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tendances schismatiques que nous avons déjà signalées, formulées en maximes législatives, auxquelles on avait ajouté quelques particularités réelles ou imaginaires de la discipline ecclésiastique de France. On rehaussait encore ce système de l'allégation que l'Église française jouissait du bonheur spécial d'avoir conservé la liberté universelle des temps primitifs, contre l'oppression de Rome et les empiétements du pouvoir papal, par lesquels tant d'autres Églises nationales s'étaient laissé asservir; de sorte qu'aux yeux des Gallicans ces libertés n'étaient point des priviléges; elles ne pouvaient être ainsi appelées que très-improprement, attendu qu'elles constituaient simplement un droit général de la chrétienté, devenu, dans le cours des temps, le droit particulier d'une nation (1). La France était donc, d'après cette théorie, le pays de la liberté ecclésiastique par excellence, l'Église gallicane, la véritable Église catholique, sur le type de laquelle toutes les autres auraient dû se modeler, et tous les Français (2), participant également à ce bonheur, devaient se montrer jaloux de le conserver et déployer dans ce but toute l'ardeur possible (3).

(1) Héricourt, loc. cit., E.

(2) Id., ibid., chap. 17, n. 12, p. 298.

(3) Il serait difficile de trouver une exposition à la fois plus claire et plus franche des maximes de l'Église gallicane, que celle qui nous en est retracée dans le passage suivant. Héricourt, loc. cit., E, chap. 17, p. 295: Entre un grand nombre d'auteurs, qui ont parlé des libertés de l'Église gallicane, il y en a plusieurs qui n'en ont point donné d'idées claires et distinctes. Les canonistes ultramontains prétendent qu'on ne pouvoit les autoriser, qu'en les regardant comme des priviléges et des concessions particulières de papes qui auroient bien voulu mettre des bornes à leur puissance absolue, en faveur de l'Église de France; et comme on ne trouve nulle part un privilége de cette nature, accordé aux François, ils en concluent que ces libertés ne sont que des chimères. D'autres, par un excès dont ils ne considèrent point toutes les conséquences, font consister nos libertés dans une indépendance entière du saint-siége, laissant au pape un vain titre de chef de l'Église, sans aucune jurisdiction. Ceux qui ont appris dans les ouvrages des plus illustres prélats de l'Église de France, des docteurs les plus célèbres et des canonistes les plus habiles, en quoi consistent les libertés dont notre Église a été de tout temps si jalouse, raisonnent bien différemment. Ils savent que nos libertés ne consistent que dans l'observation de plusieurs anciens canons, qui ont été suivis pendant plu

Mais, tout en intéressant la vanité nationale à ce système tissu d'erreurs et de sophismes, on jugea qu'il était d'une graude im

sieurs siècles par toute l'Église, et dans le droit dans lequel elle s'est maintenue, de ne point s'assujettir à plusieurs servitudes dont les papes ont chargé d'autres Églises, depuis que certains docteurs ont cru pouvoir leur attribuer une autorité sans bornes. Le droit naturel sert de titre à tous ceux qui ne cherchent qu'à se conserver dans leurs droits et dans leurs usages, surtout quand ces droits et ces usages sont fondés sur des loix primitives, dont l'abrogation cause souvent bien des troubles par les nouveautés qu'elle introduit. Les libertés de l'Église gallicane ne sont donc que l'ancienne liberté de l'Église universelle, c'est-à-dire l'ancien droit commun, conservé en France sur un plus grand nombre d'articles, et avec plus de soin que chez toutes les autres nations de l'Église latine. De là il suit que ceux qui font consister ces libertés dans une indépendance absolue du pape, ne se trompent pas moins que ceux qui, pour les attaquer plus facile nent, voudroient les faire regarder comme des concessions particulières du saint-siége; car, suivant cet ancien droit commun de toute l'Église, que nous suivons comme notre règle, pour les points sur lesquels nous avons eu le bonheur de conserver ses dispositions, le pape est regardé comme le premier de tous les pasteurs, comme le chef de toutes les Églises, comme ayant autorité et jurisdiction sur chacun des pasteurs et sur chaque Église; mais une autorité et une jurisdiction qui doit être réglée par les saints canons, qui est établie pour édifier, et non pour détruire, qui doit conserver les loix universelles de la discipline ecclésiastique et les coutumes légitimes des Églises particulières, qui ne doit point entreprendre sur les droits des pasteurs inférieurs, et qui doit être soumise aux jugements de l'Église universelle. Cette puissance n'est point monarchique, mais tempérée par l'aristocratie. Quoiqu'il n'y ait point de monarchie dans l'Église, dit le célèbre Patru, il ne s'ensuit pas de là qu'il n'y ait point de primauté; il est certain, au contraire, par les mêmes raisons, qu'il y en a une; mais qui est sainte, qui est apostolique, qui est sans domination, qui s'accorde avec la charité. Toutes les Églises auroient pu conserver la liberté de l'Église universelle; et il n'y en a point qui ne l'aient conservée sur certains points; mais dans les désordres des derniers siècles, la France a gardé beaucoup plus d'usages de l'ancienne discipline que toutes les autres nations, et elle a soutenu avec plus de zèle les maximes qui doivent servir à les maintenir : c'est ce qui a fait donner aux articles de cette liberté primitive, que nous avons en partie conservée, le nom de libertés de l'Église gallicane. J'ai dit, que nous avons conservée en partie, parce qu'il y a parmi nous plusieurs usages qu'il seroit difficile d'accorder avec la pureté de l'ancienne discipline, comme le remarque l'auteur de l'Institution au droit ecclésiastique; mais ces usages sont, ou des priviléges autorisés par l'Église et confirmés par les rois, ou des relâchements qu'un concile œcuménique ou l'Église gallicane pourra réformer du consentement du pape et du roi, qui est le protecteur de nos saintes libertés.

portance de lui gagner aussi le premier monarque de la maison de Bourbon, par une exposition des libertés de l'Église gallicane, accompagnée de celle des principes qui leur servaient de base. C'est ce qu'entreprit, en 1594, le jurisconsulte Pierre Pithou, zélé calviniste de pensée et de sentiment (1), par la dédicace qu'il fit au roi de son traité : Les libertés de l'Eglise gallicane (2). Cet ouvrage, source intarissable où ont puisé tous les écrivains postérieurs hostiles à l'Église (3), présentait en vingt-trois articles un tableau de toutes les libertés gallicanes, qu'il faisait reposer, comme sur des pivots immuables, sur les deux maximes suivantes (4):

1° Pour tout ce qui est de l'ordre temporel, les papes n'ont aucune juridiction, ni générale, ni particulière, dans les pays et possessions soumises à l'autorité du roi très-chrétien;

2° Bien que le pape soit reconnu comme souverain dans les choses spirituelles, son autorité n'est pas néanmoins absolue et illimitée dans l'Eglise de France, mais tempérée et limitée pur les canons et règles des anciens conciles de l'Église reçus dans le royaume.

Or, si l'on se rappelle que les décrets du concile de Trente n'avaient pas été reçus en France, on est autorisé à réduire tout le système de Pithou à cette seule maxime, unique fondement des libertés gallicanes : Il n'y a de droit ecclésiastique en vigueur dans le royaume, que ce qui agrée aux Français, et en particulier aux parlements (5), et les libertés gallicanes consistent principalement dans le droit de s'inscrire en faux contre toute mesure émanée du siége apostolique (6). Mais, comme toute attaque con

(1) De Maistre, loc. cit., p. 326.

(2) (Gillot), Traitez des droits et libertez de l'Église gallicane, Paris,

1609.

(3) (Affre), de l'Appel comme d'abus, p. 95.

(4) Art. 4, 5.

(5) Romani Pontif. auctor., præf., n. 67, p. 45. Charlas, loc. cit., cap. 13, p. 36. Commodius igitur definirentur libertates Ecclesiæ gallicana: Arbitrium ex antiquis Ecclesiæ decretis retinendi et ex novis admittendi ea tantum, quæ videntur utilia.

(6) Rom. Pont. auct., loc. cit. Libertas canonica, quam gallicana Ec

tre le pape retombe constamment sur l'Église elle-mème, le clergé français ne pouvait ne pas voir avec douleur les parlements faire invasion dans les droits de l'Église de la manière la plus arbitraire. L'épiscopat se leva tout entier pour protester contre cette usurpation; mais les pius pressantes représentations et ces poroles courageuses adressées au roi : « Sire, l'Église de France « n'a point trouvé protection dans vos juges, ni avantage dans ses << libertés, mais oppression et surcroît de charge (1); » ces paroles, disons-nous, n'eurent d'autre effet que de révéler l'impuissance du monarque et le mauvais vouloir de ses conseillers.

En 1639, Du Puy compléta l'ouvrage de Pithou (2) par la publication d'un recueil de documents historiques pour servir de pièces à l'appui de l'authenticité et de la légitimité des libertés revendiquées (3). De tout temps, à commencer par saint Irénée, l'Église de France avait mis son honneur et sa gloire à défendre les prérogatives du saint-siége (4), et les papes, de leur côté, l'avaient toujours aussi reconnue comme la fille aînée de Rome. Alexandre III (5) lui rendait solennellement ce glorieux témoignage, et Grégoire IX (6) disait même, en propres termes, qu'a

clesia adoptat, confert solum ad contestationes edendas contra Papæ auctoritatem. Litta, p. 55.

(1) Cahier du clergé présenté au roy, ann. 1614, chap. 24.

(2) Le même qui, dans son Histoire du différend (§ 130, n. 5), a exploité au profit de son gallicanisme le démêlé de Boniface VIII et de Philippe le Bel. Une chose remarquable, c'est que la plupart des ouvrages publiés pour la défense de l'Église gallicane affectionnaient singulièrement l'anonyme. (5) Preuves des libertez de l'Église gallicane.

(4) Rom. Pontif. auct., præf., n. 57, p. 23.

(5) Alexand. III, epist. 30, ad Ludov. III reg. (Hardouin, Concil., tom. VI, p. II, col. 1491.) Gallicana Ecclesia inter omnes alias orbis Ecclesias, quæcunque aliæ, provenientibus scandalis in tribulatione nutassent, nunquam a catholicæ matris Ecclesiæ unitate recessit, nunquam ab ejus subjectione et reverentia se subtraxit, sed tanquam devotissima filia firma semper et stabilis in ejus devotione permansit.

(6) Gregor. ix, Ep. ad Archiep. Rem. Gallicana Ecclesia post Apostolicam sedem est quoddam totius Christianitatis speculum et immotum fidei fundamentum, utpote quæ in fervore fidei christianæ ac devotione Apostolicae Sedis non sequatur alias, sed antecedat. Lenglet du Fresnoy, Préf. de son édition du commentaire de M. Du Puy (note 25), 1715, p. 25 (Soardi, de Suprema Rom. Pontif. auctor., p. II, p. 199).

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près le siége apostolique, cette Église était le miroir de la chrétienté et le fondement inébranlable de la foi. Et maintenant, on peut le dire dans toute l'énergie du mot, on lui imposait ces prétendues libertés qui la livraient entièrement à la merci du pouvoir séculier. L'épiscopat de France répudia ces prérogatives illusoires, il les déclara un esclavage (1), et répondit à ces écrits par une condamnation (2). A cette condamnation le parlement de Paris répliqua par une sentence de même nature, et bientôt après parut une seconde édition des Preuves de Du Puy avec une patente royale des plus flatteuses pour l'auteur et l'éditeur (3). L'année suivante. le traité de Pithou fut de nouveau publié avec un commentaire de Du Puy (4). Ou vit dans le même temps le célèbre Pierre de Marca, reçu dans le conseil royal sur la recommandation de Du Puy (5), se laisser entraîner à la suite de celui

(1) Dans la lettre citée ci-après, les évêques disaient : Inter falsas et hæreticas, quas delestamur Ecclesiæ gallicane adscriptas servitutes potius quam libertates, vera quædam religiosissimi Regis nostri jura et gallicana Ecclesiæ privilegia (auctor) exposuit. - Fénelon s'associait à ces sentiments (Lettre au duc de Chevreuse, de Cambrai, 3 mai 1710): Les libertés de l'Église gallicane sont de véritables servitudes. Il est vrai que Rome a de trop grandes prétentions; mais je crains encore plus la puissance laïque et un schisme. Soardi, loc. cit.,

§ 114, note 1.

p. II, p. 137. Walter, Kirchenrecht,

(2) Epistola cardinalium, archiepiscoporum, episcoporum Parisiis degentium de damnandis voluminibus, inscriptis: Traitez des libertez de l'Église gallicane avec les preuves. Paris, 1637 (Procès-verbaux du clergé de France, tom. III, pièces justificatives).

(5) Le Roi y dit: Gette édition (Paris, 1651, 2 tom. in-fol.) renferme une foule de nouveaux documents servant à l'éclaircissement des droits de notre couronne, et à la preuve entière desdites libertez, en sorte que ces beaux droits si augustes et si illustres se trouvent tellement justifiés, que ceux qui les avoient estimés vains et sans fondement, pour n'avoir pénétré jusque dans leurs sources, sont obligés par la force de la vérité de les reconnoître aussi anciens que notre monarchie, et qu'ils ont été pratiqués de temps en temps jusqu'à présent.

-

(4) Commentaire sur le Traité des libertez de l'Église gallicane de maistre Pierre Pithou. Paris, 1652, in-4°. Doviat, Specimen juris ecclesiastici apud Gallos recepti. Paris, 1684. Traitez des droits et libertez de l'Église gallicane, 2 vol. in-fol., Paris, 1731. — Durand de Maillane, les Libertés de l'Église gallicane prouvées et commentées, Lyon, 1771, 5 vol. in-4°.

(5) Baluze, Vita P. de Marca, § 6, p. 28.

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