offrir ici l'hommage de notre reconnoissance aux hommes respectables qui, par leurs doctes conseils, nous ont aidé à nous réformer.

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