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Ce n'était là que la conséquence naturelle des principes politiques et du système gouvernemental de Frédéric; mais ce devrait être aussi une circonstance fort atténuante en faveur des souverains catholiques qui, dans leurs acquisitions de nouveaux territoires, en usaient de même à l'égard de leurs coreligionnaires. Cette conduite de Frédéric, à son point de vue, présentait tous les caractères de l'équité; on n'en pourrait dire autant, à beaucoup près, de l'exclusion systématique, non-seulement des fonctions se rattachant au service de l'État, mais encore de toutes les charges municipales dont il avait frappé les catholiques dans tout son royaume, et surtout en Silésie, où ce procédé avait été condamné et repoussé par l'empereur à l'égard des protestants.

Quoi qu'il en soit, la conquête de la Silésie avait été la première cause d'un changement important qui s'opéra peu à peu dans la position de l'Église catholique dans la monarchie prussienne. Jusque-là le catholicisme n'avait eu qu'un caractère provincial sur cette rive du Rhin (1), en ce que le droit particulier de chaque province avait servi de base principale aux institutions ecclésiastiques, issues en partie de l'organisation diocésaine et métropolitaine (2). Des négociations s'ouvrirent alors entre la Prusse et le pape Benoît XIV, pour l'érection d'un vicariat général à Berlin, qui devait avoir juridiction sur toute l'Église catholique de la monarchie prussienne, à l'exception de la Prusse proprement dite (3). Cette érection n'eut pas lieu; mais néanmoins, à partir de l'annexion de la Silésie, et plus encore, depuis le partage de la Pologne, il était entré dans l'épiscopat des provinces réunies à la Prusse (4) un élément tout nouveau, qui faisait disparaître de leur organisation ecclésiastique le caractère purement provincial qu'elle avait eu jusque-là.

Ces circonstances et les vues particulières de Frédéric le Grand

(1) Laspeyres, loc. cit., p. 267.

(2) Jakobson, Geschichte der Quellen des Kirchenrechts des preussischen Staats (Koenigsberg, 1837), th. 1, Bd. I. Cet ouvrage est riche en matériaux historiques.

(3) Laspeyres, loc. cit., p. 365. Menzel, loc. cit., vol. XI, p. 131. (4) Laspeyres, loc. cit., p. 448.

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out grandement contribué à ce que, dans la confection du Corpus juris prussien, commencé sous son règne et terminé sous son successeur, Frédéric-Guillaume III, outre la tolérance de toutes les sociétés religieuses qui professent la crainte de Dieu, l'obéissance aux lois, la fidélité envers l'État et une saine morale (1), l'égalité civile des deux principales confessions a été établie comme un principe fondamental de la constitution prussienne (2). Malgré cet avantage manifeste pour les catholiques, on ne peut néanmoins se dissimuler un instant que le droit prussien est une législation entée sur le système territorial, dans le sens le plus strict du mot, et que l'Église catholique s'y trouve assimilée aux protestants et subordonnée comme eux au pouvoir spirituel de l'État. On y cherche vainement la trace d'une reconnaissance expresse de l'union organique de l'Église catholique de Prusse avec le pape, et tout ce qu'on peut faire, c'est de supposer cette union tacitement admise, si elle n'a pas été plutôt intentionnellement passée sous silence ou ignorée. Mais, quelque peu justifiable que soit cette lacune, en jugeant même sous ce rapport le droit prussien, il ne faut pas oublier qu'elle était le produit de son temps, et que l'on ne pouvait guère exiger d'un prince protestant qu'il se posât en défenseur de l'Église et en protecteur des prérogatives du saint-siége, alors que des souverains catholiques, sous l'influence du gallicanisme et du fébronianisme, faisaient l'opposition la plus vive, la plus malveillante au chef de la catholicité (3)! En comparant l'ensemble de la conduite de Frédéric II et de son successeur à celle des princes catholiques de l'Allemagne, on ne peut s'empêcher de la trouver digne d'une entière approbation. Si le premier introduit le placet pour les bulles papales dans la législation silésienne, et s'il le pratiqua plus tard à l'égard de la Pologne prussienne, on ne doit pas s'en étonner en voyant la même faute transmise d'empereur en empereur, depuis Ferdinand III, et commise par les rois de

(1) Mühler, loc. cit., p. 263 sqq. p. 655.

Histor. polit. Blætter, vol. XIX,

(2) Laspeyres, loc. cit., p. 272 sqq., p. 457 sqq. (3) Laspeyres, loc. cit., p. 472.

Pologne, à l'exemple de la France, depuis plus longtemps encore (1). Le placet fut aussi mis en pratique en Bavière, sous le règne de Maximilien III, en 1770; il est vrai qu'il le fut sous une forme moins incompatible avec la soumission due au chef de l'Église (2); mais certainement cette soumission était loin d'imposer les procédés violents qui furent employés, dans cette monarchie, contre les jésuites, et, on peut le dire, la conduite du roi de Prusse, du roi schismatique, dans cette circonstance, fut incomparablement plus louable que celle du monarque catholique (5)!

L'indifférentisme religieux de Frédéric, sur lequel reposait sa tolérance, était devenu insensiblement le caractère dominant de l'époque (4). On proclamait assez généralement que la religion était chose utile pour le peuple et nécessaire au bonheur de l'humanité; mais, comme en même temps on avait soin tout aussi généralement de ne pas se considérer comme faisant partie de ce qu'on appelait le peuple, le rationalisme avait fait de rapides progrès dans le domaine de la théologie protestante, et s'annonçait comme le plus redoutable ennemi du protestantisme croyant (5). Dans l'Allemagne catholique elle-même, l'alliance entre le culte de la pensée, le prétendu progrès des lumières et les faux systèmes sur le pouvoir spirituel avaient fait éclore cet état de choses tristement célèbre qui caractérise le règne de Joseph II. La conséquence générale de cette vaste anarchie, ce fut l'abandon progressif du traité de Westphalie, en ce qui concernait la clause qui traçait rigoureusement la ligne démarcatrice du

(1) Menzel, loc. cit., vol. XI, p. 131, p. 339, P. 441.

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(2) Histor. polit. Blætter, vol. VII, p. 600.

(3) Menzel, loc. cit, vol. XII, sect. 1, p. 58 sqq., p. 75 sqq.

(4) L'indifférence en était venue à tel point en Prusse, qu'en 1748 on contraignit un curé luthérien de donner la communion à une chanoinesse d'après le rite réformé; que l'on administrait quelquefois le baptême au nom de Frédéric le Grand, ou bien au nom du bon et du beau et avec de l'eau de rose, et que l'on prenait jusqu'à des juifs pour parrains. (Mühler, Kirchenverf., p. 255, 260-265.)

(5) Menzel, loc. cit., vol. X, p. 270; vol. XII, sect. 1, p.

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droit entre les diverses confessions chrétiennes de l'Allemagne, dans la reconnaissance du pouvoir réformateur des souverains, limité par l'annus decretorius, et dans l'exclusion de toutes les

sectes.

La paix de Westphalie subit encore des modifications par une autre voie; une loi de l'Empire vint, au commencement de ce siècle, investir les souverains d'Allemagne du droit « de tolérer, à côté des << deux principales confessions, d'autres religions qui en seraient <«< issues, et de leur accorder pleine jouissance des droits civils (1).» Par là se trouvait décidée, dans un sens beaucoup plus large, au profit de la liberté religieuse, la question débattue depuis si longtemps, savoir si, dans les États purement catholiques ou purement protestants, les souverains pouvaient accorder la simultanéité aux sectateurs de l'autre confession principale (2). Immédiatement avant cette loi, avait paru en Bavière un édit en harmonie avec ce principe (5). L'électeur Maximilien-Joseph, qui, dès l'année 1799, avait mis de côté les traités relatifs au Palatinat (4), avait accordé à tous les cultes chrétiens déjà établis dans les provinces de la Franconie et de la Souabe, qu'il avait récemment acquises, pleine jouissance de tous les droits civils. En même temps, l'accès à tous les emplois publics avait été ouvert aux membres des deux, ou plutôt des trois confessions principales. Les traités d'accession et de réception à la confédération du Rhin furent tout spécialement favorables, sous ce rapport, aux catholiques (5).

Conformément à tous ces précédents, l'acte fédéral du 8 juin 1815 a établi en principe, dans son seizième article, que la différence des religions chrétiennes ne peut fonder, dans les pays et États de la confédération allemande, aucune distinction dans la jouissance des droits civils et politiques. » A en juger d'après le

(1) Reichsdeputations hauptschluss, v. 25 Febr. 1805, § 65. (2) Majer., Deutsches geistliches Staatsrecht (Lemgo, 1775), th. 2, p. 260 sqq. Richter, Kirchenrecht, § 38 (37).

(3) Edict. vom 10 Januar 1803 (Reg. Blatt., p. 26). Staatsrecht des Koenigreichs Bayern, vol. I, p. 90.

V. Moy, das

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Laspeyres,

(4) Reuss, Neue Staatskanzlei, Jahrg. 1799, vol. III., p. 9. loc. cit., p. 714. - Menzel, loc. cit., vol. XII, sect. 2, p. 365. (5) Klüber, Effentliches Recht des deutschen Bundes, § 525, note c.

sens des mots, on pourrait croire que cette disposition de l'acte fédéral consacre l'égalité de tous les chrétiens sans distinction; mais l'histoire de l'article en question (1) prouve que telle n'était pas l'intention de la loi. L'acte fédéral, rentrant dans le sens du traité de Westphalie et de l'ancien droit politique de l'Empire, n'avait en vue, au fond, que les deux ou trois confessions dominantes, et conséquemment n'accordait à aucune secte des droits politiques égaux à ceux des catholiques et des chrétiens de la confession d'Augsbourg (2).

Comme l'acte du congrès de Vienne, dont l'acte fédéral fait partie intégrante, ne restituait pas les biens enlevés à l'Église, ni les principautés, et surtout ne réparait pas les atteintes profondes portées à l'organisme de l'Église et ne rétablissait point la dignité impériale déposée par François II (3), Pie VII, comme autrefois Innocent X l'avait fait à l'égard du traité de Westphalie, protesta solennellement contre cet acte, par l'organe du nonce Gonsalvi, le 14 juin 1815, dans une note (4) et dans un document public (5). Le cardinal-légat protestait aussi contre le refus des puissances signataires du traité, de restituer au pape Avignon, le comtat Venaissin et certaines parties du territoire de Ferrare (6). Voici les termes de la protestation (7) :

« A raison de la sollicitude qui incombe au saint-père pour le « troupeau de Jésus-Christ, et en vertu du serment qu'il a prèté

(1) Klüber, Akten des Wiener Congresses, vol. II, p. 441-445. (2) Deutsches Privatrecht, vol. I, § 44, p. 336.

(3) Le saint empire romain, disait la note, centre de l'unité politique, ouvrage vénérable de l'antiquité, consacré par l'auguste caractère de la religion, et dont la destruction a été un des renversements les plus funestes de la révolution, n'est pas ressuscité de ses ruines. »

-

(4) La première pièce était en français, la seconde, en latin. Klüber, Akten des Wiener Congresses, vol. VI, p. 437, p. 441.

(5) Déjà, à la date du 17 novembre 1814, une note adressée par le nonce au congrès avait infructueusement réclamé la restitution des biens de l'Église. Klüber, Uebersicht der diplomatischen Verhandlungen des Wiener Congresses, p. 418.

(6) La protestation comprenait également le droit de garnison dévolu aux Autrichiens pour Ferrare et Comacchio. - Klüber, Akten des Wiener Congresses, vol. IV, p. 524.

(7) Klüber, loc. cit., p. 455, p. 445.

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