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causes civiles à la juridiction des tribunaux ecclésiastiques (1). Du reste, le cas du chapitre Novit se reproduisit de nouveau avant la fin du même siècle. Philippe IV, roi de France, en guerre avec Édouard I", roi d'Angleterre, fut accusé par celui-ci comme Philippe II l'avait été par Jean-sans-Terre; mais les choses prirent un autre cours, et il n'y eut pas lieu de faire une seconde application des principes que nous venons de voir cousacrer par la conduite d'Innocent III. A ce débat se rattache le décret Clericis laicos, que nous allons examiner conjointement avec une autre bulle.

§ CXXX.

9. La décrétale Clericis laicos et l'Extravagante Unam sanctam.

Le rôle si glorieux que la France avait rempli, sous les premiers rois carlovingiens, dans les destinées de l'Église, avait perdu tout son éclat depuis le dixième siècle, éclipsé par la splen deur du sceptre impérial, réuni à la couronne de la royauté allemande; mais il le recouvra de nouveau pendant les luttes des Hohenstauffen contre le saint-siége.

La chrétienté tout entière ne pouvait voir sans une vive et profonde impression presque tous les papes qui s'étaient succédé depuis le règne de Henri IV, obligés tour à tour d'implorer la protection de la France contre les rois et les empereurs d'Allemagne. Urbain II, Gélase II, Calixte II, Innocent II, Eugène III, Alexandre III et Innocent IV avaient dû fuir les États de l'Église pour aller chercher un asile par delà les Alpes, sur le territoire français, et plusieurs d'entre eux, du fond de leur retraite, sur ce sol hospitalier, avaient décrété l'excommunication et la déposition des empereurs.

A l'époque où Frédéric II fut frappé d'anathème et déchu de sa double couronne, comme un implacable ennemi de l'Église, le

(1) Alteserra, loc. cit., hb. VI, c. 10, p. 229 dicec., lib. IX, cap. 9, n. 8.

Bened. XIV, de Synod.

tròne de France était occupé par saint Louis. Combien le contraste ne devait-il pas être sensible pour le père des fidèles? Combien le fils cadet de l'Église devait lui être plus cher que l'aîné? Avec quels vœux ardents devait-il aspirer à voir un nouveau Jacob déposséder un autre Ésau de son droit d'aînesse? D'autre part, on aurait vainement cherché dans toute l'Allemagne une famille aussi illustre que celle des Capétiens, alliée à la race des Carlovingiens, et à laquelle on ne pouvait contester la gloire d'avoir donné à la France des rois généralement dévoués et fidèles dans leur attachement à l'Église. Rien donc n'eût été plus naturel que de voir le pape favoriser de toutes ses forces l'avènement d'un Capétien au trône germanique; il y aurait eu, comme autrefois dans le monde occidental, une seule et même famille réguant sur le grand empire carlovingien. Mais si la réalisation de ce vaste projet rencontrait alors des obstacles insurmontables, le pape pouvait au moins disposer selon ses désirs du royaume de Naples, qui lui revenait par droit de déshérence, comme seigneur suzerain de cet État, dont le feudataire s'était rendu coupable de félonie. Ayant à choisir entre Conrad et Charles d'Anjou, Innocent devait nécessairement préférer le frère de saint Louis (1) au malheureux prince, héritier d'une race de persécuteurs (§ 127). Mais, hélas! bien rarement une femme porte dans son sein deux fils aussi différents que Blanche de Castille, mère de saint Louis et de ce monstre qui égorgea de sang-froid le descendant de cing empereurs!... Le chef de l'Église se voyait encore une fois déçu, et bien cruellement, dans l'espoir qu'il avait fondé sur un homme. Étrange phénomène, sans analogue dans l'histoire du genre humain! C'est précisément celui qui du haut du premier trône du monde, oracle infaillible, annonce la vérité pure et éternelle, qui, dans ses rapports avec la société temporelle, se voit le plus souvent et le plus indignement trompé par les homines pour lesquels il avait eu la confiance la plus aveugle et la plus dévouée!... Avec quelle sagesse et quelle circonspection, avec quelle sagacité, avec quelle religieuse délicatesse de conscience et quelle

(1) München gel. Anzeigen, Bd. IV, S. 27.

ampleur de vues Innocent III avait dirigé les destinées des peuples! et combien pourtant devait être fragile et caduque l'œuvre qui fut comme la tache de chaque jour de sa vie! Tout était faussé, défiguré, renversé par ceux au bonheur, aux droits, au salut desquels il n'avait cessé de se sacrifier tout entier. Fallait-il qu'il en fût ainsi, afin que le contraste entre la faillibilité de l'homme et l'infaillibilité du pontife fit briller celle-ci d'un plus vif éclat? La Providence nous enseigne-t-elle par là à ne pas juger du mérite des œuvres humaines par leur résultat, mais d'après l'intention qui les rapporte exclusivement à Dieu? Ou bien, la postérité doit-elle être remplie d'effroi, en voyant des princes tels qu'Othon IV et Frédéric II, et autres semblables, appelés de Dieu, par la voix de l'Église, à devenir les plus sublimes ornements de la chrétienté, et, fermant l'oreille à cet appel, afin que dans l'image des rois sacrés par l'onction sainte, tous ceux qui sont oints rois dans le baptême apprennent à ne pas rester sourds à la voix de Dieu, en faussant le but de leur vocation suprême?

Une nouvelle et cruelle déception était encore préparée au chef de l'Église par le petit-fils de saint Louis, et le séjour de la France, autrefois si doux au cœur des papes, allait être converti en captivité de Babylone. La translation à Avignon du siége pontifical, établi à Rome depuis près de treize siècles, était un véritable malheur, suite fatale de l'hostilité des empereurs contre l'Église; mais à ces luttes impies se joignait encore un autre mal bien plus déplorable. Pendant tout un siècle, l'Allemagne et une grande partie de l'Italie avaient pris les armes contre les souverains pontifes; il était impossible que, dans un pareil état de choses, l'attachement du peuple au saint-siége apostolique ne se refroidit insensiblement, et que les liens d'affection, de confiance et de respect qui l'unissaient et devaient l'unir au chef de l'Église ne fussent considérablement relâchés. Il eût été difficile au clergé lui-même de se préserver entièrement de ce désaffectionnement général; aussi, n'était-ce plus qu'à contre-cœur que l'on satisfaisait aux prétentions que les papes élevaient à cette époque sur une foule de taxes. Ces taxes, il est vrai, étaient fort oné

reuses; mais toutes ces luttes, qui avaient promené la dévastation et le pillage dans les États de l'Église, les avaient épuisés, et avaient réduit le successeur de Pierre au plus complet dénûment. Déjà Grégoire IX et Innocent IV s'étaient vus réduits à la nécessité (1) d'imposer de nouvelles charges aux peuples chrétiens. Ce serait donc une grande injustice, en attribuant à Boniface VIII l'invention des annates, allégation qui, d'ailleurs, est complétement dénuée de fondement (2), que d'insulter à la mémoire de ce pape par une accusation de cupidité; car, s'il se vit dans le cas de lever un grand nombre de taxes sur des clercs et des laïques pour faire face aux divers besoins de l'Église, il put au moins se rendre ce témoignage, qu'en usant d'ailleurs d'un droit incontestable, il obéissait encore à des nécessités impérieuses. Il n'était pas question alors de ces coupables dilapidations des deniers des fidèles versés avec profusion dans le trésor de saint Pierre, qui affligèrent l'Église sous quelques papes d'une époque plus rapprochée.

Dans une semblable situation, il était tout naturel que Boniface VIII sougeât à protéger le clergé contre les charges extraordinaires et complétement illégitimes dont il était grevé en même temps par le pouvoir séculier. C'est dans ce but qu'il publia, dans l'année 1296, la bulle Clericis laicos, qui se trouve dans le recueil composé par ce pape, sous le titre De immunitate ecclesiarum (5). Voici les faits qui avaient donné lieu à la publication de cette bulle, ainsi qu'au différend élevé entre Boniface et Philippe le Bel (4).

(1) Döllinger, Lehrbuch der Kirchengeschichte, Bd. II, S. 244.

(2) Thomassin, Vetus et nova eccles. discipl., p. III, lib. II, c. 58, n. 5, tom. VIII, p. 371.

(3) Cap. 5 (III, 25) in 6to

(4) (P. du Puy) Histoire du différend entre le pape Boniface VIII et Philippe le Bel, roy de France; Paris, 1555, in-fol. Adr. Baillet, Histoire des démeslez du pape Boniface VIII avce Philippe le Bel, Paris, 1718, in-8°. (On ne doit faire usage des documents reproduits dans ces deux ouvrages qu'avec la plus grande réserve, vu les altérations dont ils sont incontestablement entachés.) Bianchi, Della potestà e della politia

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della Chiesa, tom. 1, p. 91 e scg., t. II, p. 448 e seg. Dollinger, loc. cit., vol. II, p. 260 sqq. — Hæfler, Rückblick auf Bonifacius VIII (Denkschr.

La guerre avait éclaté de nouveau entre le roi de France et Edouard Ier d'Angleterre, avec qui s'était allié Adolphe de Nassau. A l'exemple de son prédécesseur, Innocent III, que nous avons vu intervenir dans la querelle de Philippe et de Jean-sans-Terre, Boniface VIII avait déployé infructueusement tous les efforts de son zèle pour amener les deux monarques à conclure un traité de paix. Cependant ceux-ci, manquant de ressources pour continuer une lutte qui avait déjà duré plusieurs années, contraignirent tous les deux le clergé de leurs royaumes à leur venir en aide par des impôts très-onéreux; seulement ils s'y prirent chacun par une voie différente: Édouard força le clergé d'Angleterre à lui abandonner une partie notable de ses revenus; Philippe demanda et obtint la cinquième partie de tous les biens ecclésiastiques (1).

Ordinairement, rien ne sert à répandre sur les faits le jour de la certitude comme le regard jeté sur les circonstances historiques qui les ont précédés. Ici, c'est exactement le phénomène contraire qui se réalise; cet examen préalable ne fait que rendre les choses plus inexplicables.

Dans toutes les occasions, Boniface VIII avait manifesté une prédilection toute particulière pour la France et pour le roi Philippe, qu'il avait connu personnellement, comme légat du saintsiége, sous le pontificat d'Innocent; il n'avait reculé devant. aucune démarche pour terminer à l'avantage de ce prince la guerre avec l'Aragon (2). Il avait plusieurs fois fait tous ses efforts pour retirer Adolphe de Nassau de la solde du roi d'Angleterre (3); il avait même engagé Édouard et son allié à déclarer qu'ils étaient disposés à cesser les hostilités. Eh bien, tous ces soins furent stériles, toutes ces peines perdues; Philippe fermait dédaigneusement l'oreille aux prières et aux invitations pressantes

d. Munch. Akad., Bd. XVII). Luigi Tosti, Storia di Bonifacio VIII c de' suoi tempi, 2 voll. de' tipi di Monte-Cassino, 1846.

(1) Raynald., Annal. eccles., ann. 1296, n. 22 (tom. XIV, p. 495 sq.). (2) Raynald., ann. 1295, n. 25, Bianchi, loc. cit., tom. II

p. 481.

P. 478.

Voy. les lettres du pape dans Raynald. Anal. eccles., ann. 1295. 1. 15, p. 484; ann. 1296, n. 20, n. 21, p. 494.

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