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mœurs de la chevalerie chrétienne, faisaient du devoir de combattre pour l'Église le principal objet de cette institution.

Un exemple remarquable, qui confirme pleinement l'intervention de l'Église dans la profession des voeux militaires, c'est la collation de la dignité de chevalier au comte Guillaume de Hollande, élu roi des Allemands (1). Avant qu'il eût prononcé les vœux de l'ordre, Pierre Caputius, légat apostolique, lui présenta le joug de la règle de la chevalerie, où figurent en première ligne les préceptes suivants :

« Entends tous les jours la messe avec un souvenir pieux de «la Passion de Notre-Seigneur, expose hardiment ta vie pour la « foi catholique, délivre la sainte Église et ses ministres de tous << leurs ennemis, assiste les veuves, les mineurs et les orphelius « dans leurs besoins, évite les guerres injustes... »

Après que Guillaume eut prêté le serment d'usage, le roi de Bohême le reçut chevalier, en lui disant :

« Pour la gloire du Tout-Puissant, je te consacre chevalier et « je t'admets volontiers dans notre société, mais souviens-toi « que le Rédempteur du monde a été frappé devant le grand « prêtre Anne et raillé par le gouverneur Pilate, flagellé et cou«ronné d'épines, revêtu de pourpre et tourné en dérision par le « roi Hérode, exposé nu et couvert de blessures aux regards du « peuple, attaché à la croix! Son opprobre, je t'exhorte à te le << rappeler; sa croix, je te conseille de la prendre sur toi; sa a mort, je t'engage à la venger. »

La consécration de l'épée, chez une race aussi guerrière que les Germains, faisait entrer nécessairement l'homme tout entier dans le domaine extérieur du christianisme, et dans cet état de choses, il était inévitable que l'Église prît une grande influence et sur le droit public et sur le droit privé (2). En effet, on la voit pénétrer peu à peu de son esprit de douceur et de paix les formes brutales de la législation germanique, particulièrement en ma

(1) Magn. Chron. Belg., ann. 1247 (Pistorius, Script. rer. Germ., tom. III, p. 266). — Pertz, loc. cit., tom. IV, p. 363. · Eichhorn, Deutsche Staatsund Rechtsgeschichte, vol. II, § 241, annot.

(2) Walter, Kirchenrecht, § 342 sqq.

tière de vindicte par la voie des armes. La vengeance personnelle, fondée sur le principe du talion et le droit de la légitime défense, était, quoique par des raisons différentes, aussi étrangère au droit romain qu'à la législation de l'Église. Celle-ci, qui appelle de tous ses vœux et de tous ses efforts la réalisation de la paix universelle parmi les hommes, et ne permet la guerre qu'autant qu'elle est provoquée par une cause juste (1) et sous la réserve qu'il ne soit pas fait usage d'armes trop meurtrières (2), devait, à plus forte raison, avoir en abomination la vengeance sanglante et les guerres de représailles, permises dans le droit germanique. Aussi la vit-on déployer tout son zèle et user de toute son influence pour abolir le droit de guerre et le remplacer par une procédure régulière. Déjà les Carlovingiens, consultant en cela l'intérêt de l'autorité royale, non moins que leur devoir de chrétien, avaient énergiquement secondé l'Église dans cette entreprise, en s'attribuant le droit d'interdire, soit personnellement, soit par l'organe des missi dominici et des comtes (3), toutes guerres et prises d'armes parmi leurs vassaux.

Mais, dès le temps de la dissolution de la monarchie carlovingienne (888), et plus encore dans le siècle suivant, toutes ces restrictions du droit de guerre étaient tombées en désuétude, en sorte que l'Église fut obligée d'avoir recours à un autre moyen (4).

A l'exemple de Guido, évêque du Puy (5), qui avait réalisé à cet égard de notables progrès, plusieurs évêques d'Aquitaine

(1) Supra, tom. I, § 50.

(2) Cap. un., X, de Sagittar. (V, 15), (Conc. Later. II, can. 29). voti, Jus canon. univ. I, 34, § 4, note 3 (tom. II, p. 348).

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(3) Capit. Miss. dom. dat., ann. 802, c. 20 (Periz, Monum. Germ. hist., tom. III, p. 96). — Constit. Wormat., ann. 829, Petit. c. 9, p. 340. -Capit. Wormat. pro leg. hab., ann. 829, c. 7.-Deutsche Geschichte, vol. II, p. 419.

(4) Petr. Damian. Epist. IV, 9, tom. I, col, 113 et 114.

(5) Widonis Charta de Treuga et Pace, ann. 990 (Baluz, 1000).— Mabillon, de Re diplomatica, lib. VI, n. 144, p. 577. —- Ceillier. Hist. gen. des auteurs sacrés et ecclés., tom. XIX, p. 740.- Devoti, loc. cit., § 2. not. 7, p. 545.

et de Bourgogne s'assemblèrent, vers le commencement du deuxième siècle, pour engager tous leurs diocésains à consentir enfin à vivre en paix les uns avec les autres, à n'exercer aucunes représailles et à s'abstenir de toute guerre. Grand nombre de synodes (1) agirent dans le même sens. Dans la France septentrionale et la Belgique, la cause de la paix, qui, à raison de son origine, fut appelée Pax gallicana (2), rencontra pareillement une grande faveur (3); mais elle avait en même temps un violent adversaire dans Gérard, évêque de Cambrai, qui prétendait justifier son opinion par une raison entièrement dénuée de fondement, à savoir, qu'il n'appartient point à l'Église de s'inquiéter de la conservation de la paix (4). Néanmoins la Paix de Dieu fut, avec la coopération du comte Baudouin, jurée dans les Flandres (5).

Mais la coutume de vider les querelles par le sort des combats était si profondément enracinée dans les mœurs germaniques, que l'on se convainquit bientôt de l'impossibilité d'obtenir la réalisation pratique de cette paix; l'on se contenta, en conséquence, de la remplacer par une trève limitée à certains jours fixes de la semaine, c'est-à-dire, du mercredi soir au lundi matin, et à certaines époques de l'année, de l'Avent à l'Épiphanie, et de la Septuagésime à l'Octave de Pâques (6). La violation de cette trève était punie de l'excommunication (7).

On la désignait indifféremment sous les dénominations de

(1) Hardouin, Concil., tom. VI, p. I, col. 891. — Glab. Rodulf. IV, 5, 1. - Balder., Gesta Episc. Camer. III, 27 (Pertz, loc. cit., tom. IX, p. 474), 52, p. 485.

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(6) Cap. Treugas, 1, X, de Treuga et Pace (I, 34). diœc., lib. XIII, c. 17, n. 5.

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P. de Marca,

Bened. XIV, loc. cit,

(7) Can. Excommunicatorum, 47, C. 23, q. 5 (Urban. II). de Concord. sacerd. et imp., lib. IV, c. 14, n. 5. (lib. XI, c. 11, n. 9). — Devoti, loc. cit.,

§ 4, not. 3, p. 347.

Treuga Dei (1), Pax Dei (2), Pax divina (3) et Pax Ecclesix (4).

Cette institution, née (5) à peu près vers le commencement de l'année 1041, se propagea rapidement dans un grand nombre de pays, grâce aux efforts des conciles (6) et de plusieurs évêques (7) et abbés (8); si bien que, deux ans plus tard, l'empereur Henri III (1043) faisait jurer la trêve aux Etats (9). Ce qui fut ensuite renouvelé par Henri IV (1073).

Une institution si importante pour le maintien de l'ordre et de l'unité dans l'Église ne pouvait échapper à la sollicitude des papes, et ce qui, jusque-là, n'avait été en vigueur que dans des diocèses et des pays particuliers (10) fut, en l'an 1139, dans le deuxième concile de Latran (11), érigé par Innocent II en loi générale de la chrétienté.

Une paix spéciale fut également ordonnée dans ce même concile, ainsi que dans le troisième du même nom (12), présidé par

(1) Du Cange, s. v. Treuga.

(2) Ekkeh., Chron. univ., ann. 1085 (Pertz, loc. cit., tom. VIII, p. 206). (3) Ekkeh, loc. cit., ann. 1119, p. 214.

(4) Robert de Monte, Chron., ann. 1182 (cod. p. 554).

(5) M. A. Dominicy, de Treuga et Pace, Paris. 1649 (Struv., Biblioth. libror. rarior., Jena, 1719, n. 2, p. 33 sqq.). — P. de Marca, loc. cit., IV. 14, n. 3, Notæ ad Can. 1, Conc. Clarom. (Diss. select. ad Concord., edit Bamb., tom. IV, p. 267.) — Hardouin, loc. cit., col. 920.

(6) Hardouin, loc. cit., col. 920.

(7) Ivo Carnot., Ep. 44 (Oper., p. II, p. 20).

(8) S. Odilon. Abb. Elog., c. 100 (Mabillon, Acta Sanct. Bened.. tom. VIII, p. 580). — Vita S. Richardi (ex Chron. Vird. Hugon. Flavin.), c. 40 (eod. p. 491).

(9) Pertz, loc. cit., tom. IV, p. 55. art. 66, § 2.

-

Landr. d. Sachsensp., vol. II.

(10) Ivo Carnot., Ep. 90, p. 44: Treuga Dei non est communi lege sancita, pro communi tamen utilitate hominum ex placito et pacto civitatis ac patriæ, episcoporum et ecclesiarum est auctoritate firmata. Unde judicia violate pacis modificari oportet, secundum pacta et conventiones, quas unaquæque ecclesia consensu parochianorum instituit et per Scripturam vel bonorum hominum testimonium memoriæ commendavit.

(11) Cone. Lateram. II, can. 12 (Hardouin, loc. cit., tom. VI, p. II. col. 1210). Cap. Treugas, cit.

(12) Conc. Lateram. II, c. 11. Idem, III, can. 22 (Cap. Innovamus. 2, X, de Treuga et Pace).

Alexandre III, en faveur des ecclésiastiques et des moines, des étrangers et des négociants, des habitants des campagnes, enfin des animaux servant à l'agriculture (1).

Déjà longtemps auparavant, l'Église, adoptant à cet égard les principes des Romains et des Germains sur l'inviolabilité des lieux voués au culte de la Divinité (2), avait déclaré lieux de paix les édifices consacrés au culte du vrai Dieu, la demeure même de l'évêque et les cimetières (5). Par le maintien énergique de ce droit d'asile, dont l'infraction était frappée d'excommunication, l'Église réussit à sauver la vie à une foule d'hommes qui, le plus souvent, entraient ensuite au service de leur libératrice (4).

Elle opposa ainsi une digue puissante aux rigueurs excessives du droit pénal germanique, ou plutôt à l'exercice du droit barbare des représailles sanglantes. Il est vrai que la plupart des dispositions salutaires des canons relativement à la paix de Dieu, appelée aussi, à raison de cette origine, Pax canonica (5), devinrent bientôt, comme le remarque la glose (6), une lettre morte; mais la cause de cet abandon fut la décadence générale de toute discipline et de tout ordre (7), que traînèrent à leur suite les luttes violentes qui, à dater du quatorzième siècle (§ 122), vinrent rompre l'ancienne harmonie des deux puissances.

Mais ce n'était pas seulement à l'égard des représailles, qu'en général elle ne reconnaissait pas, que l'Église devait avoir à cœur de christianiser le droit germanique; la procédure établie par ce

(1) Datt, de Pace publica, lib. I, c. 16, n. 6.

(2) Dann, Das Asylrecht (Zeitschr. für deutsch. Recht. vol. III, p. 354 sqq.), p. 340 sqq.

(3) Can. Id constituimus, 36, c. 17, q. 4 (Conc. Aurel. I, ann. 511). Can. Diffinivit, 55, eod. (Conc. Tolet. IX, ann. 655). — Cap. Sicut, 6. § Qui autem, 14, eod. (Nicol. II). — Cap. Inter alia, 6, X, de Immun. eccles. (HI, 29; Innoc. III). Walter, loc. cit.. § 345.

(4) Le monastère de Croylande avait toute une légion armée, presque entièrement composée de fugitifs. - Ingulf., Hist. Croyl. (Savile, Rer. Anglic. Script., p. 865.)

(5) Devoti, loc. cit., §3, p. 345.

(6) Glossa ad Cap. Treugas, cit.

I, p. 151.

(7) Giraldi, Expos. jur. pontif. ad Cap. Treugas, cit., p. I, p.

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