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qui se prêtaient aux interprétations les plus diverses. L'assemblée n'en poursuivait pas moins le cours de ses délibérations, voguant à pleines voiles sous le pavillon des libertés gallicanes vers les abîmes du schisme. Bossuet, qui en était l'âme, s'épuisait en efforts pour la retenir, lorsque tout à coup la main puissante du roi intervint et mit fin à la crise en dissolvant la commission (1). Mais en même temps Louis exigea par un édit la reconnaissance absolue des quatre articles de la déclaration dans tout le royaume (2); tous les évêques durent les jurer et le parlement les inscrire d'autorité dans les actes de la Sorbonne.

Nous avons plusieurs fois déjà, dans le cours de ce livre, suffisamment réfuté ces quatre articles: nous nous bornerons ici a les reproduire textuellement :

ARTICLE PREMIER.

« Dieu n'a donné à saint Pierre et à ses successeurs, vicaires « de Jésus-Christ, et à l'Église elle-même, de puissance que sur les choses spirituelles et qui concernent le salut, mais non sur les choses temporelles et civiles (3). »

Cette proposition est conçue en termes si généraux, que l'on peut indifféremment l'adopter ou la combattre.

En conséquence, les rois et les princes ne sont soumis à aucune puissance ecclésiastique, par l'ordre de Dieu, dans les ✓ choses temporelles ; ils ne peuvent être déposés ni directement «ni indirectement par l'autorité des chefs de l'Église, ni leurs sujets dispensés de la soumission et de l'obéissance qu'ils leur « doivent, ni absous du serment de fidélité. »

Cette conclusion érige en griefs contre l'Église des faits incontestables, en prétendant en faire découler l'accusation d'avoir entraîné les sujets d'un grand nombre de princes dans la violation flagrante de leurs droits (4). Or, à cet égard, la vérité se réduit

(1) De Maistre, ibid., p. 261.

(2) Edit du roi sur la déclaration faite par le clergé de France, enregistré le 23 mars. Paris, 182, 4.

(3) SS 105, 109, 110.

(4) SS 116, 126, 128.

à ce point, savoir: que, plus un pouvoir s'éloigne de la base de l'État chrétien, plus aussi il s'affranchit du contrôle de la puissance spirituelle, et qu'il peut arriver, en suivant cette voie erronée, à se mettre tout à fait hors de l'atteinte de la déposition.

DEUXIÈME ARTICLE.

« La plénitude de puissance que le saint-siége apostolique et «<les successeurs de saint Pierre, vicaires de Jésus-Christ, ont sur « les choses spirituelles, est telle, que néanmoins les décrets du

saint concile œcuménique de Constance, contenus dans les ses«sions 4 et 5, approuvés par le saint-siége apostolique, confirmés < par la pratique de toute l'Église et des pontifes romains, et ob« servés religieusement dans tous les temps par l'Église gallicane, «< demeurent dans leur force et vertu; l'Église de France n'ap<< prouvant pas l'opinion de ceux qui donnent atteinte à ces dé«crets ou qui les affaiblissent, en disant que leur autorité n'est « pas bien établie, qu'ils ne sont point approuvés, ou qu'ils ne << regardent que le temps de schisme (1), »

TROISIÈME ARTICLE.

« Qu'ainsi l'usage de la puissance apostolique doit être suivant « les canons faits par l'esprit de Dieu, et consacrés par le respect « général; les règles, les mœurs et les constitutions reçues dans <«<le royaume et dans l'Église gallicane doivent avoir leur force « et vertu, et les usages de nos pères demeurer inébranlables; il << est même de la grandeur du saint-siége apostolique que les lois <<< et coutumes établies du consentement de ce siége respectable « et des églises subsistent invariablement. »

QUATRIÈME ARTICLE.

« Quoique le pape ait la principale part dans les questions de « foi, et que ses décrets regardent toutes les Églises et chaque « Église en particulier, son jugement n'est pas irréformable, à « moins que le consentement de l'Église n'intervienne. >>

(1) §§ 31, 134.

»

Outre que ces définitions étaient, sur plusieurs points, en contradiction avec la pratique de l'Église, l'Église elle-même n'avait jamais encore formulé, sur la dernière question, de proposition dogmatique. L'assemblée prenait donc audacieusement une initiative tout à fait en dehors de sa compétence. Aussi un cri de désapprobation s'éleva-t-il de toutes parts, notamment du sein de l'épiscopat hongrois et de plusieurs facultés, contre cette tentative téméraire. Au milieu de cette immense protestation, il était impossible que le pape gardât le silence. Si Innocent XI jugea préférable de ne pas condamner formellement la déclaration, il ne laissa pas néanmoins que de manifester suffisamment sa pensée, en se prononçant contre cet acte dans un bref publié immédiatement après son apparition (1), en n'accordant la confirmation épiscopale à aucun de ceux qui l'avaient juré et en ne cessant de supplier le roi de révoquer son édit. Alexandre VIII alla plus loin: à son lit de mort, il ordonna la publication de la bulle Inter multiplices, dressée par lui quelques mois auparavant, et dans laquelle il réprouvait et annulait la déclaration de l'épiscopat français (2). Innocent XII parvint enfin, en 1693, à obtenir du roi, catholique de cœur, la révocation de l'édit du 2 mars 1682 (3), en même temps que les évêques imploraient leur pardon auprès du pape dans les termes les plus humbles (4).

(1) Litt. Innoc. XI, in form. brev. (Sfondrati, Gallia vindic., diss. 1, § 8, doc. 59, p. 448). — Roskovany, Monum. catholica, tom. I, p. 224.

(2) Alexand. VIII, P., Const., ann. 1690, dans Roskovany, loc. cit., p. 211.

(3) Dans sa lettre à Innocent XII, Louis XIV disait : Et parce que je tâche de lui témoigner mon respect filial par les preuves les plus fortes dont je suis capable, je suis bien aise de faire sçavoir à V. S. que j'ai donné les ordres nécessaires, afin que les affaires contenues dans mon édit du 2 de mars 1682, concernant la déclaration faite par le clergé du royaume (à quoi les conjonctures d'alors m'avoient obligé) n'ayent point de suite. Et comme je souhaite non-seulement que V. S. soit informée de mes sentiments, mais aussi que tout le monde sçache par un témoignage public la vénération que j'ai pour ses grandes et saintes qualités, etc. (Roskovany, loc. cit., p. 215. Soardi, loc. cit., p. II, p. 134.)

(4) Ils disaient: Ad pedes Beatitudinis vestræ provoluti profitemur et declaramus, nos vehementer quidem et supra id quod dici potest ex corde dolere de rebus gestis in comitiis prædictis, quæ Sanctitati vestræ ejusque

Mais si après cela il avait été possible de conserver encore quelques doutes sur le jugement de l'Église à l'égard de la célèbre déclaration, toute incertitude aurait dù tomber devant la condamnation prononcée par Pie VI, dans la bulle Auctorem fidei, contre le synode diocésain tenu par Scipion Ricci, évêque de Pistoie, lequel avait adopté cette déclaration comme l'expression de ses sentiments (1).

Vingt-six ans après la mort de Bossuet (1704), parut la première, et quinze ans plus tard, la seconde édition de la Defensio declarationis cleri gallicani (2), sous les auspices de l'indigne neveu du grand prélat. Cet ouvrage, Bossuet l'avait entrepris à l'instigation de Louis XIV, puis abandonné, puis encore remis sur le métier. Il est certain que le roi et lui avaient complétement renoncé à leur projet primitif de le livrer à la publicité. La composition de ce livre avait dû mettre son auteur dans une cruelle perplexité; la déclaration de 1682 était son œuvre, et, en lui donnant force de loi par son édit, Louis XIV s'était acquis le droit d'en exiger la démonstration scientifique. Bossuet écrivit la défense de cette déclaration; mais cet acte de faiblesse inquiéta ses dernières années. Toutefois, pour quiconque sait par expérience combien il y loin des premiers essais, même très-multipliés, d'un ouvrage, à la forme définitive sous laquelle il paraît au jour, il est évident qu'on ne peut, sans injustice, imputer à l'évêque de Meaux la responsabilité de la Defensio declarationis, ses éditeurs posthumes n'offrant surtout aucune garantie de fidélité (3).

Quoi qu'il en soit, ce livre eut pour funeste conséquence que,

prædecessoribus summopere displicuerunt: ac proinde quidquid in iisdem comitiis circa ecclesiasticam potestatem et pontificiam auctoritatem decretum censere potuit, pro non decreto habemus et habendum esse declaramus (Roskovany, loc. cit., p. 225).

(1) Pii VI, P., Const. 985, ann. 1794, 28 aug. (Bull. Roman. Contin., tom. IX, p. 395.)

(2) La première eut lieu à Luxembourg, en 1730; la seconde à Amsterdam, en 1745.

(3) Soardi, loc. cit., p. II, p. 171 sqq.-Quis est Petrus? p. 122 sqq. De Maistre, ibid., p. 224 sqq.. Walter, Kirchenrecht, § 114, note o.

empruntant son autorité à celle de Bossuet, il devint le criterium du gallicanisme, qui prit une telle extension pendant la lutte du jansénisme contre les jésuites, qu'il fallut déployer les plus grands efforts pour faire recevoir en France la bulle Unigenitus (1), par laquelle Clément XI condamnait les erreurs de Quesnel (1713). Cinquante-trois ans plus tard (1766), Louis XV promulguait de nouveau l'édit du 2 mars. Le gallicanisme recrutait de jour en jour de plus nombreux adeptes dans les rangs du clergé comme parmi les laïques, et il survécut à la Révolution. Néanmoins l'exemple des évêques qui se prononcèrent encore, en 1826, pour les libertés gallicanes (2), n'a pas trouvé depuis de nombreux imitateurs, et l'épiscopat français, depuis la révolution de Juillet, a répudié entièrement ces prétendues libertés, qui ne comptent plus guère de partisans que dans la bureaucratie (3).

Mais les effets du gallicanisme ne se sont point renfermés dans les limites de la France; ils ont fait invasion dans tous les pays catholiques, surtout dans les monarchies soumises au sceptre des Bourbons. En Allemagne, cette tendance fut, en grande partie, l'œuvre d'un coadjuteur, qui lui donna son nom et contribua plus que personne à son succès.

§ CXXXVI.

15. Fébronianisme, joséphisme et chute de l'empire.

Il aurait été impossible au gallicanisme, pour se répandre hors de France, de trouver un propagateur plus actif que Zéger Bernard Van Espen, canoniste hollandais. Cet écrivain, tant dans son principal ouvrage sur le droit ecclésiastique que dans un

(1) Bullar. Roman., tom. X, p. I, p. 340.

(2) Vuillefroy, Traité de l'administration du culte catholique (Paris, 1826), s. v. Déclaration, p. 254. — Richter, Kirchenrecht, § 33, note 6. (3) L'ouvrage de Vuillefroy, cité dans la note précédente, témoigne presque à chaque page de cet esprit de la bureaucratie. Walter, Bonner Kirchenlexikon, vol. II, p. 869.

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