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les biens ecclésiastiques et renversant l'autorité du clergé; il croyait raffermir par là le trône qu'il venait de fonder et dont les bases étaient encore chancelantes. Ce prince embrassa le luthéranisme par politique, et, pour compléter son œuvre, il fit trancher la tête aux évêques et aux prêtres qu'il n'avait pu entraîner dans son apostasie! Jusqu'à l'année 1544, le catholicisme était comme anéanti en Suède. Le règne de Jean III, fils de Gustave, prince sincèrement dévoué à la religion catholique, et celui de Sigismond, son petit-fils (1592), lui rendirent, il est vrai, quelques années d'existence; mais, ce dernier ayant été dépouillé par son oncle Charles d'une partie de ses États, la Suède tout entière se sépara de l'Église en embrassant les principes de la confession d'Augsbourg (1). Comme Gustave Wasa, Charles IX s'arrogea la puissance spirituelle, et dès lors il ne resta plus à l'épiscopat suédois qu'une autorité nominale sans action sur l'administration de l'Église.

Le despotisme de Charles IX lui suscita de nombreux ennemis; la Suède soupirait après le gouvernement si doux, si paternel du roi Sigismond. Irrité de cet attachement qui lui portait ombrage, Charles se vengea par des proscriptions en masse, répondant aux plaintes de ses sujets par des arrêts de mort (2), et surpassa encore son père, Gustave Wasa, qui lui-même déjà avait semblé vouloir faire oublier par sa cruauté les scènes effroyables dont Christian II, roi de Danemark, de sanguinaire mémoire, avait autrefois rempli la Suède. Lui aussi, après avoir perdu son royaume; s'était jeté dans les bras du luthéranisme (3), et s'en était fait un instrument facile pour briser la puissance de sa noblesse, tant ecclésiastique que séculière. Sous son règne, ainsi que sous celui de ses deux successeurs, Frédéric 1er (1523-1533) et

(1) Aug. Theiner, Schweden und seine Stellung zum heiligen Stuble unter Johann III, Sigismund und Karl IX. Nach geheimen Staatspapieren, 2 vol., Augsb., 1838-39.

(2) Un livre publié sous le titre de a Boucherie du duc Charles, » fait monter à 66,977 le nombre des victimes immolées par ce prince de 1595 à 1611. Kirchliche Briefe aus dem Norden in der Sion, Jahrg. 1841, n° 109, p. 994. — Alzog, loc. cit., p. 836.

(3) Dahlmann, Geschichte von Dænemark, vol. III, p. 350 sqq.

Christian III (1534-1559), la nouvelle doctrine fit un très-grand nombre de prosélytes, grâce à l'apostolat du bourreau. Le Danemark, la Norwége et l'Irlande virent traîner au supplice les plus zélés partisans de l'Église (1), et les populations épouvantées cherchèrent dans l'apostasie un refuge contre l'exil et la mort. Bugenhagen, appelé de Wittemberg pour couronner le roi (1537), dressa la nouvelle constitution ecclésiastique qui érigeait en principe de droit national la transmission, déjà accomplie comme fait, de la puissance spirituelle dans les mains du roi. L'épiscopat se trouvait par là dépouillé de son caractère et de toute autorité, et c'est vainement que les surintendants danois se sont avisés depuis de reprendre le titre d'évêques; cette qualification sans objet n'a pu lui rendre la vie.

Ici donc encore, comme en Angleterre et en Suède, ce n'est point l'usurpation de la juridiction spirituelle par le pouvoir royal qui fut la suite du schisme, mais bien cette usurpation qui entraîna la défection dans la foi et la scission d'avec l'unité catholique.

Mais revenons au véritable foyer de toutes ces révoltes, à l'Allemagne, où les rapports de l'Église et de l'État se développaient dans un ordre beaucoup plus compliqué. Après avoir exposé le fait de ce mécanisme et sa manière de fonctionner, nous montrerons comment la théorie, dont l'autorité est devenue si puissante, s'est efforcée de justifier l'un et l'autre.

ALLEMAGNE.

§ CXXXIX.

1. Développement du pouvoir spirituel des souverains jusqu'au traité de paix religieuse d'Augsbourg de l'année 1555.

Plus qu'aucun autre peuple, la nation allemande avait compris, au commencement du seizième siècle, l'indispensable nécessité

(1) Döllinger, loc. cit., p. 495 sqq. Walter, Kirchenrecht, § 31.Sparschuh, in dem Artikel: Danemark in dem Bonner Kirchenlexikon, vol. II, p. Döllinger, Die Reformation, ihre innere Entwicklung und ihre Wirkungen, vol. II, p. 670 sqq.

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d'une réforme dans la discipline ecclésiastique; ce sentiment s'était communiqué à tous les rangs de la société, et se produisait plus vif encore au sein des classes inférieures, dont la pauvreté pouvait plus difficilement se réconcilier avec le libertinage des riches, et surtout avec celui du clergé. Le contraste scandaleux des mœurs dissolues des ecclésiastiques avec la sainteté de leur profession, les combats perpétuels que se livraient la puissance spirituelle et le pouvoir séculier, et le discrédit où nous avons vu (§ 134) Rome tomber peu à peu dans l'esprit des peuples, avaient allumé une haine universelle contre toute la hiérarchie, le pape en tête. Le pouvoir spirituel n'apparaissait plus, à la lueur de tous ces faits, que comme un joug accablant, une odieuse tyrannie, et l'orgueil national, vivement surexcité, ne voyait plus dans le gouvernement papal qu'une domination étrangère. Aussi quiconque osait hardiment jeter l'insulte et la menace au saint-siége, attaquer le pape et le papisme, objet de tant d'animadversion et de colère, était-il universellement célébré comme un héros et un libérateur. Il n'aurait même pas fallu beaucoup d'éloquence pour faire éclater un terrible incendie au milieu de tant d'éléments inflammables, et voir dévorer l'édifice entier de la hiérarchie (1)!

Doué de toutes les qualités nécessaires pour embraser les passions populaires, même dans un temps de calme, Luther s'éleva contre le pape et l'Église romaine avec un acharnement sans exemple, et fut aussitôt salué de toutes parts comme le réformateur de l'Église, comme un autre Paul (2). Il devint tout à fait l'homme du peuple. Fort de cette popularité, qui prenait sa source dans l'esprit frondeur de cette époque, il put braver le décret qui le bannissait du territoire de l'empire, comme il avait déjà bravé, quelque temps avant, l'anathème de l'Église.

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(1) Studien und Skizzen. K. A. Menzel, Neuere Geschichte der Deutschen, von der Reformation bis zum Bundesacte, 12 vol., Breslau, 18261848. - Döllinger, Die Reformation, ihre innere Entwicklung und ihre Wirkungen, vol. I, Regensb., 1846; vol. II, 1848. — Riffel, Christliche Kirchengeschichte der neuesten Zeit, vol. I, Mainz, 1841; vol. II, 1842; vol. III, 1847.

(2) Döllinger, loc. cit., vol. I, p. 20, 139, 154, 162, 174.

Le caractère de la révolution luthérienne n'était rien moins que favorable à l'affermissement du pouvoir royal; elle semblait devoir emporter le trône dans son torrent démocratique. Chose étrange! elle le consolida, et ce fut même là un des principaux résultats de la réforme protestante. Or cette consolidation, disons mieux, cet accroissement parasite de la puissance temporelle, telle est, pour nous conformer à l'objet spécial de ce livre, la face sous laquelle nous devons envisager les événements du seizième siècle; l'examen des disputes dogmatiques, non plus que le développement détaillé des faits en dehors de l'objet indiqué, ne sauraient trouver place dans notre cadre.

En vertu de l'autorité et des pleins pouvoirs que Luther et, bientôt après, ses nombreux adhérents s'attribuaient de leur propre chef, une lutte corps à corps s'établit entre Rome et le célèbre hérétique. D'après les principes du luthéranisme, cette lutte ne pouvait pas se circonscrire dans une partie plus ou moins considérable du domaine de l'Église; il lui fallait un bien plus vaste champ. Rejetant l'Église romaine comme celle de l'Antechrist (1), Luther lui déclarait une véritable guerre d'extermination, et appelait tous les chrétiens indistinctement à marcher à sa' suite contre la Babylone moderne, et à la combattre par tous les moyens possibles (2). En conséquence, le lutheranisme, se donnant comme la véritable Église fondée par Jésus-Christ et nécessaire au salut (5), prétendait s'établir dans la pleine possession de la souveraineté usurpée, selon lui, par le catholicisme (4). Il devait revendiquer les pouvoirs de Jésus-Christ, il devait cher

(1) Menzel, loc. cit., Bd. I, S. 84. - Döllinger, loc. cit., Bd. I, S. 358 sqq. Menzel, loc. cit., Bd. II, S. 352.

(2) Voici ce qu'il écrivait en 1529, à Jean Lange: Nos hic persuasi sumus, Papatum esse veri et germani Antichristi sedem, in cujus deceptionem et nequitiam ob salutem animarum nobis omnia licere arbitramur. Menzel, loc. cit., vol. IV, p. 55. Riffel, loc. cit., vol. I, p. 117 sqq., p. 139 sqq.

(3) Apol. Confess., IV, de Eccles. : Neque vero pertinet (promissio salutis) ad illos, qui sunt extra Ecclesiam Christi, ubi nec verbum nec sacramenta sunt, quia regnum Christi tantum cum verbis et sacramentis existit. (4) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 320 s

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cher et maintenir en lui-même l'autorité qui annonce et conserve pure la vraie doctrine, administre les sacrements, gouverne et élève le peuple chrétien. Luther était lui-même, comme inventeur de ce système, le centre irradiateur de toute la rénovation; aussi sa personne était-elle environnée, pour ceux de ses disciples qui lui demeuraient fidèles, d'autant d'autorité que le saint-siége aux yeux des catholiques, dans les jours les plus glorieux de la papauté (1). Il se considérait, lui aussi, comme le chef de la nouvelle Église, et tenait son enseignement pour tellement infaillible, qu'il posait hardiment cette alternative, que lui ou ses adversaires iraient inévitablement un jour gémir au fond des enfers (2). Parti du principe du libre enseignement, Luther en était venu à exiger pour sa doctrine toute l'autorité de la foi catholique (3). Cette opinion de la primauté, de l'infaillibilité papale, inhérentes à sa personne, il la proclamait encore d'une autre manière. C'est ainsi que, dans l'année 1542, il ordonna (4) à l'électeur Jean-Frédéric et à Maurice, duc de Saxe, d'avoir à cesser la guerre qu'ils se faisaient au sujet de la ville de Wurtzen, enjoignant aux vassaux de ces deux seigneurs de leur refuser le service féodal. Certes, Luther laissait ici bien loin derrière lui Innocent III, dans le célèbre démêlé de Philippe-Auguste et de Jean-sans-Terre (§ 129). Il est vrai qu'il donna la revanche à ce pape, en lui laissant l'avantage d'une intervention plus zélée et plus conforme au droit divin, dans une affaire analogue à celle du double mariage de Philippe, landgrave de Hesse, en faveur duquel il inaugura et proclama le principe de la bigamie (5).

Cependant, à cette époque, le lutheranisme avait déjà, sous bien des rapports, considérablement dévié de ses principes primitifs. La logique commandait aux hérétiques de conserver inva

(1) Wizel, Von der christlichen Kirche (Döllinger, loc. cit., vol. I, p. 151).

(2) Euvres de Luther (Walchsche, Augs., t. XIX, p. 507). — Riffel, loc. cit., vol. I, p. 358. Menzel, loc. cit., vol. II, p. 408.

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(3) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 262 sqq., p. 456 sqq.

(4) Id., ibid., vol. II, p. 296 sqq.

(5) Menzel, loc. cit., vol. II, p. 180 sqq.

Histor. polit. Blätter,

vol. XVII, p. 224 sqq., p. 449 sqq. — Döllinger, loc. cit., vol. II, p. 42 sqq.

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