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Du congrès d'Ems au renversement de ces siéges augustes, occupés pendant plus de dix siècles par les premiers pasteurs du peuple allemand, il s'écoula seulement dix-sept années, et seulement vingt jusqu'à la destruction de l'empire, qui, depuis Othon le Grand, avait fait la gloire des États germaniques. L'ouragan qui déracina ce chêne, autrefois si robuste, mais ébranlé et affaibli par de continuels orages, était parti de France, où le gallicanisme, le jansénisme et le despotisme, associés à la corruption la plus effrénée, avaient sapé si longtemps et si profondément, les antiques bases du trône et de l'autel, qu'au premier souffle du philosophisme sanguinaire qui attaqua, d'abord avec le ridicule, puis avec la hache, tout ordre religieux et politique, l'ancien édifice social s'écroula tout entier.

Tandis que la République française, altérée de conquêtes, enlevait à l'Allemagne une importante fraction de son territoire; en compensation, les États héréditaires s'agrandissaient de leur côté par l'adjonction des États non héréditaires, phénomène historique justement appelé du nom de Conquête dans la paix.

Jusqu'au grand chancelier de l'électorat qui transféra son siége à Ratisbonne, tous les grands feudataires ecclésiastiques de l'empire se virent dépouillés, en 1803, de leurs sujets et de leurs apanages; partout les possessions de l'Église furent sécularisées (1). Cette sécularisation, rien ne saurait la justifier de la part des hommes, ni le dessein de justice divine qu'il est impossible d'y méconnaître, ni l'avantage spirituel qui en est résulté pour l'Église (2). Pour qu'il ne manquât rien à l'opprobre de l'Allemagne, le plan du partage fut tracé par la main de la France et de la Russie (3), et mis ensuite à exécution par les princes d'Allemagne, si bien disposés à se plier docilement aux exigences de

(1) Plusieurs États qui n'avaient pas essuyé la moindre perte furent indemnisés. Voy. Lancizolle, Uebersicht der deutschen Reichs-, Bundes- und Territorialverhæltnisse von 1792 bis jetzt (1830). — Menzel, loc. cit., Bd. XII, Abth. 2, S. 331.

(2) Card. Pacca, Discorso nella solenne apertura dell' anno XLIII dell' Academia di religione cattolica (Orvieto, 1845), p. 5.

(3) Der franzosisch-russische Entschädigungsplan. Regensb. 1802.

la politique étrangère, qu'ils avaient presque consommé l'œuvre de démolition, avant même que la députation impériale constituée dans ce but, en 1803, eût rendu sa décision.

Seize États de l'empire se détachèrent ensuite du trône germanique et formèrent la confédération du Rhin, sous le protectorat de l'empereur français (1 août 1806). Six jours après, François II déposait sa couronne impériale, et avec elle sa dignité de roi d'Allemagne. Dès ce moment, le lien qui unissait le chef temporel au chef spirituel était radicalement brisé; et pendant que s'accomplissait cette funeste révolution, dépouillé de ses États, chargé de fers et traîné en captivité, le pape pouvait à peine élever la voix pour protester contre tant d'attentats. Et pourtant ce pape prisonnier eut à peine lancé l'anathème contre l'homme qui était devenu le plus redoutable ennemi de l'Église, que Dieu entendit sa voix et exécuta l'arrêt de réprobation prononcé par le pontife.

Avant de porter nos regards sur le temps où s'est opéré le rétablissement de la constitution de l'Église spécialement en Allemagne, et sur l'époque actuelle, il est nécessaire d'étudier la situation de l'Église vis-à-vis de l'État entièrement séparé de l'Église. Sans doute l'historique des trois derniers siècles que nous venons de parcourir révèle déjà une bien grande mésintelligence entre les deux pouvoirs; mais, jusqu'à la phase de la révolution consommée, il n'y avait pas eu de schisme officiellement prononcé; une doctrine déclarée formellement hérétique par l'Église n'avait pas été adoptée pour base des rapports de l'Église et de l'État, et l'on avait encore conservé dans l'empire, sinon pour le fond, au moins dans la forme, un dernier reste de l'État chrétien du moyen âge; c'est pourquoi nous avons dû suivre les évolutions successives de cet État jusqu'à la chute du trône impérial. Maintenant, nous avons à traiter de la position que l'Etat schismatique et hérétique a prise dans l'histoire vis-à-vis de l'Église, et à montrer ensuite comment le développement historique de l'État paritétiste et indifférent a produit la situation actuelle.

VII

Position de l'Eglise vis-à-vis de l'état schismatique
et hérétique.

§ CXXXVII.

Influence du schisme et de l'hérésie, dans l'Église d'Orient, sur les rapports de la puissance spirituelle avec le pouvoir temporel.

Le schisme et l'hérésie, le mépris de l'autorité de l'Église et l'abandon de la foi qu'elle enseigne marchent presque toujours de front. Ces deux crimes découlent l'un de l'autre (§ 102); tous les deux ont d'ailleurs un autre résultat commun: c'est que, pour les raisons exposées plus haut (§ 135), là où ils dominent, on verra toujours, dans un temps plus ou moins court, l'exercice de la puissance spirituelle passer au pouvoir temporel. Mais ce ne sont point là les seules conséquences du schisme et de l'hérésie; pour un État schismatique ou hérétique, l'attachement au véritable chef de l'Église et à sa foi est un crime qui, par cela seul qu'il constitue un acte en opposition avec la volonté de l'autorité séculière, prend en même temps le caractère de crime politique. Aussi, le pouvoir temporel se croit-il, dans ce cas, appelé à frapperle catholicisme de peines et de persécutions; et il ne peut en être autrement, le schisme et l'hérésie étant condamnés par leur nature à poursuivre l'anéantissement de l'Église; car tant qu'elle subsiste, elle est pour eux un reproche permanent d'apostasie.

De même que le schisme prétend toujours faire partie de l'unité catholique, bien qu'il ait rejeté l'autorité du chef commun de la catholicité; ainsi l'hérésie, après avoir répudié la croyance commune, proteste encore de sa fidélité à la foi universelle. Mais, par cela même que schismatiques et hérétiques disent: Je crois à l'Église, une, sainte, catholique, ils prononcent leur propre condamnation; car ils ne croient point à une Église fondée sur le droit divin, mais à plusieurs Églises particulières (1). Une fois (1) De Maistre, du Pape, vol. I, P. 256, p. 237.

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hors de cette Église, ils ne vivent qu'en la niant et ne peuvent échapper à leur destinée finale, qui est de se détruire eux-mêmes en la combattant. Or, à raison de ce combat, la position de l'Église vis-à-vis de l'État hérétique et schismatique, quand celuici est conséquent avec ses principes et refuse de reconnaître à l'Église toute espèce de droits, est à peu près la même qu'à l'égard de l'État païen (1); ici comme là, l'Église ne peut agir que par son enseignement, par l'exemple des fidèles, par la prière; et s'il existe une différence, elle est en faveur du dernier, car il est bien plus douloureux pour l'Église d'avoir à souffrir les outrages de ses propres enfants que les persécutions des infidèles.

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En jetant un regard sur l'histoire, et d'abord, sur celle de l'Église d'Orient, nous rencontrons toute une série d'exemples qui établissent de la manière la plus positive que telle a été, dès les temps les plus reculés, la position de l'Église vis-à-vis de l'État. En effet, « à peine commençait-elle à respirer à la faveur de la << paix que lui donna Constantin, qu'Arius, ce prêtre apostat, lui « suscita de nouveaux troubles, plus grands qu'aucun de ceux « qu'elle avait déjà soufferts. Constance, fils de Constantin, sé" duit par les ariens, dont il autorise les doctrines, tourmente <«<les catholiques dans tout son empire. Après lui vient un Valens, « aussi dévoué que Constance à la cause de l'arianisme, mais « beaucoup plus violent. D'autres empereurs protégent d'autres « hérésies, et l'Église apprend, par de nombreuses et cruelles « expériences, qu'elle n'a pas à espérer, sous le règne des em« pereurs chrétiens, un meilleur sort que sous celui des empe« reurs infidèles, et qu'elle doit sceller avec son sang, non-seu«<lement tout le corps de sa doctrine, mais encore chaque article ( particulier (2). »

(1) Il est certain que l'Église conserve sur les hérétiques et les schismatiques tous les droits qu'elle a acquis sur eux par le baptême, et par conséquent on ne saurait en droit mettre l'État hérétique sur le même pied que l'État païen vis-à-vis de l'Église. Ce que dit l'auteur ne peut s'entendre que des droits émanés d'une origine purement humaine, ou de l'exercice du droit divin rendu impossible dans un État où l'hérésie a prévalu. (Note du Traducteur.)

(2) Bossuet, Hist. univ., p. II, c. 20.

C'est en ces termes que Bossuet décrit avec une grande vérité l'état où l'Église se trouve, lorsque la puissance temporelle fait divorce avec le pouvoir spirituel et se déclare son ennemie. On ne peut, sans éprouver un vif sentiment de douleur, considérer avec quel acharnement l'esprit de secte, s'emparant de l'Église grecque, déchira par ses mains le cœur de la catholicité (1), et c'est un bien affligeant spectacle que de voir l'empire d'Orient entrer, dès son origine, dans une voie hostile au chef de l'Église et y pénétrer opiniâtrément jusqu'à ce qu'enfin il expiat son long crime par la ruine du trône byzantin, abattu, non point par les armées qui marchèrent contre Constantinople sous l'étendard de la croix, mais par les hordes infidèles qui suivaient le signe du croissant et que Dieu avait envoyées pour exécuter le terrible arrêt de sa justice.

La cause principale de cette constante hostilité, qui ne dura pas moins de onze siècles, sauf de nombreuses interruptions, ce fut la position respective du patriarche et de l'empereur. Il ne suffisait pas à l'ambition dont la plupart des patriarches étaient dévorés, de voir toutes les églises d'Orient obligées de se ranger sous leur sceptre pastoral (§ 70); les efforts qu'ils ne cessaient de faire pour obtenir le droit de se décorer du titre de patriarche œcuménique, trahissaient déjà leur tendance à contester la prééminence au pontife romain. Créatures des empereurs, ceux-ci leur servaient à leur tour d'instruments puissants pour l'accomplissement de leurs vues usurpatrices vis-à-vis de Rome. De leur côté, les empereurs, quand il s'élevait quelque conflit entre eux et le saint-siége, trouvaient dans les patriarches un appui d'autant plus efficace, qu'il paraissait donner une sanction spirituelle à leurs entreprises.

Le schisme de Photius (2), bien qu'il n'ait éclaté que dans

(1) De Maistre, loc. cit., p. 228.

(2) Leo Allatius, de Ecclesiæ occidentalis atque orientalis perpetua consensione, lib. II, c. 4 sqq. (edit. Colon., 1648), p. 557 sqq. — Maimbourg, Histoire du schisme des Grecs, livre I (édit. Paris, 1677, in-12), tom. I, p. 20. H J. Schmitt, Kritische Geschichte der neugriechischen und der russischen Kirche mit besonderer Beruecksichtigung ihrer Verfassung in

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