DES JOURNALISTES. LE COURRIER LYRIQUE. Air de la fête des bonnes gens. CONFRERES journalistes, Sur ces fronts un peu tristes Un bon mot, un couplet drôle Le rôle de bonnes gens. CHOEUR DES JOURNALISTES. Jouons donc aussi le rôle, Le rôle de bonnes gens. (L'Envoyé des Petites Affiches a une peine infinie à prononcer le refrain du premier couplet; mais il s'y fait ensuite.) LE COURRIER LYRIQUE. Il sort de maint pupitre Des vers dont l'or n'est pas beau; On n'en fait plus au titre Mais, morbleu, de son contrôle Phébus nous fit-il garans? Jouons tous, jouons le rôle, Le rôle de bonnes gens. CHOEUR DES JOURNALISTES. Jouons tous, etc. (L'Envoyé des Petites Affiches ne peut s'empêcher de remarquer que parole et róle ne riment pas parfaitement.) (L'Envoyé de l'Année Littéraire, qui avait écouté aux portes pendant cette ronde, rentra d'un air furieux, tirant de droite et de gauche celui-ci et celui-là pour avoir les moins indulgens dans son parti: mais on fut indigné de son acharnement; on le hua, et on le fit sortir de nouveau̟, Je ne sais comment M. de Piis s'y prit; mais il trouva moyen de 16 TOME I. lui attacher derrière le dos l'épigramme suivante, pour l'instruction de tous les littérateurs; elle est d'un vieux style, mais le sens en est vrai.) Avez grand tort, prosateurs et poëtes, De vous douloir qu'on vous déchire tant; Mordre et manger leurs poings premièrement, (Tous les journalistes coururent après l'Envoyé de l'Année Littéraire pour en prendre lecture; si bien que M. de Piis demeura seul. Il ne tarda pas à se coucher, et vous ne serez point étonné qu'il se soit promptement endormi quand vous saurez que l'Année Littéraire avait laissé son extrait sur son lit. M. de Piis ne fit que rêver journaux et journalistes; cela devait être il rêva qu'il y avait dans l'empire des lettres un homme assez courageux pour solliciter la rédaction d'un journal apologétique; il rêva que ce littérateur, l'ayant obtenue, y recevait toutes les réclamations des auteurs d'un mérite connu contre la critique et contre l'envie; il rêva que les autres journalistes, pour faire tomber ce nouveau journal, étaient bien vite rentrés dans les bornes de la décence et de l'impartialité, en conjurant les auteurs outragés de se défendre dans la même arène où ils avaient reçu l'offense. Ils ne s'écriaient plus : Que deviendront nos feuilles si nous ne sommes pas méchans? Et le public attendait pour les en croire sur tel ou tel livre que l'auteur se fût disculpé dans le journal apologétique. Ce nouvel ouvrage périodique circulait dans les cabinets des littérateurs, et ceux-ci se disaient à eux-mêmes: Je peux donc consacrer enfin une partie de ma fortune à faire imprimer mes ouvrages, craindre que des aristarques mal intentionnés y portent désormais atteinte en se liguant pour me décrier, sans me laisser ensuite la voie de l'appel!) sans |