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grand nombre de traités particuliers, a présenté les principes des libertés gallicanes comme la base normale des rapports, soit de l'épiscopat, soit du pouvoir séculier avec le pape (1). Les écrits de Van Espen, où brille une grande richesse d'érudition historique, puisée, il est vrai, le plus souvent dans Thomassin (§ 7), pourront toujours être consultés avec fruit, tant à cause de l'extrême clarté de style qui le distingue, que de l'abondance des matériaux qu'ils renferment; mais les idées qui leur servent de base, et les tendances qui s'y révèlent à chaque page (2), ne justifient que trop la condamnation qu'ils se sont attirée de la part du saint-siége (3).

L'influence du savant canoniste sur la diffusion des pernicieuses doctrines dont nous venons de tracer l'historique a été très-considérable, surtout dans ce qui concerne la position du pouvoir temporel vis-à-vis de la puissance spirituelle, et l'on peut, sans hésiter, considérer en grande partie comme son œuvre la guerre engagée avec le pape par le disciple de Van Espen, Nicolas de Houtheim, coadjuteur de Trèves.

Dans l'année 1763, Houtheim (4) publia, sous le pseudonyme de Justinius Febronius, un livre intitulé: De Statu Ecclesiæ et legitima potestate Romani Pontificis liber singularis ad reuniandos dissidentes in religione christianos compositus (5). Ce livre a valu à son auteur une malheureuse célébrité! Son intention, comme le titre le dit, était la réconciliation des protestants avec l'Église; mais ce résultat, Febronius prétendait le réaliser

(1) § 7. — Éditions diverses des œuvres complètes de Van Espen: Lovan. 1753. Venet. 1769. Colon. Agripp. 1777. (2) Supra, § 7.- Zaccaria, Antifebron. vind., vol. II, p. 448 sqq.Nardi, Dei parochi, vol. II, p. 360 sqq.

(3) Backhus, Acta Van-Espeniana, Mechl. 1827.

(4) Zaccaria, loc. cit., tom. I, p. 3.

(5) Ce livre parut d'abord à Francfort et eut ensuite plusieurs éditions, tant dans cette ville qu'à Venise. Des additions successives, provoquées par de nombreuses attaques, et publiées sous les pseudonymes de Justinianus novus, Johannes Clericus, Aulus Jordanus, Johannes a Calore, Theodorus a Palude, lui firent atteindre, en 1774, les proportions d'un ouvrage en quatre volumes, dont le dernier se composait de deux parties.

par l'admission des dogmes de la confession dissidente; et, en effet, plusieurs de ses maximes fondamentales étaient empruntées à Puffendorf, ce qui lui attira les louanges d'un grand nombre d'hérétiques, mais nullement de toute la secte (1). Comme il allait beaucoup plus loin que les gallicans et les jansénistes, la condamnation de ses erreurs ne pouvait se faire attendre; elle fut prononcée le 27 février de l'année 1754, par le pape Clément XIII (2). Aussitôt après, la plupart des évêques d'Allemagne interdirent également l'entrée de leur diocèse à l'écrit d'Houtheim (5).

Le fébronianisme, ainsi désigné par le nom de son auteur, et, nonobstant la préface la plus flatteuse, système des plus outrageants pour la dignité du saint-siége, peut, malgré ses nombreuses contradictions (4), être ramené aux principes suivants (5):

D'abord, voici quel est le point de départ de Fébronius : JésusChrist a conféré le pouvoir des clefs à tout le corps des fidèles, en ce sens que le corps des fidèles possède ce pouvoir, à parler le langage de l'auteur, radicaliter et principaliter, et les prélats, usualiter et usufructualiter. Ce principe posé, il affirme que chaque évêque tient immédiatement de Dieu son autorité, et a reçu, comme successeur des apôtres, le droit illimité de dispense, de jugement en matière d'hérésie et de consécration épiscopale. Il admet bien que Pierre a été distingué par JésusChrist entre tous les apôtres, et qu'il en a reçu la primauté; mais il ne voit dans cette primauté qu'une simple prééminence, sem

(1) La méthode proposée par Féhronius était complétement impraticable, reposant sur des suppositions entièrement fausses. C'est ce que reconnurent même des écrivains protestants qui, par cette raison, s'élevèrent contre lui, entre autres C. F. Bahrdt, Diss. adv. Justin. Febron. Tract. Lips. 1765.

(2) La condamnation elle-même n'est point dans le Bullar. Roman. contin., tom. II; mais on y trouve la lettre du pape à l'évêque de Wurtzbourg (p. 450) et celle à l'archevêque de Mayence (p. 451), où on lit: Nos hunc librum nuper proscripsimus.

(3) Zaccaria, loc. cit., tom. I, p. 34 sqq.

(4) Tom. II, 87, p. 180.

(5) K. A. Menzel, Neuere Geschichte der Deutschen, Bd. XI, S. 457.

blable à celle du métropolitain sur les suffragants. Le pape a, sans doute, la charge spirituelle de toutes les Églises; il exerce à leur égard un droit d'inspection et de direction, mais il ne peut réclamer aucune juridiction! Comme chef de la chrétienté, il est supérieur à chaque évêque en particulier; il a sur lui la majoritas, mais il ne l'a point sur le corps épiscopal dans son ensemble, seul véritable souverain de l'Église. Par conséquent, alors même que le pape n'assiste point au concile, celui-ci ne peut être pour cela considéré comme un corps acéphale; car sa primauté est dans l'Église, et non au-dessus d'elle. Par la même raison, le pape ne peut rien non plus contre les canons, car il ne les do mine pas; il est seulement chargé de les mettre à exécution. Il est donc permis d'en appeler, en tout temps, du pape au concile, le pontife romain n'étant point un tribunal de dernière instance, ni un monarque absolu, ni un docteur infaillible. Ainsi, il ne peut, sans le consentement de l'Église, faire des lois irrévocables et obligatoires pour tous les fidèles, ni en imposer l'exécution en la sanctionnant d'une menace d'excommunication. Grâce, il est vrai, aux complaisantes concessions des évêques, et plus encore aux extorsions des papes, le saint-siége s'est enrichi dans le cours des siècles d'une foule de prérogatives; mais c'est précisément pourquoi il est nécessaire de ramener l'Église à son état normal, tel qu'il avait été constitué par les quatre premiers conciles œcuméniques. Or, pour arriver à ce résultat, le moyen le plus puissant était que les évêques refusassent toute promulgation aux bulles du pape, toutes les fois qu'elles paraîtraient élever un obstacle à la liberté de l'Église (1).

Jusqu'ici on pourrait croire que le système de Fébronius se place uniquement sur le terrain du pouvoir spirituel, et demeure entièrement en dehors de ce qui touche aux rapports de l'Église et de l'État. Mais l'auteur sentait trop bien que, pour conquérir cette liberté ecclésiastique à laquelle il aspirait, les évêques avaient besoin d'un auxiliaire. Aussi tourne-t-il ses regards vers la puis

(1) Nous n'avons pas à relever ici tout ce que ce système renferme de faux. Il nous suffit de renvoyer aux chap. 1, 2, 3, 4, 6, 8 et 9 de ce livre.

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sance temporelle, et, l'invitant à le seconder dans la réalisation de son système, il recommande aux princes, entre autres moyens, d'avoir surtout recours à la convocation des conciles généraux, au placet, à l'appel comme d'abus, et finalement au refus d'obéissance.

Du reste, Fébronius pouvait absolument se dispenser d'assigner expressément ce rôle à la puissance séculière; il découlait forcément de ses principes. Tel est, en effet, le caractère essentiel de la vérité catholique, qu'un seul doute élevé sur un point dogmatique met aussitôt toute la doctrine en question (§ 102). Mais ce qui importe surtout pour le maintien de l'économie intérieure et extérieure de l'Église, c'est que le fondement et le véritable centre de gravité sur lequel repose tout l'édifice ne soit point renversé ou déplacé. En mutilant les droits et les prérogatives du pape, en ne lui accordant plus, comme Fébronius, qu'une prééminence d'honneur, en contradiction flagrante avec les paroles formelles du Christ, en résulte-t-il au moins pour les évêques une garantie réelle de liberté dans l'exercice de la puissance ecclésiastique? Point du tout; c'est chose impossible! Ils ne peuvent exister comme corps spirituel, comme Église, qu'à la condition de se grouper autour d'un centre unificateur; s'ils abandonnent celui que Dieu lui-même leur a donné, il faut nécessairement qu'ils en cherchent un autre. Ce nouveau centre, ce nouveau fondement, ils prétendent le trouver alors dans le pouvoir temporel, dans les bras duquel ils se jettent, dans l'espoir qu'il pourra relier dans ses mains puissantes l'édifice de l'unité chrétienne qui s'écroule de toutes parts. De son côté, le pouvoir temporel, séduit par la perspective d'un accroissement de puissance, en acceptant cette mission, prend réellement le rôle du pape; mais il le remplit comme un intrus, sans vocation et sans titre, à sa manière et avec les moyens affectés à sa fin spéciale. De sorte qu'au lieu d'avoir reconquis une indépendance chimérique, l'Église se trouve en définitive l'esclave de l'autorité séculière. C'est cette cruelle déception que Clément XIII peignait si vivement aux yeux de l'archevêque de Mayence, quand il lui écrivait : « Vous n'ignorez ◄ pas dans quel abîme de misère sont tombées les églises dont

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« les évêques s'étaient flattés de rehausser l'importance en même << temps que la dignité de leur siége, par l'abaissement de l'au«torité papale, et comment les novateurs ont fini par jeter « l'épiscopat dans les chaînes de la servitude. >>

Or, comme l'épiscopat, qui s'est mis dans cette situation, se trouve forcé, à raison des distinctions de peuples et d'États, de recourir à des princes différents, pour se procurer le lien d'unité nécessaire, il s'ensuit fatalement que l'Église, une et universelle, se fractionne en églises locales et particulières; et cet état de choses dure jusqu'au jour où la justice de Dieu éclate comme la foudre, brise les siéges épiscopaux et renverse les trônes sur les ruines des dynasties. Combien de leçons de ce genre l'histoire a déjà données, et pourquoi faut-il qu'elles soient toujours perdues!

Fébronius se soumit, en 1778, à une rétractation de ses erreurs (1), qui ne paraît pas avoir été parfaitement sincère (2). Son système provoqua une série de réfutations, parmi lesquelles celles de Zacharie et de Bellini méritent une mention spéciale (3). Mais

(1) Wyttenbach et Müller, Gesta Trevir., vol. III, Animadversiones et additamenta, p. 54 sqq. « Katholiken. » Jahrg. 1842, Bd. 1, S. 87.

(2) Justini Febronii, Jurisconsulti, Commentarius in suam retractationem Pio VI P. M. Kalend. novembr. 1778, submissam. Francof. 1781.- Gerdil, Opera, tom. XIII, p. 177 sqq.

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(3) Sappel, sous le nom de Justinianus Frobenius, Epistola ad Cl. V. Justinum Febronium, Jctum, de legitima potestate Summi Pontificis. J. Kleiner, ad Justini Febronii librum observationes quædam summariæ. Epistola Ladislai Simmoschovini Tusci-Romæ et a Sorbona Lutetiæ Parisiorum probata. Siena, 1765.- Greg. Trautwein, Vindicia adversus Just. Febronii Jcti de abusu et usurpatione summæ potestatis pontificiæ librun singularem liber singularis. Aug. Vind. 1755. Universitatis Coloniensis de proscriptis a S. S. D. N. Clemente div. prov. Papa XIII. Actis pseudosynodi ultrajectinæ et libris Just. Febronii Jcti― Judicium academicum. Colon. 1765.-R. M. Corsi, de Legitima potestate et spirituali monarchia Romani Pontificis; 12 theses, Florent. 1765.. - F. X. Zech, de Judic. cccles., tit. XIII (de schismate), Ingolst. 1766. — Giul. Ant. Sangalli, Dello stato della Chiesa e legitima potestà del Romano Pontefice, 1766. - Zaccaria, Antifebronio. Pisaur., 4 vol. in-8°, 1767. — Sappel, Liber singularis ad formandum genuinum conceptum de statu Ecclesiæ et Summi Pontificis potestate, Aug. Vind. 1767.- Kauffmans, Pro statu Ecclesiæ catholicæ et legitima potestate Romani Pontificis. Colon. Agr. 1767. — Constantino,

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