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qu'alors par les voies de droit. Il envoya donc à Frédéric une brillante députation, et lui fit faire la proposition, dans les termes les plus suppliants, de rendre à la liberté les prélats captifs, lui faisant observer que cet acte de justice serait pour le saintsiége une preuve que l'empereur partageait son désir de réconciliation (1). Cette prière était accompagnée de plusieurs autres. Frédéric était invité à faire connaître ce qu'il était lui-même disposé à consentir pour être relevé de l'excommunication, assuré qu'il pouvait être que, si l'Église, de son côté, avait pu lui donner quelques griefs, elle était prète à les réparer; que, s'il prétendait n'avoir fourni aucun sujet de plainte à l'Église, tandis qu'il avait lui-même à se plaindre d'elle (2), plaindre d'elle (2), le pape ne demandait pas mieux que de convoquer une grande assemblée de princes ecclésiastiques et séculiers pour leur soumettre la question et révoquer, s'il y avait lieu, d'après leur décision, toute mesure, toute sentence qui aurait violé l'équité à l'égard des prérogatives impériales; que, d'un autre côté, si le jugement de l'assemblée était favorable à l'Église, le pape recevrait avec indulgence et . mansuétude les réparations qui seraient exigées de l'empereur (5); qu'enfin les amis et partisans de celui-ci n'auraient jamais à rendre compte de leur conduite passée, et ne seraient aucunement inquiétés à ce sujet.

Telles étaient les supplications affectueuses par lesquelles l'Église s'efforçait de fléchir le cœur de Frédéric. Elle lui tendait les bras, et son langage était celui de la tendresse et de la miséricorde. On eft dit qu'elle sentait que, si l'union du trône impérial et du saint-siége apostolique, si tristement rompue, n'était pas immédiatement rétablie, l'abîme qui séparait les deux pou voirs restait ouvert pour des siècles! La circonstance était solennelle, et devait avoir des conséquences incalculables sur les destinées du genre humain! Innocent se réjouissait déjà d'avoir conduit à bonne fin l'œuvre de la paix; déjà il accourait à la ren

(1) § Et quia.

(2) § Et si diceret.
(3) Eratque parata.

contre de l'empereur, qui avait fait jurer les conditions convenues, lorsque Frédéric déclara brusquement qu'il ne voulait rendre ni les prélats captifs, ni les États de l'Église, qu'il n'eût auparavant reçu l'absolution pontificale (1). Il n'ignorait pas que sa proposition était inacceptable, et son intention manifeste était d'insulter encore par une moquerie aux lois et usages traditionnels de l'Église. En voyant ce prince s'endurcir de plus en plus dans son hostilité contre le royaume et le pontife de Jésus-Christ, Innocent pouvait se rappeler qu'autrefois Dieu avait frappé du même endurcissement le cœur de Pharaon! Si les outrages de Frédéric n'avaient atteint que la personne du pape, celui-ci aurait pu les pardonner; mais, comme ils s'adressaient, non à l'homme, mais au représentant de Jésus-Christ lui-même, l'honneur du roi céleste et la dignité du pontificat suprême lui faisaient un devoir de conscience de fulminer la sentence que l'empereur affectait de provoquer (2).

Quatre griefs principaux étaient élevés contre Frédéric (3) : les nombreux serments qu'il avait violés; le sacrilége qu'il avait commis en faisant incarcérer de hauts dignitaires de l'Église: l'infidélité dont il s'était rendu coupable par ses rapports notoires avec les Sarrasins et ses relations charnelles avec des femmes de cette nation (4); enfin, la domination tyrannique qu'il avait fait peser sur les provinces du patrimoine pontifical, en foulant aux pieds tous les devoirs de vassal du saint-siége: non-seulement il avait négligé depuis longtemps d'acquitter les taxes féodales annuelles, mais il avait encore maintes fois contraint les populations des États romains de combattre contre leur seigneur suzerain (5).

Après avoir accordé à Frédéric un nouveau et long délai, et

237 sqq.

(1) Döllinger, Lehrbuch der Kirchengesch., vol. 2, p. (2) Matth. Paris., ann. 1245 Exitus enim aquarum deduxerunt oculi ejus, et singultus sermonem proruperunt.

(3) § Dejeravit.

Har

(4) Acta Concil. Ludg., ex Matth. Paris., Hist. Angl. ann. 1245. douin, loc. cit., col. 397.- Schwarz hueber, loc. cit., art. 2, § 38, p. 209 sqq. (5) § Præter hæc.

lui avoir fait offrir des conditions encore plus douces, mais toujours vainement, Innocent IV, le 17 juillet de l'année 1245, après en avoir mûrement délibéré avec le concile (§ 116), parlant en qualité de vicaire de Jésus-Christ, à qui il a été dit, dans la personne de saint Pierre: «Tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel, » prononça contre lui la sentence d'excommunication (1). Ce prince s'était rendu indigne de l'empire, indigne de la royauté, indigne de tout honneur, de tout titre, de toute prérogative; en conséquence, le pape le déclarait comme rejeté de Dieu et dépossédé par lui de tout pouvoir et de toute souveraineté, déchu sans retour de ses couronnes et de ses dignités. Il déliait en même temps tous ceux qui s'étaient obligés envers lui à l'obéissance de leur serment de fidélité, et défendait, sous peine d'excommunication, de l'assister comme empereur ou roi, soit par des conseils, soit par des actes bienveillants. Il devait être procédé sans retard, et en toute liberté, à l'élection d'un nouvel empereur par les princes allemands. Quant à la Sicile, fief pontifical, le pape se réservait d'aviser par des dispositions ultérieures.

La déposition de Frédéric II était un affreux malheur pour la société chrétienne. A dater de ce jour néfaste, la parole d'Yves de Chartres, que l'inimitié des deux pouvoirs est, non-seulement fatale à la prospérité des petites choses, mais mortelle pour les grandes, se vérifia constamment et dans la plus large mesure! Mais la responsabilité de ce malheur, bien que dans les luttes qui avaient précédé il eût pu être commis bien des fautes par suite de la fragilité humaine, du côté des défenseurs de l'Église, retombe néanmoins sur la tête de ceux qui, dans leur aveuglement opiniâtre et leur orgueil effréné, portèrent contre le royaume de Dieu le glaive qu'ils devaient consacrer à sa défense.

(1) § Nos itaque, Ricordan. Malespini, Istoria Fiorent., cap. 132 (Muratori, Rer. Ital. script., tom. VIII, col. 966): E di certo non fu (Federigo) cattolico christiano, vivendo dissolutamente, e participando co' Saracini, poco, o niente usava la Chiesa o suo ufficio, sicchè non senza grandi evidenti cagioni fu disposto e condannato, e poi che fu condannato, in poco tempo Iddio mostro sopra lui e suoi la sua ira.

C'est ainsi que, pour le plus grand mal des générations futures, l'empire était venu se briser sur le roc de Pierre; son éclat s'était éclipsé pour toujours, bien qu'il continuât, s'éteignant peu à peu, pendant un demi-siècle encore, à jeter quelques lueurs passagères. Le siècle qui suivit immédiatement la déposition de Frédéric, jugée par ses successeurs eux-mêmes, entre autres, par Rodolphe de Habsbourg, comme un acte de toute justice (1), ne vit déjà plus lui-même qu'un seul empereur, qui ne fit qu'apparaître, comme un météore fugitif (2).

En cessant de briller au zénith de la société chrétienne, l'astre impérial laissa se lever d'autres lumières, dont sa splendeur avait jusqu'alors effacé l'éclat plus modeste. En Allemagne, ce furent les grands feudataires terriens, qui commencèrent à rivaliser de puissance avec le souverain et à s'efforcer entre eux de soumettre à leur domination d'autres seigneurs qui ne relevaient point de l'empire. Mais, en même temps qu'ils poursuivaient sans obstacle leur marche ascensionnelle vers la suzeraineté, les fiefs dominants acquéraient, même pour les rapports de l'Église et de l'État, une importance de jour en jour plus considérable. A la chute de Frédéric, la France, cette éternelle rivale de l'Angleterre, aurait dû revendiquer le titre glorieux de protectrice de l'épouse de Jésus-Christ; elle ne lui prépara que des fers. C'est dans ce royaume que nous allons voir la première application du faux principe de la domination absolue de l'État, par un roi dont le surnom, tiré de la beauté de son corps, ne répondait guère à ses autres qualités (§ 130). Mais l'importance politique de la monarchie française, qui prenait alors tous les jours une plus grande extension, au grand détriment de la liberté de l'Église, et, par contre-coup aussi, de celle des peuples occidentaux, exige que nous jetions un regard rapide sur certains événements de l'histoire de France antérieure au règne de Philippe le Bel. C'est à quoi nous conduit naturellement l'examen d'une décrétale d'In

(1) Boehmer, Reg. Imp. II, p. 54.

(2) Henri VII n'occupa le trône impérial que du 29 juin 1312 au 24 août 1515; moins de quatorze mois.

nocent III, au sujet des deux royaumes de France et d'Angleterre (1).

§ CXXIX.

8. La décrétale Novit.

Pendant le règne de Charles le Simple, Rollon, le célèbre conquérant normand, était devenu vassal de la couronne de France. Un siècle et demi plus tard, Guillaume, duc de Normandie, conquérait le trône des Anglo-Saxons. Cet événement ne

(1) Annal. Mettens, ann. 1215 (Pertz, Monum. Germ. hist., tom. V. p. 159), et Richard de S. Germano, Chron. Concilium Romæ sub Innocentio papa. Ibi degradatus est Otto quondam imperator, et excommunicatus est ab omni concilio. — Muratori, Script. rer. Ital., tom. VII, , p. 989: Dictus Papa Romæ apud Lateranum in ecclesia Salvatoris quæ Constantiniana dicitur, sanctam synodum celebravit, in qua cum fuerint Patres circiter quadringenti, de reformatione Ecclesiæ in suo sermone proposuit, et liberatione potissimum Terræ Sanctæ. Interfuerunt autem Regum et Principum totius Orbis Nuntii, Legatus quoque Regis Friderici Panormitanus Archiepiscopus, Berandus nomine, et Mediolanensis quidam pro parte Othonis ad mandatum Ecclesiæ redire volentis. Sed Marchio MontisFerrati, qui erat pro parte Regis ipsius, adversarium se opponens, quod pro Othone ipso non deberent audiri, sex in medio capitula protulit. Priinum, quia juramentum, quod Romanæ Ecclesiæ fecerat, non servavit ut debuit. Secundum, quia propter quæ fuit excommunicatus adhuc detinet nec reddidit, ut juravit. Tertium, quia Episcopum quemdam excommuni-catum tanquam ipsius fautorem nititur confovere. Quartum, quia Legatum Episcopum alium capere, et in majoris iniquitatis cumulum incarcerare præsumpsit. Quintum, quia in contemptum Romanæ Ecclesiæ Regem Fridericum Regem appellavit Presbyterorum. Sextum, quia quoddam Monialium Monasterium destruxit et erexit in arcem. Adjecit etiam, quod cum ipsi Mediolanenses simili essent excommunicatione notati, tanquam ipsius Othonis complices et fautores, et quia eorum civitas Paterenos fovebat, nulla prorsus debebant ratione audiri. — Sedit autem usque tertio ipse Dominus Papa et tunc electionem factam per Principes de Rege Friderico in Imperatorem Romanum, approbans, confirmavit. - En rapprochant ce qui se passe ici dans le concile de Latran avec ce qui eut lieu dans le concile de Lyon, en 1245, on voit que Frédéric perdait le trône par les mêmes raisons qui l'avaient appelé à y monter à la place d'Othon. Frédéric connaissait la déposition de son prédécesseur, et ainsi il n'était point recevable à se plaindre, comme d'une injustice, d'encourir le même sort pour les mêmes motifs.

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