Obrázky na stránke
PDF
ePub

l'Église aux trente-neuf articles, divisée elle-même en deux confessions principales (1), pulluler une foule de sectes qui, transplantées en Amérique, s'y multiplient encore à l'infini. Aussi nulle part ne se revèle plus manifestement que dans ces pays la tendance innée du protestantisme à se morceler dans ses conséquences pratiques (2).

Cette marche des choses ne pouvait que tourner au bien de l'Église, au moins sous le rapport politique. Le système pénal anglais, avec ses serments et ses exclusions contre les catholiques, dura, il est vrai, aggravé encore par de nouvelles dispositions, du même genre, de Guillaume III et de Georges Ier, jusqu'à la seconde moitié du dix-huitième siècle (3); mais néanmoins, peu à peu, la législation britannique a changé totalement de caractère. Tout en maintenant les prérogatives, onéreuses sans doute, mais enfin légalement déterminées, de l'Église de l'État, elle a aboli toutes ces peines et ces interdictions civiles qui pesaient sur les autres Églises, et inauguré un régime d'égalité presque complète entre toutes les confessions chrétiennes. Beaucoup plus tôt encore, et sur les plus larges bases possibles, le principe de liberté religieuse s'est développé dans l'Amérique du Nord, et est allé même jusqu'à l'indifférence absolue de l'État à l'égard de la religion. L'article de la constitution des États-Unis relatif à ce point est ainsi conçu « Le congrès ne doit faire aucune loi concernant l'établis<< sement d'une nouvelle religion, ni interdire le libre exercice « d'aucun culte (4). » Ces paroles expriment formellement la renonciation de l'État pensylvanien à toute prétention du gouvernement de favoriser ou d'entraver tel ou tel culte, de préférence à tel autre; en un mot, d'exercer aucune pression directe ou in directe dans le domaine des doctrines religieuses.

(1) Hist. polit. Blætter, vol. XIII, p. 363 sqq., p. 395, p. 449 sqq. · Ibid., vol. XV, p. 134 sqq., p. 229 sqq.

(2) Ibid., vol. XIII, p. 50.

(3) Walter, Kirchenrecht, § 55, p. 115 sqq. (10o édition.)

(4) Const. of the United-States (1789), App., art. 3: Congress shall make no law respecting the establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof.

En vertu de ce principe fondamental de la constitution américaine, l'Église catholique jouit, elle aussi, sur le territoire de l'Union, d'une liberté d'action exempte de toute entrave du côté de l'autorité séculière. A ce point de vue, il pourrait sembler que ce système d'indifférentisme soit celui qui convient le plus à l'Église, et qu'elle ne saurait désirer mieux (1); mais si, comparativement à l'oppression que ses membres ont à souffrir de la part d'un gouvernement schismatique ou hérétique, ainsi qu'aux entraves légales qu'elle rencontre à chaque pas dans l'exercice de sa puissance dans l'État paritétiste, elle peut préférer, selon les circonstances, la situation qui lui est faite dans un pays dont le pouvoir est, comme tel, complétement indifférent à l'égard de toutes les religions, elle ne peut cependant jamais reconnaître le principe même de l'indifférentisme religieux (2). Les deux puissances instituées de Dieu pour gouverner le monde ne doivent point travailler à remplir leur tâche, isolées et séparées l'une de l'autre; cette tâche est une œuvre commune au pouvoir spirituel et au pouvoir temporel; ils doivent donc, s'aidant et s'appuyant réciproquement, agir de concert pour la grande fin à laquelle Dieu les a destinés (§ 105 et suiv.).

Envisagé au point de vue du droit divin, l'État indifférent ne peut donc apparaître que comme une dégradation de la puissance séculière. Quant à l'Église, elle ne saurait jamais être indifférente; elle ne peut en conséquence jamais cesser de souhaiter, disons mieux, de prescrire, ce qui est pour elle un devoir fondé sur le droit divin, que le pouvoir temporel ne soit pas non plus étranger à toute espèce de culte, mais qu'il s'allie avec elle pour le salut du genre humain. Mais pratiquement, nous le répétons, l'indifférence de l'État est, pour les catholiques, incomparablement préférable, nous ne dirons pas seulement à l'hostilité des gouvernements schismatiques et hérétiques, mais encore à leur neutralité dans le paritétisme, et plus encore à un protectorat qui les condamne au silence.

(1) Tocqueville, dans son livre sur les États-Unis d'Amérique, exprime la même opinion.

(2) Histor. polit. Blætter, vol. II, p. 31; vol. XII, p. 286

sqq.

Aussi n'est-ce point à l'Eglise, elle qui, de son fondement divin, envisageant ses rapports avec l'État, respecte le pouvoir temporel comme une puissance destinée divinement à faire alliance avec elle, qu'il faut reprocher d'avoir jeté ce pouvoir dans l'abaissement où il est tombé : ce sont de tout autres forces qui, s'élevant contre lui, ont brisé dans sa main le sceptre spirituel qu'il s'était illégitimement attribué, et ont émoussé du même coup le glaive temporel. La réunion des deux glaives dans une main d'homme irrite trop vivement les susceptibilités des peuples et ne provoque que trop facilement des révoltes criminelles. Ces forces destructives ont été enfantées, sinon exclusivement, du moins en grande partie, par l'inévitable fractionnement du protestantisme, et, sous son influence, une fois dévié et détaché du principe d'unité qui forme l'essence de l'Église instituée de Dieu, ce système doctrinal a suivi la même pente que le paganisme. En dehors de la croyance à un Dieu unique, il fallait que le cercle du polythéisme s'agrandît toujours, il fallait qu'il surgît dans son sein des religions nationales, des dieux grands, petits, plus petits encore (§ 93), dont le culte, comme celui des lares et des pénates, devait aussi se renfermer dans les plus petites sphères de la société humaine. Lorsque tous ces cultes, avec tout leur particularisme et leur séparatisme, eurent acquis un droit général de tolérance dans l'empire romain, tous les païens, malgré ce particularisme et ce séparatisme, y trouvèrent néanmoins un terrain commun, ce fut la haine commune pour l'Église de Jésus-Christ (§ 117). C'est ainsi que le protestantisme, se séparant de l'unité catholique, répudiant l'unique fondateur de l'Église, qui se manifeste dans son sein, a fait surgir cette légion innombrable d'inventeurs de religions, et cette série de cultes grands, petits, et de plus en plus fractionnés, jusqu'à des religions de famille et d'individus, qui, bien qu'elles n'aient encore obtenu de liberté absolue que dans l'Amérique du Nord, et, depuis la Révolution française, dans les Pays-Bas (1), s'accordent toutes néanmoins dans la négation de l'Église catholique (2).

(1) Voir la constit. du 25 avril 1798 de la Républ. batave, articles 19-23. (2) Briefe über die vereinigten Staaten von Nord-Amerika (Berlin, 1855),

Le système américain semble devoir être le type de l'état de choses qu'un avenir très-prochain fera prévaloir dans le monde entier. Détruite par l'usurpation du gouvernement spirituel, de la part du pouvoir temporel, l'harmonie ne peut être rétablie qu'autant qu'une restitution pleine et entière aura été accomplie, d'une manière plus ou moins violente, par l'action providentielle des mêmes forces qui ont opéré la ruine de l'ancien état de choses.

Quant à l'Église, son rôle est et ne peut être que de protester sans relâche contre le fait usurpateur qui lui a enlevé, pour l'attribuer à un pouvoir incompétent, l'autorité qu'elle tenait des mains de Dieu même, et cela même dans les États qui sont en communion de croyance avec elle. Elle exhorte et doit constamment exhorter, dans la mesure des libertés que son spoliateur veut bien laisser encore à ses organes, ses sujets spirituels à rester fidèles à leurs supérieurs (§ 103), et gémir devant Dieu, si la restitution de ses droits, accomplie par des vengeurs qu'elle n'a point appelés ni autorisés, vient à être accompagnée de la destruction de ce pouvoir auquel elle a si souvent tendu la main pour la réconciliation. Mais, alors même, elle courbera la tête devant les desseins impénétrables de la Providence, animée d'une confiance saus bornes en la justice de Dieu, dont elle sait que le bras ne s'est point raccourci et peut à chaque instant renouveler la face de la terre et faire sortir, des éternels fondements qu'il a jetés dans sa création, un nouvel ordre de choses sur les ruines de celui qui s'est écroulé. Des signes visibles semblent présager ce grand événement pour des temps peu éloignés, dans plus d'un pays de ce côté de l'Océan; c'est pourquoi il est d'un grand intérêt pour nous de suivre le protestantisme dans sa marche et dans ses résultats en Allemagne, et de voir, par la considération de l'état de choses actuel, sur quels moyens de défense on pourrait compter, quand éclateront les orages qui, de toutes parts, s'amoncellent sur notre époque (1).

vol. 1, p. 71 sqq. J. Salzbacher, Meine Reise nach Nord-Amerika im Jahre 1842 Wien, 1845), p. 350. Histor. polit. Blætter, vol. XVIII, Ibid., vol. XII, p. 298 sqq., vol. XIII, p. 53.

P. 444.

(1) Supra, §§ 135 et 136.

Avec l'avènement de Frédéric le Grand au trône prussien (1), une nouvelle période avait commencé pour l'histoire des États européens. La personnalité de ce prince a laissé son empreinte sur toutes les choses de son siècle, et la position que la Prusse a occupée depuis lors vis-à-vis de l'Église catholique est devenue d'une importance capitale pour le développement des rapports de l'Église et de l'État; elle a besoin, par là même, d'être considérée dans ses traits caractéristiques.

Dans la personne de Frédéric-Guillaume I, père du grand roi, était mort le dernier des princes de premier ordre de l'Allemagne protestante (2) qui fissent profession d'un culte déterminé. Frédéric II se plaça, en ce qui concerne le côté dogmatique de la religion, sur le terrain d'une complète indifférence (3), c'est ce qu'il a suffisamment exprimé lui-même par cette maxime: Il faut que chacun fasse son bonheur à sa guise, ainsi que par la tolérance pratique dont il laissa jouir les diverses confessions (4). Mais, tout en pensant et en agissant ainsi, tout en donnant même, dans ses appréciations la préférence au catholicisme, comme doctrine, il n'en voyait pas moins de mauvais œil tout ce qui présentait le caractère du séparatisme, et ne laissait pas que d'accorder aux protestants une faveur marquée sur les catholiques, que leur soumission au siége de Rome dessinait aux yeux de sa politique comme des sujets moins dévoués au roi (5). Après la prise de possession de la Silésie, il accorda aux Églises protestantes la mème liberté de conscience qu'aux catholiques (6).

(1) J. D. E. Preuss, Friedrich der grosse, seine Lebensgeschichte. Berlin, 1832, 3 Bde, 2te Ausg. Berlin, 1857. Friedrich der Grosse mit seinen Verwandten u. Freunden. Berlin, 1857. - F. Raumer, Friedrich der Grosse und seine Zeit. Lepg., 1837.

(2) F. Forster, Friedrich-Wilhelm I, Koenig von Preussen. Postdam, 1854, 5 Bde. Menzel, loc. cit., vol. X, p. 352.

(3) Preuss, Lebensgesch. Friedr. d. Gr. (1857), vol. I, p. 125 sqq. — War Friedrich der Grosse irreligios? Menzel, loc. cit., vol. X, p. 567.

Histor. polit. Blætter, vol. I, p. 321 sqq., vol. XI, p. 444 sqq.

(4) Menzel, loc. cit., vol. X, p. 378.

(5) Id., ibid., vol. X, p. 367; vol. XI, p. 151.

(6) Menzel, loc. cit., vol. X, p. 421.- Laspeyres, Geschichte und Verfassung der katholischen Kirche Preussens, p. 360 sqq.

« PredošláPokračovať »