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tacite d'admettre certaines bases nécessaires; convention que l'on peut exprimer en ces termes: Nous nous engageons à tenir tels principes pour certains, et à déclarer quiconque refusera de les croire sans démonstration, coupable de révolte contre le sens commun, qui n'est que l'autorité du grand nombre.

essayé d'en donner jusqu'ici sont défectueuses par quelque endroit. Il seroit facile d'étendre ces considérations aux autres branches des mathématiques Partout où l'on emploie l'idée de continuité, on rencontre nécessairement l'infini numérique avec toutes ses difficultés. Ainsi, à mesure qu'on avance, on trouve des pas difficiles, où, la démonstration s'arrêtant soudain, il faut suppléer, par un acte de foi, à l'impuissance de la raison, ou renoncer au reste de la science.

En physique, l'embarras est encore plus grand. On déduit des observations, dont la certitude est d'ailleurs quelquefois assez douteuse, de prétendues lois générales, qu'on en donne pour un résultat nécessaire : comme si l'on ne pouvoit pas satisfaire à l'explication des phénomènes par une infinité de lois différentes, de même que par un nombre déterminé de points, on peut toujours faire passer une infinité de courbes; comme si l'on ne pouvoit pas supposer même qu'il n'existe aucune loi générale qui lie les phénomènes entre eux. Il est donc manifeste que toutes les théories, même celle de l'attraction, ne sont que des hypothèses plus ou moins incertaines. Elles ne sont fondées en effet que sur une analogie nullement évidente, et qui suppose, sans aucune preuve, les deux principes suivants :

1o Les mêmes causes et les mêmes circonstances observées par le passé doivent persévérer à l'avenir et reproduire les mêmes effets;

2° Parmi l'infinité de lois possibles qui peuvent satisfaire aux observations, les plus simples et les plus générales sont nécessairement les plus vraies.

Or, qui ne voit que ces principes fondamentaux de l'analogie reposent eux-mêmes sur une certaine idée d'ordre, dont la vérité n'a d'autre preuve que le consentement commun; idée totalement incompréhensible, et même contradictoire, si l'on n'admet l'existence d'un législateur émiBemment sage et tout-puissant, qui préside au gouvernement de l'univers? Si le monde, en effet, n'est pas l'ouvrage d'un être intelligent, s'il n'est qu'une production du hasard, où est la raison de le supposer aussi parfait qu'il peut l'être? où est la raison même d'y chercher une régularité, un ordre quelconque? et qu'est-ce qui nous défeud de pen

Que deux ou plusieurs personnes différent de sentiment, que font-elles après avoir mutuellement essayé de se convaincre? Elles cherchent un arbitre, c'est-à-dire une autorité qui détermine, sinon la certitude, du moins la vraisemblance en faveur de l'un des sentiments contestés. Nous nous défions des idées mêmes qui nous paroissent les plus claires, quand nous les voyons repoussées génėralement par les autres hommes; et la dernière raison, souvent la seule, et toujours la plus forte que nous puissions opposer aux sophistes, aux disputeurs opiniâtres, est ce mot accablant : Vous êtes le seul qui pensiez ainsi.

Voyez lorsque la nature agit seule encore, avec quelle · facilité, quel empressement, la raison naissante de l'enfant obéit à l'autorité; comme ses croyances se forment peu à peu sur le témoignage, qui éveille ses pensées, qui les

ser que ce soit une mauvaise machine, embarrassée de rouages superflus, sans harmonie entre ses parties, et soumise à une force aveugle, variable et indépendante de toute loi constante?

Je ne dirai rien de nos quatre-vingts systèmes de géologie, tous si bizarres, si insensés, que, selon M. Cuvier, l'on ne peut plus prononcer le nom de cette science sans exciter le rire.

Combien de fois la chimie n'a-t-elle pas changé de face, même depuis qu'abaissant le voile mystérieux qui la couvroit, on l'a élevée au rang des véritables sciences? Au phlogistique de Stahl, qui régnoit avec gloire il y a cinquante ans, a succédé la théorie de l'oxygène et des acides; et voilà qu'aujourd'hui, par une de ces révolutions si fréquentes dans l'empire des sciences, et qui ne sont jamais que le présage de nouvelles révolutions, cette théorie tant vantée croule de toutes parts. Renversée par les découvertes de Davy et de Gay-Lussac, elle n'est plus guère qu'une de ces ruines qui, d'espace en espace, indiquent la marche de la science, et facilitent le moyen de la suivre au milieu de son vague et obscur domaine.

Je ne parlerai point de la métaphysique, de ses variations perpétuelles, de l'incertitude de ses systèmes. On peut consulter sur ce point les Recherches philosophiques de M. de Bonald. t. I, ch. 1.

rectifie, à qui sans cesse il en appelle par un penchant indélibéré, qui n'est que le sentiment du besoin, et pour ainsi dire la faim de l'âme, qui demande sa nourriture. De cette manière, et sans que la réflexion y ait aucune part, le témoignage devient la règle de ses jugements, le moyen par lequel il discerne le vrai du faux. S'il refusoit de croire ce qu'on lui dit, s'il vouloit en trouver la certitude * en lui-même, jamais son esprit ne se développeroit. Or, que d'idées, que de connoissances certaines, l'enfant ne possède-t-il pas avant d'avoir atteint l'âge qu'on appelle de raison, et qui seroit mieux nommé l'âge du raisonnement? En continuant de vivre, il continuera de croire ; l'autorité demeurera sa règle; seulement elle lui aura ellemême appris à distinguer entre plusieurs autorités quelle est la plus grande, et à reconnoître ainsi, et toujours par le témoignage, les erreurs qui auroient pu lui être suggėrées. Tous tant que nous sommes, philosophes ou non, voilà comme nous avons commencé; voilà comme notre intelligence est sortie de ses ténèbres natives, comme elle s'est étendue, fortifiée : et l'on veut que la loi qui la perfectionne, qui la conserve, soit opposée à celle par qui seule elle a pu d'abord exister!

Les objections contre la certitude que chaque homme, considéré individuellement et sans relation avec ses semblables, prétendroit trouver en soi, peuvent, je le sais, se rétorquer contre la certitude qui résulte du consentement commun. Aussi ne cherché-je point à l'établir par la raison. Maintenant cela seroit impossible; on verra plus tard pourquoi*. Je ne développe pas un système, je constate des faits.

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Toute certitude repose sur la connoissance de Dieu. Avant de savoir qu'il existe, on peut apercevoir et constater des faits relatifs à notre nature; mais on ne sauroit trouver la raison de rien. Or, la certitudė rationnelle n'est autre chose que la raison de ce qui est.

Il est de fait que souvent les sens nous trompent, que le sentiment intérieur nous trompe, que la raison nous trompe, et que nous n'avons en nous aucun moyen de reconnoître quand nous nous sommes trompés, aucune règle infaillible du vrai. C'en est assez, comme on l'a vu, pour ne pouvoir rigoureusement affirmer quoi que ce soit, pas même notre propre existence. Rien n'est prouvé, parce que les preuves mêmes auroient besoin d'autres preuves, et ainsi en remontant jusqu'à l'infini. Dans cet état, la raison nous ordonne de douter de tout; mais la nature nous le défend. « Elle soutient, dit Pascal, la rai« son impuissante, et l'empêche d'extravaguer jusqu'à ce « point1.

Il est de fait qu'il n'existe point, qu'il n'exista jamais de véritable pyrrhonien; que le doute universel, absolu, auquel nous condamne une sévère logique, est impossible aux hommes; que tous, sans exception, croient invinciblement mille et mille vérités, qui sont le lien de la société et le fondement de la vie humaine. Pour s'en convaincre, il n'est pas besoin de les interroger, il ne faut que les regarder agir. Le plus intrépide sceptique se détournera s'il aperçoit un précipice à ses pieds; il ne prendra point indifféremment du poison pour des aliments ; il ne confiera point sa fortune à un fripon reconnu pour tel, ni sa vie au scélérat intéressé à la lui ôter. Voilà la voix de la nature; on ne sauroit l'étouffer ni la méconnoître. Que sert à Pyrrhon de nous vanter son prétendu scepticisme, tandis qu'il ne peut faire un pas, ni proférer un mot sans se démentir hautement? S'il est assez fou, selon l'expression de Montaigne, il n'est pas assez fort; et malgré sa résistance, une invincible et puissante main courbe son esprit altier sous le joug des croyances communes.

1 Pensées de Pascal, art. XXI.

Il est de fait, enfin, qu'un penchant naturel nous porte à juger de ce qui est vrai ou faux d'après le consentement commun, ou sur la plus grande autorité; que, pleins de défiance pour les opinions, les faits dépourvus de cet appui, nous attachons la certitude à l'accord des jugements et des témoignages; que si cet accord est général, et plus cncore s'il est universel, on cesse d'écouter les contradicteurs, et d'essayer de les convaincre; on les méprise comme des insensés, des esprits malades, des intelligences en délire, comme des êtres monstrueux qui n'appartiennent plus à l'espèce humaine. Et il ne faut pas s'imaginer que les hommes soient injustes en cela. On ne raisonne point avec les fous, quoique les fous mettent quelquefois beaucoup de suite dans leurs raisonnements. Or, l'unique preuve qu'on ait de la folie de ceux qu'on enferme est la complète opposition de leurs idées avec les idées reçues; et la folie consiste à préférer sa propre raison, son autorité individuelle, à l'autorité générale ou au sentiment

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*

S'il se trouvoit, dit Feijoo, un véritable sceptique, il ne faudroit pas le considérer comme un philosophe, mais comme un fou. Le scepticisme ne peut pas proprement être appelé une manière particulière de philosopher; on doit plutôt l'appeler une manière particulière de délirer: « Y si hubo alguno, que verdaderamente asintiese à él (el scep«<licismo), no debe considerarse como filosofo, sino como fatuo: y «<este modo particular de filosofar impropiamente se puede llamar «tal, debiendo à justa razon llamarse un modo particular de delirar. » Teatro critico, Discurso XIII, t III, p. 282. Madrid, 1737.

Gela souffre peu de doute, que les médecins mêmes ne peuvent donner d'autre définition de la folie. « Cet état devient bientôt manifeste aux yeux de tout le monde, lorsque tel homme, qui jouissoil << auparavant d'une bonne santé, porte, quoique éveillé, un jugement << faux ou erroné sur les rapports d'objets qui se rencontrent le plus «fréquemment dans le cours de la vie, et sur lesquels les hommes « portent le même jugement........; qu'il méprise les avis qu'on lui donne; « qu'il manifeste la conviction intime que tous les autres, hors lui

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