est actuellement professeur dans un de nos premiers lycées, donnerait une plus juste idée de cet ouvrage (classique à certains égards) que tout ce qui en a été dit dans mille et une brochures. Le voici textuellement : << Indiquer aux écrivains de nouvelles sources de richesses et de jouissances dans l'usage de l'instrument qui sert à composer leurs immortelles productions; présenter aux poëtes les moyens d'ajouter aux charmes des images, à la beauté des descriptions, à leur vérité un plus grand prix, par l'imitation des objets, au moyen du concours des sons, c'est sans doute mériter de son siècle, de son pays, et surtout de la littérature. Telle est la tâche que s'est imposée. M. de Piis dans le poëme que nous annonçons. Il est peut-être difficile de calculer l'étendue des connaissances grammaticales et poétiques que suppose une telle entreprise; mais, sans s'amuser à les supputer, il est bien plus juste d'admirer les efforts aussi sûrs que glorieux que l'auteur a faits pour y parvenir. La censure la plus sévère n'a pu lui refuser des applaudissemens; mais des critiques lui ont reproché d'avoir entaché son ouvrage par des vers dont la dureté répugne à l'harmonie. On conviendra sans peine, en Fisant ce poëme, qu'il en est quelques-uns dont la prononciation est fatigante; mais un grand nombre de vers heureux, de la structure la plus douce, la plus harmonieuse, compensent ces difficultés. « Un ouvrage de ce genre entraînait, nous osons le dire, cet inconvénient. Si le poëte didactique n'avait voulu faire que des tableaux gracieux, il n'aurait peint qu'un petit nombre d'objets, et M. de Piis avait toute la nature à peindre. Notre langue, par l'âpreté de quelques-unes de ses consonnes, par le choc très-dur que leur rencontre produit, rend indispensable en certaines occasions la rudesse des compositions imitatives ⚫ qui en résultent. L'auteur, devant nécessairement passer en revue toutes les différentes positions dans lesquelles peuvent se combiner les mots, les syllabes et les lettres françaises, ne pouvait point éviter le prétendu défaut qu'on lui reproche. Il aurait même encouru celui de négligence si, par une délicatesse puérile, il eût redouté le malheur de s'y trouver exposé. « Peut-on ne pas convenir qu'il est des circonstances où, pour rendre d'une manière vraie et frappante un objet terrible, pour exprimer un sentiment d'horreur, pour exciter dans l'âme un mouvement rapide et violent, il faut joindre à la force des pensées l'énergie des expressions; que le poëte alors est forcé par son sujet à donner à son style une couleur plus vive, à ses expressions une vigueur plus mâle! et c'est, dans cette situation, aux termes de la langue les plus rudes qu'il aura recours, parce que, par une suite des premières impressions qui ont déterminé la formation du langage, les mots qui servent à exprimer ces sentimens ont été composés de l'assemblage de nos lettres les plus âpres et les plus difficiles à prononcer. C'est peut-être une mollesse sybaritique de nos climats de ne supporter qu'avec peine les expressions formées de syllabes fortes et rudes, qui ne choquent ni les oreilles ni le gosier d'un Allemand et de tous les peuples du Nord. Admire-t-on moins la Métromanie, applaudit-on moins à Hypermnestre, quoiqu'on reproche à Piron et à M. Lemière d'avoir laissé échapper quelques vers dont la prosodie semble un peu rocailleuse à des organes efféminés? Mais laissons à l'auteur le soin de justifier lui-même son ouvrage, dont nous ne citerons aucune partie, pour engager les littérateurs à y chercher eux-mêmes les beautés dont il abonde.>> |