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Enfin, le collége avait un devoir d'un ordre encore plus élevé à remplir envers l'Église, celui d'élire un roi qui, étant destiné à porter le sceptre impérial, eût en même temps et la volonté de se vouer tout entier à la protection de la foi et de la société chrétienne, et la capacité nécessaire à l'accomplissement efficace de cette auguste mission. Et certes, supposons que non-seulement la majorité, mais la totalité des princes, oubliant ses devoirs les plus sacrés, eût élu un ennemi déclaré de l'Église, un excommunié, un tyran, un hérétique, un païen, ou un homme dépourvu de sens et d'intelligence, qu'aurait dû faire le pape? Quoi donc! lui qui doit être le marteau des tyrans (1), selon l'énergique expression d'Innocent III, dans la lettre même qui nous occupe (2), aurait-il dû s'associer à un tel homme et le reconnaître comme le second chefde la chrétienté, pour voir bientôt éclater les schismes, les hérésies, les persécutions de tout genre? Aurait-il dû lui imposer les mains, pour le voir aussitôt se lever contre l'Église, avec les armes qu'elle lui avait confiées pour sa défense?

On ne peut donc refuser au pape le droit de se convaincre que l'élu des princes possède réellement les qualités requises pour l'exercice de la puissance impériale, à moins d'enlever à cette puissance son caractère essentiel, la loi même de son existence (5), qui est de former un office spirituel (§ 104), dont l'investiture, conséquemment, ne peut être donnée que par le chef spirituel de la chrétienté. Et certes, l'Église ne se montrait pas très-exigeante, vu les graves intérêts qu'elle avait à sauvegarder en demandant que le candidat royal fût doué de prudence et de discernement, distingué par la maturité de son esprit, élevé par sa grandeur d'âme, éminent par ses vertus, contemplateur assidu des vertus divines pour calquer toute sa conduite sur ce sublime modèle.

pape unde leien. Die to' me ersten an' me kore genant sin, die ne solen nicht kiesen na iren mutwillen, wenne sven die vorsten alle to koninge irwelt, den sallen sie aller erst bi namen kiesen. — Lehnr, d. Sachsensp.. art. 4, § 2. Ses vorsten die de ersten in des rikes kore sin. (1) Bernard., de Consid. IV, 7 (tom. II, p. 450). (2) § Numquid enim, si principes non.

(3) Layman, loc. cit., n. 16, p. 328.

Nul ne devait être sacré empereur qu'il ne brillât par l'éclat de sa fidélité envers l'Eglise, qu'il ne fut embrasé d'une piété pure et supérieure à celle des autres hommes, et qu'il n'eût un désir ardent d'honorer l'Église avec un zèle tout filial, comme sa mère et sa souveraine. Et ainsi c'était tout à la fois un droit et un devoir pour le pape de recommander aux électeurs de mettre en œuvre tout ce qu'ils pouvaient avoir d'intelligence et d'attention, pour procéder à l'élection avec tout le soin, toute la prudence et la maturité possibles (1).

Tels étaient les devoirs des électeurs, devoirs commandés par des intérêts sacrés; le pape avait nécessairement le droit de veiller à ce qu'ils fussent exactement remplis et de protester par toutes les voies légales contre leur violation manifeste. Or, c'était précisément le cas de l'élection dont il s'agit ici; la plus grande légèreté y avait présidé, sinon de la part de tous les électeurs, du moins de celle de la majorité. Ajoutons qu'elle avait été faite sans convocation préalable des autres princes qui avaient égale ment droit à y prendre part. Cette circonstance, à elle seule, aurait suffi à frapper l'élection de nullité (2). Toutefois le pape ne s'arrête point à l'acte électoral en lui-même, il apprécie senlement les qualités des sujets élus. Il dit donc, avec raison, que son légat n'avait joué ni le rôle de coélecteur ni celui de juge, puisqu'il n'avait pas agi dans un sens plus que dans un autre, en faveur de Philippe plus qu'en faveur d'Othon, et qu'il ne s'était, d'autre part, nullement prononcé sur le fait de l'élection, soit en ratifiant, soit en rejetant le choix des électeurs, mais qu'il avait simplement fait son rapport sur le mérite personnel des deux élus (3).

Cependant les princes ne parvinrent pas à se mettre d'accord; bien loin de là, ceux d'entre eux qui s'étaient déclarés pour le duc de Souabe, au lieu de céder aux représentations du pape, ne

(1) Telles sont les instructions que Clément V donne à Rodolphe, comte palatin. — Tolner, Codex diplom. Palatinus, n. 120, p. 83.

(2) Cap. Venerabilem, § Exercuit. - Absentibus aliis et contemtis, ipsum eligere præsumserunt, etc.

(3) Exercuit, cit.

s'attachèrent que plus opiniâtrément à la cause du prince excommunié, et au milieu des désordres qu'enfanta la lutte des deux prétendants, l'Église se trouva privée de protecteur (1). Innocent se prononça contre Philippe (2), et certes, sa conduite était amplement justifiée par les circonstances; Philippe avait contre lui, et le fait même de son couronnement, acte radicalement nul à cause de l'incompétence du prélat qui l'avait accompli, et l'empèchement notoire de l'excommunication dont il était frappé, et son parjure, et les persécutions exercées par lui et par ses ancêtres contre l'Église et ses pontifes (3). Tous ces faits sont exposés avec plus de développement dans la décrétale. Pour ce qui concerne l'excommunication, elle avait déjà été portée contre Philippe par

Célestin. L'absolution qu'il en avait reçue n'était qu'un acte subreptice, accompli à la faveur d'une collusion avec le légat pontifical, agissant contre son mandat. De plus, la rumeur publique accusait Philippe, non-seulement de patronner publiquement l'ambitieux Markwald, comme lui, sous le coup de l'excommunication, mais encore de l'exciter secrètement à la rébellion contre le jeune roi de Sicile, pour le dépouiller de son héritage maternel. Le parjure que l'on reprochait aussi à Philippe avait trait à Frédéric : ce prince ayant été élu roi d'Allemagne par les soins de Henri VI. Philippe lui avait prêté serment de fidélité (4) sans consulter l'Église sur la valeur de ce serment, et, le foulant audacieusement aux pieds, il s'était fait élire lui-même. Enfin, pour ce qui est des antécédents de famille qui signalaient le rival d'Othon, comme l'héritier des passions haineuses d'une race naturellement hostile à l'Eglise (5), il suffisait d'en appeler à l'histoire des règnes de Frédéric er et de Henri VI (6).

(1) § Numquid enim si principes admoniti. (2) Gonz. Tellez ad h. c., n. 54, p. 351.

(5) § Sunt enim.

(4) Reg. Innoc. III, Ep. 29, p. 699.

(5) De genere persecutorum. - § Utrum (p. d.).

(6) Voir le portrait de ce prince dans Hurter, loc. cit., vol. I, p. 65, 74.

§ CXXVIII.

7. Les décrétales Solitæ et Ad Apostolicæ.

Dans le même temps où Innocent III rendait les décisions que nous venons de rapporter au sujet de l'élection du roi d'Allemagne et de sa promotion à l'empire d'Occident (1), il se trouvait dans le cas de rappeler à l'empereur grec la véritable notion des rapports du saint-siége avec l'empire, ainsi que ceux du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. La lettre qu'il lui adressa à cette occasion, et qui vraisemblablement fut écrite dans l'année 1200, a été recueillie presque en entier dans les livres des Décrétales sous le titre de Cap. Solitæ, dans la section de Majoritate et obedientia (2). Comme nous avons déjà mentionné plusieurs fois cette décrétale (5), il nous suffira d'ajouter ici quelques développements pour faire connaître plus explicitement l'objet de ses dispositions.

Alexis III (4), ce prince débauché et cupide (5) qui ne craignit pas de profaner les tombeaux de ses ancêtres, sans épargner même celui de Constantin, pour s'enrichir de leurs dépouilles, avait, à l'instigation de son orgueilleuse épouse, ordonné au patriarche de Constantinople de s'asseoir sur un escabeau à ses pieds à gauche du trône (6), et essayé ensuite de justifier ce procédé auprès du pape en citant une foule de textes, tant de l'Ancien que du Nouveau Testament (7). Il croyait surtout pouvoir invoquer victorieusement l'exemple de Moïse, de Josué et de David, lesquels, disait-il, quoique revêtus de l'autorité temporelle, étaient cependant plus élevés en honneur et en dignité

(1) Gesta Innoc., c. 63 (Epist. Ed. Baluze, tom. I, p. 29).

(2) Cap. 6, X (I, 33).

(3) Supra § 89, 115, 116.

(4) Gonzalez Tellez, Comment. ad Cap. Solitæ, n. 13 (tom. I, p. 827). (5) Schlosser, Weltgeschichte, vol. 3, t. I, p. 604 sqq.; tom. II, p. 25 sqq. Hurter, Geschichte l'apst Innocenz III, vol. I, p. 506 sqq.

(6) Cap. Solitæ, cit. § Præterea, 4.

(7) § Verum si, 2.

que le grand prêtre, chef suprême du pouvoir spirituel dans l'ancienne Église. Innocent lui fit observer que Moïse était prètre luimème; que Josué ou Jésus était la figure du véritable Jésus, et que David avait joui de cette prééminence, non comme roi, mais comme prophète; que, du reste, peu importait ce qui avait eu lieu dans l'ancienne alliance, la nouvelle ayant inauguré un ordre de choses également tout nouveau. Depuis que le Christ s'était of fert en victime d'expiation sur la croix, non comme roi, mais comme pontife suprême, pour la rédemption du genre humain, le vicaire de Jésus-Christ sur la terre, le pontife, successeur de Pierre, ne pouvait pas être comparé au grand prêtre de la loi hébraïque, auquel il est bien supérieur en dignité et en puissance (1), et quand bien même on voudrait s'en référer à l'ancienne alliance, on y trouverait cette parole sortie de la bouche de Dieu même : Je t'ai établi pour arracher et pour détruire, pour édifier et pour planter (2). Or, à qui a-t-elle été adressée? A un roi? Non, mais à un prêtre, à un prêtre non de race royale, mais de race sacerdotale (3). Après avoir rappelé que les prêtres ont sur les rois l'avantage de porter dans l'Écriture le nom de dieux (4), Innocent développe la figure des deux flambeaux célestes (5) que nous avons reproduite ailleurs, et dans l'application qu'il fait de ce parallèle, il exhorte l'empereur à se proposer pour modèle l'exemple de ces rois et princes pieux, qui se levaient devant les archevêques et évêques de leurs royaumes et leur donnaient une place d'honneur à côté d'eux. A lui, ajoutait le pape, comme chef de l'Église, il appartenait de signaler aux rois euxmèmes et aux empereurs les fautes et les erreurs dans lesquelles ils étaient tombés, et de les reprendre au besoin, car ils faisaient aussi partie de son troupeau, et il avait à répondre devant Dieu du salut de toutes ses brebis. L'empereur n'avait sans doute pas oublié que c'était à Pierre et à ses successeurs qu'il avait été dit :

(1) § Verum si, cit., p. d.

(2) § Potuisses, 5. (5) Jerem. I, 10.

4) Exod. XXII, 28. 5) S Præterea, 4.

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