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riablement vis-à-vis de l'Église romaine la position qu'avaient prise, en 1529, les États de l'empire ralliés à la doctrine nouvelle, en protestant solennellement contre la résolution de la diète de Spire (1), qui prescrivait l'ajournement de toute innovation ultérieure jusqu'au futur concile (2). Trois ans plus tard, dans l'assemblée de Nuremberg, on négociait la paix sur une tout autre base (3); il était stipulé que, jusqu'au futur concile ou à une nouvelle diète générale, aucun État de la confédération ne devait provoquer ni attaquer par les armes un autre Etat, pour cause de croyance religieuse, mais plutôt se traiter mutuellement avec amitié et charité, comme il convient à des chrétiens (4). Ce résultat était surtout l'œuvre de Luther. En faisant adopter ces conditions, le chef de l'Église protestante suivait-il les inspirations de son patriotisme et de son amour pour son souverain, sur l'esprit duquel il exerça toujours une influence illimitée (5)? Cherchait-il à rendre à l'Allemagne la paix qu'il avait lui-même tant contribué à troubler? Ce sentiment serait honorable; mais il n'était guère conforme aux principes de l'Église conquérante du Christ de reconnaître les prérogatives de l'Eglise de l'Antechrist.

Quoi qu'il en soit de ce motif plus ou moins probable, une autre considération plus puissante avait dû agir sur Luther, et celle-ci avait sur la première l'avantage de rentrer dans le principe de la nécessité du nouveau symbole, et par là même d'être plus logique.

Le lutheranisme, se posant comme la seule vérité religieuse conduisant au salut, devait nécessairement être intolérant, nonseulement à l'égard de l'Église catholique, mais encore à l'égard de toute autre doctrine. Or, comme Luther n'avait pas révélé d'une manière surnaturelle sa mission exclusive (6), il se trouva

(1) Reichsabschied von Speyer, § 3, § 4.

(2) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 316.

(3) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 454 sqq.— Riffel, loc. cit., vol. II, p. 472. (4) Hortleder, Von den Ursachen des deutschen Kriegs, vol. I, c. 10, p. 68.

(5) Menzel, loc. cit, vol. I, p. 437 sqq.

(6) Id., ibid., vol. I, p. 140. Supra, § 96.

d'autres hommes qui crurent posséder aussi bien que lui l'autorité enseignante, et il arriva, d'une part, que certains de ses disciples, comme Carlostadt (1), allèrent plus loin que leur maître, et, s'affranchissant de sa tutelle, formèrent une Église séparée; de l'autre, que plusieurs docteurs, rivaux de Luther, s'érigèrent aussi en réformateurs, chacun dans un sens particulier. Ce n'était là que l'effet d'une loi naturelle, la conséquence fatale de la scission avec le véritable centre de l'Église. De même que le synode de Pistoie, assemblé sans aucune convocation, au lieu d'éteindre le schisme, n'avait fait que l'étendre et l'envenimer par l'élection d'un troisième pape, de même la rupture de Luther avec la foi de l'Église romaine ne pouvait avoir la vertu de prévenir de nouveaux schismes; chaque tentative de ce genre, de la part du luthéranisme, devait inévitablement lui attirer le reproche d'un despotisme dogmatique dénué de toute vocation (2).

Ce despotisme se produisit notamment avec une grande violence à l'égard de la doctrine de Zwingle, qui avait commencé sa carrière de réformateur, en Suisse, à peu près vers le même temps que Luther. Zwingle s'était fait aussi très-rapidement un grand nombre de disciples; de sorte que toute la Suisse s'était partagée en deux camps, plusieurs cantons, principalement les cantons primitifs, étant demeurés fidèles à la foi de l'Église. Mais le zwinglisme se répandit aussi dans l'Allemagne, et lorsqu'à la diète d'Augsbourg les États protestants envoyèrent leur confession (1530), quatre villes, Strasbourg, Lindau, Memmingen et Constance, présentèrent une déclaration de principes qui inclinait

297 sqq.

Menzel, loc. cit., vol. I, p. 47,

(1) Riffel, loc. cit., vol. I, P. p. 252 sqq. (2) A propos de la persécution provoquée par Luther contre Carlostadt (Riffel, vol. I, p. 333 sqq.), Zwingle disait avec raison : « Ils ne cessent de crier que nous sommes des hérétiques qui ne méritent pas d'être écoutés; ils proscrivent nos ouvrages; ils somment les puissances d'avoir à s'opposer à nos doctrines de tout leur pouvoir. Le pape en usait-il autrement, lorsque la vérité voulait lever la tête? » Vid. Menzel, loc. cit., vol. I, p. 273, vergl. auch S. 480. — Döllinger, loc. cit., vol. II, p. 177, ebend. vol. I, p. 237.

davantage vers les doctrines du réformateur hérétique (1). Zwingle, qui avait aussi adressé une profession de foi à la diète d'Augsbourg (2), n'estimait pas la différence existant entre son système et celui de Luther assez essentielle pour ne pas s'unir avec lui contre Rome. Mais Luther répugnait absolument à cette alliance (3); la crainte de voir les sacramentaires (c'était le nom par lequel on distinguait les partisans du zwinglisme des luthériens) légalement reconnus dans l'empire le poussait à préférer vivre extérieurement en paix avec les catholiques (4). C'est pourquoi, à l'époque de la Confession d'Augsbourg, il était tout disposé, ainsi que Mélanchthon, à reconnaître le pape, tout Antechrist qu'il pût être, comme principe indispensable d'ordre et d'unité (5). Quant au rapprochement tenté par Zwingle, c'était aussi une inconséquence; car, en matière de religion, on ne conçoit pas deux religions également vraies, et Zwingle lui-même avait déclaré qu'il était seul en possession de l'orthodoxie, de la doctrine

(1) Vid. Confessio Tetrapolitana (dans Augusti, Corpus libr. symbol., p. 327). Dieringer, in dem Artikel: Bekenntniszschriften im Bonner Kirchenlexikon, Bd. I, S. 589. — La confession d'Augsbourg ne fut signée que par deux villes : Nuremberg et Neutling. Menzel, loc. cit., Bd. XII, Abth. 2, S. 215.

(2) Au scns de Mélanchthon, le sentiment de Zwingle sur l'Eucharistie le convainquait de démence. — Menzel, loc. cit., vol. I, p. 366.

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(3) Menzel, loc. cit., p. 272 sqq. - Après la victoire des catholiques près de Cappel, le plus grand regret de Luther était que tous les sacramentaires n'eussent pas été exterminés. Ebend. 286.

(4) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 444.

(5) Il est dangereux, disait Mélanchthon, de renverser, sans de graves et solides raisons, une institution léguée par une haute antiquité, et, alors même que le pape serait l'Antechrist, on peut vivre sous son autorité, comme les Israélites sous le sceptre de Pharaon, pourvu qu'il ne s'attaque point à la pure doctrine émanée de Dieu et à la sainte pratique des sacre ments. » Abondant pleinement dans le sens de Mélanchthon, Luther écrivit de sa propre main : « Oui, que le pape souscrive à ces conditions, et il trouvera en nous, luthériens, j'en ai la conviction, des défenseurs plus puissants que l'empereur lui-même, que le monde entier, de son honneur et de son autorité; car, avec l'arme seule de la parole et de la force de Dieu, nous ferions ce que le glaive de l'empereur ne serait jamais en état de faire, sans le secours de cette parole et de cette force. >> - Menzel, loc. cit., vol. I, p. 379.

du salut. Les symboles fondés sur le zwinglisme (1), ainsi que ceux qui ont surgi des tendances encore plus rationalistes de l'hérésiarque de Genève (2), ont proclamé solennellement le principe de l'intolérance religieuse, et les divers réformateurs l'ont pratiqué tour à tour en envoyant à la mort les dissidents. Sur le conseil des théologiens luthériens, une foule d'anabaptistes furent décapités; à l'instigation de Zwingle, les sectaires qui se détachèrent de lui à Zurich furent noyés par ordre du magistrat de cette cité; enfin, sur l'injonction de Calvin, et avec l'approbation de Mélanchthon, Servet expia sur un bûcher l'indépendance de ses opinions (3). Ainsi, au lieu d'une seule Église se proclamant infaillible et nécessaire, il y en avait désormais plusieurs, revendiquant, chacune à part soi, les mêmes titres, el dont aucune, excepté l'Église catholique, n'avait le droit d'interdire aux autres l'enseignement, ni de s'opposer à l'établissement de nouvelles communions.

Cette confusion, augmentée encore par les complications qui vinrent s'y joindre dans le domaine de la politique, mit le luthéranisme aux prises avec de si grandes difficultés, qu'il fut obligé de modifier encore sa base originaire. A sa naissance, il avait trouvé son appui et sa force dans le fanatisme populaire. En établissant en principe, et de vive voix et par écrit, que les sujets ne doivent point obéir quand l'autorité qui leur commande est hostile aux préceptes évangéliques (4), Luther avait enflammé les passions, non-seulement contre l'autorité de l'Église, mais encore contre celle du pouvoir temporel, qu'elles battaient en brèche de toutes parts. La tempête une fois déchaînée par ces prédications anarchiques, il n'était plus au pouvoir du fougueux réformateur de lui mettre des bornes. Il avait enseigné de fausses

(1) Conf. Helvet., III, c. 5 (Augusti, loc cit., p. 105).

(2) Conf. Helvet., I, c. 17 (Augusti, loc. cit., p. 53). — Conf. Gallic., c. 28, p. 121.. Walter, Kirchenrecht, § 34. (3) Hist. pol. Blætter, vol. XIII, p. 47.

(4) Luthers Schrift, von weltlicher Obrigkeit, wie weit man ihr Gehorsan schuldig sey (Walchsche Ausgabe, Bd. X, S. 426). · Riffel, loc. cit., P. 404.

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vol. I,

théories sur la liberté chrétienne (1); ces théories portaient maintenant leurs fruits; elles allumaient la guerre des paysans (2), véritable guerre d'assassins; elles enfantaient le terrorisme théocratique de Munster (3) et les divers systèmes doctrinaux qui se posaient en face du lutheranisme et ne se laissaient plus discipliner par la puissance de la parole. Alors l'apôtre du droit d'examen se trouva contraint, malgré lui, après avoir déjà rompu son alliance avec les bandes dévastatrices des chevaliers de l'Empire (4), de rompre aussi avec les éléments démagogiques qu'il avait soulevés, ou plutôt sur lesquels il avait assis les bases de tout son édifice. Pour combattre les paysans insurgés, contre qui il recommandait énergiquement de faire siffler les arquebuses, et plus encore pour conserver son système doctrinal et son Église, il se vit réduit à se jeter dans les bras de la puissance séculière et à lui livrer finalement le gouvernement spirituel. Ainsi l'homme du peuple devenait l'homme des princes (5), contre lesquels il avait lancé les plus grossières invectives (p. 250, n. 1). Ceux-ci recueillaient désormais l'héritage du sort que l'ancienne constitution attribuait au clergé (6), et par là le lutheranisme entrait dans une phase toute nouvelle.

La protection accordée, principalement sur la recommandation d'Érasme (7), à la doctrine de Luther, dès son apparition en Allemagne, par l'électeur de Saxe, Frédéric le Sage, avait sans doute grandement contribué à ses triomphes; mais peut-être que Luther n'aurait pas tardé à se trouver en conflit avec son souve

(1) Riffel, loc. cit., t. I, p. 404 sqq. (2) Studien und Skizzen, S. 250 sqq. · (Histor. polit. Blætter, vol. 6, p. 321 sqq. vol. 7, p. 176 sqq.) — Menzel, loc. cit., vol. I, p. 167. Riffel, loc. cit., p. 464 sqq.

(3) Studien und Skizzen, p. 384 sqq (Histor. polit. Blætter, vol. VII, p. 238 sqq.) Menzel, loc. cit., vol. I, p.

139 sqq.

(4) Studien und Skizzen, p. 134 sqq. (Histor. polit. Blætter, vol. IV, p. 154 sqq., p. 257.)- Riffel, loc. cit., Schlusscapitel d. ersten Bandes (1ten Aufl. 8s 2te: 12s).

(5) Menzel, loc. cit., vol. I, p.

cit., vol. I, p. 119 sqq.

(6) Menzel, loc. cit., vol. V, p.

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G. Wizel dans Döllinger, loc.

4.

-

(7) Menzel, loc. cit., vol. I, p. 55, p. 78 et 136. — Dollinger, loc. cit., vol. 1, p. 8 sqq. — Riffel, loc. cit., vol. II, p. 250

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III.

15

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