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pierre ne se détachât du rang spécial qui lui est affecté dans le monument. Les Apôtres étaient les yeux de l'Église, comme les appelle saint Augustin (1). Éclairés par les lueurs divines de l'inspiration, ils virent infailliblement à quels besoins il fallait pourvoir par ces règles, et ils le firent en distinguant toujours avec soin leur propre parole de celle du Maître (2).

Les règles que l'on pourrait appeler, dans le sens que nous venons d'indiquer, canones apostolorum, ont été transmises à la postérité, et sont, par cette raison, désignées sous le nom de traditions (3). C'est avec le double flambeau de ces règles et de leur exemple que les messagers du divin Maître, ces pieds du Christ, comme les appelle saint Augustin (4), ont répandu la lumière dans le monde entier et ont instruit les enfants de l'Église dans la science de la vérité (5). Ils en ont fait ainsi comme les hérauts de la tradition divine, et en même temps la source de nouvelles traditions d'où doit s'épancher le fleuve vivificateur du sol de l'Église (6). Sans doute, il y a, entre la tradition divine et la tradition apostolique, cette grande différence, que celle-ci tire son origine immédiate des hommes; mais cette origine n'est humaine qu'en ce que le canal a été creusé de main d'homme; quant à l'eau qu'il transmet, elle jaillit de la source divine. En effet, « les Apôtres nous sont garants que, dans les institutions « qu'ils ont créées, ils n'ont point puisé dans leur propre vo<«<lonté, mais transmis fidèlement aux peuples l'économie établie « par Jésus-Christ (7). »

Cette différence ne pouvait échapper aux Pères de l'Église (8);

(1) Augustin.., Annot. in Job., c. 17 (tom. III. col. 843). (2) I Cor. VII, 12: Ego dico, non Dominus.

(3) Basil., de Spiritu sancto, c. 27: EX TñÇ T☎V άTOOTÓλwv Tapadócm; StaSotévra (Can. Ecclesiasticarum, 5, d. 11). — Augustin., de Peccat. merit. et remiss., lib. I, c. 24, n. 34 (tom. X, col. 129).

(4) Augustin., Enarrat. in Psalm., Ps. XC, 12, n. 8 (tom. IV, col. 416). (5) Leo I, P., Serm. 78, de Jejun. Pentecost., c. 2 (tom. I, col. 416). (6) Augustin., de Baptismo c. Donat., lib. V, c. 26, n. 37 (tom. IV, col. 194).

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Supra § 66,

cependant ils présentent quelquefois la tradition apostolique comme divine, et la tradition divine comme apostolique. Le saint pape Léon 1e s'exprime dans ce sens sur le jeûne du carême (1), et saint Augustin fait dériver la validité du baptême des hérétiques de la tradition apostolique (2). Et son opinion est fondée (5); car les deux traditions se sont intimement mêlées l'une à l'autre; transmise par l'organe des apôtres, la tradition divine est devenue apostolique, et la tradition apostolique a pris un caractère divin, à raison et de la source où elle fut puisée et de l'inspiration du Saint-Esprit qui dirigea les apôtres dans toutes leurs institutions; tel est le nœud au moyen duquel ceux-ci relièrent le droit divin au droit humain, le dogme au canon, dans le sens propre du mot.

C'est dans cette relation intime des traditions apostoliques avec la révélation divine qu'il faut chercher la raison de la vénération spéciale de l'Église pour tout ce qui remonte aux temps primitifs. Ces traditions, sur lesquelles reposent, outre le jeûne du carême, une foule d'autres institutions et usages ecclésiastiques (4), tels que la célébration du dimanche, la fixation de la fête de Pâques (5), l'usage de s'abstenir de la célébration des saints mystères, les deux derniers jours de la semaine sainte (6), l'Eglise les a toujours observées avec le plus grand respect, et s'est constamment montrée peu disposée à y introduire des changements (7). Voilà pourquoi, dès les premiers âges du christia

(1) Leo I, P., Serm. 4, de Quadrag. c. 1 (tom. I, p. 275): Magna divinæ institutionis salubritate provisum est.

(2) Augustin., loc. cit., lib. IV, c. 6, n. 8, col. 159; lib. II, c. 7, n. 12, col. 133 (note 20).

(3) Lupoli, loc. cit., p. 195, not. a. § 4, p. 525.

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(4) Mart. Peres. Ajala, Quidixiens. Ep., De divinis, apostolicis atque ecclesiasticis traditionibus deque authoritate ac vi earum sacrosancta, adsertiones ceu libri decem; in quibus fere universa Ecclesiæ antiquitas, circa dogmata apostolica, orthodoxe delucidatur; Colon., 1560, 8.

(5) Zallinger, Institutiones juris ecclesiastici, lib. subsid. II, p. 109. (6) Can. Sabbato, 13, d. 5, de Consecr. (Innoc. I, P., Ep. 25, ad Decent. Eugub. n. 7.- Coustant, Epistolæ Roman. Pontif., col. 859. Can. Ecclesiasticarum, 5, d. 11.

(7) Can. Hoc vestræ, 10, d. 11 (Leo I, P., Epist. 16, c. 6, col. 701).

nisme, on reconnaissait la tradition apostolique à son universelle diffusion sur toute la terre, et l'on peut admettre avec saint Augustin, comme une règle certaine, que toute institution généralement en vigueur à cette époque, dont l'histoire ne montre pas l'origine dans la création d'un concile, tire nécessairement sa source d'une tradition apostolique (1). « Vous demandez, dit « saint Jérôme (2), où cela est écrit? Dans les Actes des apôtres; << mais, alors même que l'on n'aurait point ici l'autorité d'un do«cument écrit, l'accord unanime de toute la terre tiendrait lieu «de prescription. » Tradition apostolique et diffusion universelle : ces deux faits marchent toujours à côté l'un de l'autre et impriment à une prescription le sceau de l'immutabilité. La tradition apostolique donne à tout ce qui émane d'elle un caractère auguste qui commande le respect et repousse toute pensée modificatrice, et l'accord unanime de l'Église exclut toute raison de rien changer à ce qui en est l'objet, bien que la chose en ellemême soit muable de sa nature. Au contraire, les divers usages des églises particulières sont facilement susceptibles de modifications (3).

Aussi l'Église a-t-elle conservé jusqu'aujourd'hui le dépôt intact, inaltéré, des traditions apostoliques. Ce que nos pères avaient trouvé dans l'Église, ils nous l'ont conservé; ce qu'ils avaient appris, ils nous l'ont enseigné; ce qu'ils avaient reçu de leurs pères, ils l'ont transmis à leurs enfants (4). A l'imitation de saint Paul, qui crut devoir se concerter avec ses collègues dans l'apostolat (5), quoiqu'il fût, ainsi qu'eux, inspiré du Saint-Esprit,

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(1) Can. Catholica, 8, d. 11. Can. Illa, 11, d. 12 (Augustin. Epist. 54, ad requisit. januar.; tom. II, col. 201).· Augustin., de Baptismo c. Donat., lib. II, c. 7, n. 12 (tom. IX, col. 133): Quam consuetudinem credo ex apostolica traditione venientem, sicut multa quæ non inveniantur in litteris eorum, neque in conciliis posteriorum, et tamen quia per universam custodiuntur Ecclesiam, nonnisi ab ipsis tradita et commendata creduntur. — Tertullian., de Coron., milit., c. 4.

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(2) Hieron., Dialog. c. Lucif., n. 8 (tom. II, col. 1637).

(3) Can. Illa, cit. § Alia vero, 1. Can. Omnia, 12, d. 12. - (Augustin.) (4) Augustin., c. Julian. Pelag., lib. II, c. 10, n. 34 (tom. X, col. 698). Can. Quorum, 6, d. 68 (§ 22, note 24).

(5) Galat. II, 2.

l'Église a constamment consulté l'enseignement et les institutions du passé, donnant ainsi à tous un grand exemple (1).

C'est ainsi que les successeurs des apôtres ont transmis à leur tour aux générations postérieures les préceptes qu'ils avaient recueillis de la bouche ou dans les écrits des disciples du Christ, mais tout en établissant selon le besoin, sur la base des traditions apostoliques, de nouvelles règles et de nouvelles institutions. Par là se sont formées les traditions ecclésiastiques (traditiones ecclesiastica) (2), (traditiones paternæ) (3), (traditiones patrum) (4), (veterum regulæ) (5), qui ne sont que la suite et le développement des traditions apostoliques, et auxquelles on a donné ces noms pour les distinguer de celles-ci (6). Ce que nous avons dit des unes peut également sans doute se dire des autres : création humaine, elles sont sujettes à changement comme tout ce qui émane de l'homme; mais elles ont été puisées, elles aussi, à la même source divine, et grand nombre d'elles se sont pareillement répandues dans toute l'Église; car la même foi, transmise par la même tradition, devait naturellement engendrer l'uniformité de discipline (7). Aussi l'Église a-t-elle toujours entouré ces traditions de vénération et de respect, de telle sorte que le pape Nicolas I repoussait comme ridicule la seule pensée de vouloir s'en écarter (8), et que le pape Sirice allait même jusqu'à déclarer que l'évêque qui s'éloignait des traditions antiques, s'il n'était pas tout à fait dans l'hérésie, était du moins sur une des voies qui y conduisent (9).

Et l'on ne doit pas s'étonner de la grande importance que les

(1) Cassian. Collat. II, de discret., c. 15 (tom. I, col. 549).

(2) Can. Illud, d. 12 (Hieron. Ep. 71, ad Lucin., tom. I, col. 672). (3) Can. Quia, 6, d. 64.

(4) Innoc. I, P., Epist. 2, ad Victric., c. 2 (Coustant, loc. cit., col. 748).

Le pseudo-Isidore parle des Instituta apostolorum et apostolicorum virorum canones, dans le Can. Nolite, 3, d. 11.

(5) Can. Quia, cit.

(6) Ferraris, Promta bibliotheca, s. v. Traditio.

(7) Siric. P. Epist. ad Gall. Episc., c. 9 (Coustant, loc. cit., col. 692). (8) Can. Ridiculum, 5, d. 12.

(9) Siric., P., Ep. cit. c. 2, col. 687. — Hinc, Rem., Opusc. 55, Capit.. 6. 18 (Opera, tom. II, p. 450).

papes ont attribué aux traditions; entre toutes les Églises, celles où Pierre, le prince des apôtres, avait établi sa chaire, devait naturellement se montrer la plus fidèle gardienne de la tradition apostolique, et par suite, de toutes celles qui s'y rattachaient (1). Aussi Libère (2) et Sixte III (3) invoquent-ils la tradition qu'ils ont reçue du premier pontife chrétien, et Léon, dans une lettre aux évêques de Sicile (4), leur déclare en propres termes qu'une transgression des prescriptions de l'Église romaine ne peut être accueillie indifféremment par le chef de la chrétienté, par la raison que, mère de la dignité sacerdotale, cette Église est en même temps l'institutrice chargée d'enseigner aux autres l'ordre qui doit régner dans le royaume de Dieu (5). Gélase s'exprime dans le même sens, dans une lettre aux évêques de Lucanie (6). Et ainsi, quand le pseudo-Isidore, se cachant sous le nom de Calixte er et de Jules Ier, imite le passage de la lettre de Léon (7) et reproduit les expressions de celle de Gélase (8), il ne fait que poser un principe vrai, déjà consacré par une longue suite de papes.

Jamais droit écrit ne jouit d'une autorité pareille à celle dont furent environnées les traditions dans les premiers siècles de l'Église. Les chrétiens, encore pleinement imprégnés de l'esprit du divin législateur, se guidaient dans toute leur conduite à la lumière de la foi de l'Église (9). Tant que dura cette ferveur

(1) Can. Quis nesciat, 11, d. 11 (Innoc. I, P., Ep. cit.). - Coustant, loc. cit., Præf. § 36. Can. Apud, 7, c. 25, q. 1: Apud nos enim inconvulsis radicibus vivit antiquitas, cui decreta Patrum sanxere reverentiam.

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(2) Liberii, P., Dicta (Coustant, loc. cit., col. 431).

(3) Xyst. III, Ep. 3, n. 5, col. 1260.

(4) Leo I, P., Epist. 16, c. 1, col. 696.

(5) Can. Præceptis, 2, d. 12 (Greg. IV?).

(6) Gelas. I, P., Epist. 5, c. 9 (Hardouin, Concil., tom. II, col. 900). (7) Can. Non decet, 1, d. 12.

(8) Can. Nolite, 5, § Satis, d. 11.

(9) Mamachi, de' costumi de' primitivi. christiani libri tre, Rom., 1753, 5 vol.Jo. Frontonis, Epist. ad Franc. d. Harlay, Archiep. Rothom., de moribus et vita Christianorum in primis Ecclesiæ seculis, et Epist. ad Guil. de Lamoignon, Sen. Paris. Princ. de familia Christiana in primis Ecclesiæ seculis (Epist. et dissert. eccles., Veron., 1733, p. 1 et 29).

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