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en coutume, à l'égard des parties qui les ont pris d'un commun accord pour base de leurs conventions.

Outre cette disposition, le décret de Gratien en renferme encore plusieurs sur le même objet, également empruntées au droit romain (1); ce sont spécialement celles qui donnent à la coutume une grande autorité, autorité telle, que tout ce qui se fait contre une coutume fondée sur un ancien usage doit être rejeté par le juge comme nul et non avenu.

Les papes aussi invoquent souvent dans leurs décrétales les paroles du Codex concernant la force légale de la coutume. C'est ainsi qu'Alexandre III (2) dispose, en thèse générale, que toute coutume équitable doit être maintenue (3), et déclare qu'il serait difficile pour un évêque de ne tenir nul compte de l'ancienne coutume des églises voisines (4). Honorius III (5) et Grégoire IX (6), ainsi qu'Innocent III (7), qui s'appuie du sentiment de Callistrate, disant que la coutume est le meilleur interprète des lois (8), professaient également les mêmes principes. Clément IV, dans une lettre qui ne figure point dans les recueils authentiques, proclame, comme une règle absolue (9), que, de même qu'il faut étouffer dans son germe, comme un fléau funeste, toute coutume pernicieuse, de peur que les méchants ne s'en fassent une arme contre la loi, de même on doit observer fidèlement et inviolablement toute coutume louable et honorable qui profite au salut des âmes et à l'agrandissement de l'Église.

Si nous interrogeons maintenant les Pères de l'Église et d'autres écrivains ecclésiastiques, en commençant par deux hommes

(1) L. 1. Cod. quæ sit longa consuetudo (VIII, 53), in Can. Consuetudo, 7, d. 12, et L. 2, eod. in Can. Consuetudinis, 4, d. 11.

(2) Cap. Cum causa, 8, X, de Sent. et re judic. (II, 27).

(3) Cap. Sicut consuetudo, 2, X, de Probat. (II, 19, p. d.). (4) Cap. Super eo, 3, X, de Cognat. spirit. (IV, 11).

(5) Cap. Cum consuetudinis, 9, X, h. t.

(6) Cum tanto, 11, eod.

(7) Cap. Cum dilectus, 8, eod. Cap. Abbate, 25, X, d. V. S. (V. 40,, d. d.

(8) L. 57, d. de Legib.

9) Clem. IV, P., epist. 668, ann. 1268 (Martène, Nov. Thes. Aneed., vol. II, col. 612).

pareillement illustres à ce double titre, par les deux grands papes Léon et Grégoire, nous retrouvons partout les mêmes idées et les mêmes préceptes. Dans sa lettre à Hilaire de Vienne, Léon invoque l'ancienne coutume qui impose aux évêques l'obligation d'adresser au saint-siége leurs consultations et leurs appels (1). Grégoire écrit à l'évêque de Milan (2) de vérifier si c'est en vertu d'une ancienne coutume qu'il a pour pratique, ce dont certaines personnes se scandalisaient, de faire mention à la messe du nom de l'évêque de Ravenne. Il ajoute qu'en cas où il acquerrait la certitude de l'existence de cette coutume, il n'ait nullement à s'inquiéter de vains propos de gens déraisonnables; mais que, dans le cas contraire, il doit, à l'avenir, abandonner l'usage de cette mention. Dans une autre circonstance, le même pape se déclara pour l'inaltérable maintien de la coutume qui régnait en Numidie relativement à l'institution des évêchés, sous la réserve expresse qu'elle ne renfermât rien de contraire à la foi catholique (3). Jean Diacre, biographe de ce pontife, signale encore, comme un principe inébranlable chez lui, de ne souffrir en aucun cas de la part de personne la plus légère violation des auciennes coutumes, et de remplir scrupuleusement de son côté toutes les obligations qu'il pensait lui être imposées par ces coutumes, comme, par exemple, l'usage d'adresser des lettres synodiques (§ 153).

Augustin, comme Tertullien, accorde également force de loi aux coutumes du peuple de Dieu et aux Institutiones avitæ, dans les divers cas où la sainte Écriture ne renferme pas de dispositions formelles, et assimile les contempteurs des antiques usages de l'Église aux transgresseurs de la loi divine (4). Il conseille en général de ne pas abandonner précipitamment ces usages, et de ne point y faire de changements, alors même qu'ils présenteraient des avantages réels, parce qu'il n'arrive que trop

(1) Leon. M., Epist. 10, c. 2.

-

Supra, § 152.

(2) Gregor. M., Epist. IV, 39 (Oper., tom. II, col. 719).

(5) Id. Epist. I, 77 (Can. Nos consuetudinem, 8, d. 12).

(4) Augustin. Epiş!. 56, ad Casulan. (tom. II, col. 136). Can. In his rebus, 7, d. 11.

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souvent que les innovations engendrent des dissensions (1); que si une coutume s'accorde avec les grands principes de la vérité religieuse, il est du devoir de tous les fidèles de l'observer et de la maintenir (2). C'est dans ce sens que le cardinal Humbert (1073), dans sa discussion avec les Grecs, disait que les Occidentaux considéraient comme lois apostoliques toutes les anciennes traditions apostoliques qui n'étaient point en opposition avec le dogme chrétien (3). Sous cette même réserve de la subordination des coutumes à l'autorité de la loi divine, Arnolf de Lisieux enseignait également que l'on pouvait, sans charger sa conscience, s'obliger à les observer (4).

A ces témoignages viennent se joindre encore ceux des Pères de l'Église. Nous citerons en particulier un passage de Nicéphore, patriarche de Constantinople, et un autre de Théodore Studite. Le premier, dans son livre sur les saintes images, s'exprime en ces termes : « Nous voyons les lois écrites tomber en désuétude, «parce qu'il règne dans l'Église d'Orient une tradition et une <«< coutume en contradiction avec ces lois. C'est qu'en effet c'est « la coutume qui fortifie tout, parce qu'elle est plus forte et plus « puissante que la parole. Et, dans le fait, qu'est-ce que la loi, << sinon la coutume écrite? Or la coutume est-elle autre chose « elle-même que la loi non écrite (5)? »

(1) Augustin. Epist. 54 (ad inquis. Januar., lib. I), cap. 5, n. 6 (tom. II, col. 1108) Ipsa quippe mutatio consuetudinis etiam quæ adjuvat utilitate, novitate perturbat. Cap. Cum consuetudinis, 9, X, h. t. : — Et plerumque discordias pariant novitates. Quod dilectio, 3, X, de Consang. (IV,

14, Cœlest. III.)

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-

(2) Augustin. de Baptism. contra Donat., lib. IV, cap. 5 (tom. IX, col. 157). Can. Frustra, 7 i. f. d. 8. - Herig. Abbat., Epist. (Martène, loc. cit., tom. I, col. 117) Consuetudo autem ecclesiarum, si non est contra fidem, nullo modo permutanda.

(5) Humbert., contra Græc. calumn. (Canisius, Thesaur. Monum. eccl. edid. Basnage, tom. III, p. I, p. 303.)

(4) Arnulf. Lexov., Epist. 34, ad Thom. Cantuar. (ed. Giles., p. 158): - Si regias dignitates et antiquas consuetudines, in quibus legi Dei non obviant, promittimus observare, non lædit, quia in his contra debitum nullatenus obligamur.

(5) S. Niceph., Lib. de imagin. (Canisius, loc. cit., tom. II, p. II, p. 18.)

Théodore professe le même sentiment; dans son premier dialogue contre les iconoclastes, il adresse cette question à son interlocuteur hérétique : « Combien ne devons-nous pas conserver «< pures et inaltérées au milieu de nous les antiques coutumes et << traditions de l'Église, quand les saints Pères nous font un de« voir de les suivre avec persévérance, en dépit des vains raison« nements qu'on y oppose (1)? »

Non moins énergiquement que les Pères de l'Église, les conciles se sont aussi prononcés à différentes époques en faveur du maintien des bonnes coutumes déjà consacrées par une longue pratique (2), et ont en même temps témoigné le désir de les voir rédigées par écrit (3), vœu exprimé également par divers évêques dans leurs statuts synodaux (4).

Parmi les diverses coutumes qui ont trouvé place dans le domaine du droit ecclésiastique, viennent en première ligne celles de l'Église romaine. C'est à cette Église qu'a été tout spécialement confié le dépôt des traditions apostoliques (§ 151). Sa législation coutumière devait aussi jouir et a joui, en effet, d'une plus grande autorité qu'aucune autre. C'est pourquoi Innocent IT (5) et Gélase (6) enjoignent aux évêques d'observer dans leurs églises les usages et les pratiques qu'ils savaient être en vigueur à Rome.

C'était donc avec juste raison que Jean de Salisbury considé

(1) Theod. Studit. Antirrhet. I, col. 103 i. f. (Sirmond., Op., tom. V.) (2) Cone. Constant., 5, cap. 2 (Hardouin, Concil. I, col. 810) : Tà; Sẻ ἐν τοῖς βαρβαρικοῖς ἔδνεσι τοῦ Θεοῦ ἐκκλησίας οἰκονομεῖσθαι χρὴ κατὰ τὴν κρατήσασαν συνηθείαν παρὰ τῶν πατέρων. Conc. Colon., ann. 1425, Conc. Const., ann. 1609, Const. prov. Edmundi Cantuar., ann. 1257,

cap. 4 (dans Harzheim, Concil., tom. V, p. 218).
tit. 5, cap. 5 (VIII, 853).
c. 7 (Hardouin, VII, 267).

- Ut

(3) Conc. ap. Castr. Gonter., ann. 1231 (Hardouin, VII, 192) : consuetudines cathedralium redigantur in scriptis, ne valeant ignorari. (4) Par exemple, Erasme de Strasbourg dans Syn. Argent., ann. 1549, c. 4 (Harzheim, VI, 462).

(5) Innoc. I, P., Epist. 25, ad Decent. Eugeb., c. 1 (Coustant, Epist. Rom. Pontif., col. 853), et cap. fin., col. 864.

(6) Gelas., P., Constit., c. 6, de Diacon., in Leon. M. Op., edit. Baller., tom. III, col. 412 (696),

rait comme un titre de gloire pour l'Église d'Angleterre la fidélité avec laquelle elle avait toujours marché sur les traces de la grande métropole romaine (1), et il ne fallait rien moins que toute l'impudence du faux patriarche Photius, pour oser soutenir, devant la réprobation formelle de Rome, la légitimité de l'abus introduit dans l'Église byzantine, d'élever des laïques à la dignité du patriarcat (2).

En présentant ici tout cet ensemble de témoignages, nous avons voulu montrer quelle place importante l'Église donne à la coutume dans l'économie de son droit. Une question nous resterait à examiner celle de savoir si l'Église a, en général, favorisé cette influence de la coutume, ou si elle l'a seulement subie; mais cette question n'entre pas dans notre cadre, et nous nous y arrêterons d'autant moins que, jusqu'à présent, nous n'avons reproduit que des passages favorables à la coutume, sans en rapporter aucun de ceux qui, dans certaines conditions, se déclarent formellement contre elle. Nous n'avons pas non plus à nous occuper du plus ou moins d'exactitude de l'opinion, aujourd'hui généralement admise, qui place dans la conscience humaine l'origine du droit, et spécialement du droit coutumier (3). Néanmoins, quand il s'agit de déterminer la sphère d'action de la coutume dans le domaine du droit ecclésiastique, on ne peut entièrement laisser à l'écart la question générale de la formation du droit coutumier; d'ailleurs, les textes mêmes que nous avons empruntés aux sources du droit canonique, pour établir la valeur de la coutume, nous conduisent immédiatement à cette question.

(1) Joh. Saresb., Epist. 17, ad Adrian. IV, P. (edid. Giles, vol. I, p. 19): Sanctæ Romanæ Ecclesiæ consuetudo, vestigia cujus, ut justum est, Anglorum Ecclesia imitatur.

(2) Pseudosyn. Phot., ann. 879 (Hardouin, tom. VI, p. I, col. 31). (3) Puchta, das Gewohnheitsrecht, vol. I, Erl. 1828, vol. II, 1837. Rosshirt, Geschichte des Rechts im Mittelalter, th. I, p. 467 sqq.

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