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coutume qui s'y rattachait perd aussitôt par là même sa force légale (1).

Quelque étendue et complète que soit la législation calquée sur le droit divin, comme néanmoins ses dispositions ne descendent pas dans tous les détails spéciaux, elle laisse le développement d'un grand nombre de points disciplinaires, soit à la législation particulière de chaque diocèse (§ 157), soit à la pratique; et c'est ainsi qu'ont surgi les coutumes que l'on désigne ordinairement sous le titre de consuetudines præter legem. Dans les monastères eux-mêmes, à côté des règles si complètes des divers ordres religieux, il existe encore certains devoirs particuliers non moins obligatoires, et qui ne sont au fond que de simples consuetudines (2).

La grande diversité de ces coutumes particulières a sa source dans la diversité même du sens humain (3); mais elle peut aussi provenir soit de la négligence, soit de la simplicité et de l'ignorance, comme le prétend saint Irénée dans la lettre qu'il adresse au pape Victor I, au sujet du défaut d'uniformité régnant parmi les différentes églises dans l'observation du jeûne (4). Cette diversité ne porte aucune atteinte à l'unité et à la beauté de l'Église: elle se présente à son époux, semblable à la royale vierge du Psalmiste (5), revêtue d'une robe resplendissante d'or pur, dont la magnificence est encore rehaussée par la variété des franges dont elle est ornée (6). Cette même diversité n'est pas

(1) Pirhing, loc. cit., n. 6, p. 120.

(2) Dialog. int. Cluniac. et Cisterc. Monach., p. III, n. 8 (Martène, Nov. Thes. Anecd., tom. V, col. 1631).

(3) Anselm. Canterb., ad Wallram, querel. Respons., cap. 1 (Op., p. 159): Si autem quæritur unde istæ natæ sunt consuetudinum varietates, nihil aliud intelligo quam humanorum sensuum diversitates. Qui, quamvis in rei veritate et virtute non dissentiant, in aptitudine tamen et decentia administrationis non concordant. Quod enim unus aptius esse judicat, alius sæpe minus aptum æstimat: neque in hujusmodi varietatibus non consonare, puto ab ipsius rei veritate exorbitare.

(4) Iren., Epist. ad Victor. I, P. (Coustant, Epist. Rom. Pontif., col. 103.)

(5) Psalm. XLV, 11, 15.

(6) Gerhoc. Reichersp., De corrupto Eccl. statu (dans Baluze, Miscell., vol. VI, p. 170).

non plus une cause de troubles pour la paix et la charité qui doivent régner dans l'Église; c'est ce que prouvent encore saint Irénée (1), et, après lui, Firmilien (2), dans une lettre à saint Cyprien, et leur témoignage est pleinement confirmé par celui de Grégoire le Grand (3) et d'Ildefonse de Tolède (4). Mais c'est surtout dans Pierre de Cluny que l'on trouve cette considération largement et éloquemment développée (5). Après avoir dit combien c'est chose blâmable que la différence des ordres réguliers devienne un ferment de dissension parmi les religieux des monastères, et fait une touchante exhortation sur la pratique de la charité, sans laquelle le commandement du Christ n'est pas accompli, il continue ainsi :

«Si, à cause de la diversité des usages, on voulait s'écarter « de la loi de Jésus-Christ, elle serait bientôt entièrement aban<«< donnée, car, depuis la fondation de l'Église, la terre s'est coua verte d'une multitude d'églises particulières qui toutes servent «Dieu dans une même foi et une même charité, quoiqu'il règne << parmi elles une variété d'usages aussi illimitée que le nombre << de ces mêmes églises. Cette immense variété se produit par« tout : dans les chants, dans les leçons, dans les fonctions ecclé«siastiques, dans le vêtement, l'abstinence, pour tout ce qui n'a a pas été irrévocablement fixé par la législation suprême de « l'Église. Il en est de même d'une foule d'autres choses sem« blables, qui, selon la différence des temps, des lieux, des na«tions, ont été réglées par les supérieurs des églises, auxquels «< il est permis, d'après le témoignage de l'apôtre (6), de ne con« sulter à cet égard que les inspirations de leur conscience. Eh! «< quoi donc, toutes ces églises auront-elles abandonné la pra

(1) Iren., loc. cit.

(2) Firmil., Epist. ad Cyprian. (Int. Epist. Cypr. 75.)

(3) Gregor, M., Epist. 1, 43, ann. 591 (Can. De trina, 80, d. 4, de Consecr.).

(4) Hildef., Lib. annot. de cognit. baptismi, cap. 117 (Baluze, Miscell., vol. VI, p. 85).

(5) Petr. Vener., Epist. (int. Bernardi, Epist. 229, c. 8, tom. I, p. 216). (6) Rom. XIV, 5.

<«<tique de la charité, parce qu'elles ont changé la coutume? «Cesseront-elles d'être chrétiennes, parce qu'elles ont adopté « des usages différents? Le bienfait suprème de la paix fuira-t-il << du milieu d'elles parce que chacun remplit ses devoirs chrétiens « à sa manière (1)? Certes, ce n'est pas ainsi que s'exprimait, « par la parole et par l'exemple, le saint docteur de l'Église Am«broise, lui qui, parlant du jeûne du samedi (2), qu'il avait vu << observer à Rome et qu'il ne trouva point établi à Milan, lors«< qu'il fut appelé au siége épiscopal de cette ville, disait : Quand je suis à Rome, j'observe le jeune pratiqué par cette église, « et quand je suis à Milan, je ne jeûne pas, pour me confor« mer à l'usage de cette dernière église (3). Augustin raconte « aussi, en peignant la piété de sa mère, qu'Ambroise s'était op« posé à ce que, contrairement à l'usage des églises d'Italie, elle « présentât ses offrandes à l'autel, selon la coutume qu'elle avait « apprise dans les églises d'Afrique. »>

Il résulte de ces exemples que c'est un devoir pour les évêques de maintenir et d'observer exactement, comme le fit saint Ambroise, les coutumes et les institutions (4) qu'ils trouvent en vigueur dans leurs diocèses (5). Les supérieurs et les membres des corporations religieuses ne doivent pas moins religieusement conserver les coutumes particulières de ces corporations, et notamment ne pas supprimer, du moins arbitrairement, celles qui ne vont pas directement contre la règle de l'ordre (6). Il ne faut même rien moins qu'une nouvelle loi, non générale, mais spéciale, pour abolir une coutume qui ne peut se concilier avec elle (7),

(1) Quia unusquisque modo vario operatur bonum?

(2) Bened. XIV, de Synod. diœc., lib. XI, cap. 5, n. 2 sqq. — Cap. Consi lium, 2, X, de Observ. jejun. (III, 46).

(3) August., Epist. ad Januar., cap. 1 (Can. Illa autem, 11, § Alia, 1 d. 12).

(4) Can. Catholica, 8, d. 11 (August.). - Synod. Argent., cit., p. 645. (5) Bened. XIV, loc. cit., n. 1.

(6) Francisc., Monach. Carthus. Epist. ad Aynardam, prioriss. (Martène, Nov. Thes. Anecd., tom. I, col. 1794.)

(7) Cap. Licet Romanus, 1, de Constit. in 6to (1, 2). Glossa Singularium.

à moins que la loi générale ne renferme cette clause (1): Non obstante quacumque consuetudine (2).

Il ne reste plus qu'une question à examiner, savoir : le droit canon admet-il aussi les coutumes qui dérogent à la loi? Par plusieurs raisons, il semble que cette question puisse à peine être posée. Nous avons déjà dit plus haut (§ 162) que le passage de la constitution de l'empereur Constantin le Grand, inséré dans le décret de Gratien, et qui n'accorde à la coutume aucune autorité supérieure à la loi, devait être pris à la lettre. De plus, toute loi ecclésiastique reposant sur un principe chrétien, on pourrait croire que toute coutume contraire au droit positif, encourant ainsi le reproche d'ètre en opposition avec sa base divine, doit être absolument repoussée. A ces considérations vient se joindre l'esprit de la bulle de Pie IV, In principiis, portant suppression de tous indults, priviléges, concessions, etc., et en même temps de toutes coutumes qui pourraient être en désaccord avec le concile de Trente (3).

Toutefois cette disposition contre les coutumes dérogeantes n'est pas la suppression générale et absolue de tout cet ordre de coutumes. La clause Non obstante quacumque consuetudine ne concerne que les coutumes existantes et non celles à venir, et conséquemment elle ne saurait les exclure par elle-même (4). De plus, c'est un principe formellement reconnu dans les Décrétales, notamment par Innocent III (5), qu'une coutume dérogeante doit avoir force de loi quand elle peut être prouvée. Enfin, la constitution impériale est reproduite dans les décrétales de Grégoire IX (6), et paraphrasée dans des termes qui, tout en li

(1) Cap. Cum sæpe, 40, de Elect. in 6to (I, 6.) — Cap. Statutum, 7, eod., in Clem. (1, 3).

(2) Reiffenstuel, loc. cit., n. 182, p. 173.

(3) Pii IV, P., Const. 94, ann. 1564 (Bullar. Rom., edit. Luxemb., tom. II, p. 145). — Devoti, Instit. canon., tom. I, p. 46.

(4) Reiffenstuel, loc. cit., § 184, n. 173.

(5) Cap. Cum dilectus, 8, § Ceterum, X, h. t. :- Si-talis fuerit consuetudo probata, quæ juri communi præjudicet, in hac parte secundum illam decernatis.

(6) Cap. Cum tanto, 11, X, h. t. Cum tanto sint graviora peccata,

mitant, il est vrai, les effets légaux de ce genre de coutumes, par des réserves déterminées, leur laisse cependant une certaine valeur.

La décrétale Cum tanto se distingue des autres en ce qu'elle n'est point empruntée à une lettre papale déjà publiée ou à quelque autre source de droit, mais a été rendue, à ce qu'il paraît, par Grégoire IX à l'occasion de la nouvelle rédaction de Raymond de Pennafort, pour établir dans la position des coutumes vis-à-vis des lois une distinction générale dont la nécessité se faisait sentir depuis longtemps. Loin de modifier essentiellement cette disposition de Constantin, que la coutume ne saurait prévaloir contre la loi, cette décrétale concorde parfaitement avec les décrétales conçues dans le même sens d'Alexandre III et de Lucius III. Le premier de ces deux papes (1) dit aussi, comme le passage précité du Codex, que la coutume ne peut préjudicier ni à la vérité, ni à la loi; et Lucius (2) repousse également, comme contraire à la lettre même des canons, la coutume en vertu de laquelle un ecclésiastique serait déféré à des juges séculiers. Cependant le passage d'Innocent III ci-dessus mentionné semble admettre en même temps la possibilité des coutumes dérogeantes pour des cas de peu d'importance, et la décrétale Cum tanto doit être entendue dans ce sens. Grégoire IX, comme Alexandre III, rejette non-seulement toute coutume contraire au droit divin, mais encore celle même qui ne porte atteinte qu'au droit positif hu

quanto diutius infelicem animam detinent alligatam, nemo sanæ mentis intelligit, naturali juri (§ 149), cujus transgressio periculum salutis inducit, quacumque consuetudine, quæ dicenda est verius in hac parte corruptela, posse aliquatenus derogari. Licet etiam longævæ consuetudinis non sit vilis auctoritas, non tamen est usque adeo valitura, ut vel juri positivo debeat præjudicium generare, nisi fuerit rationabilis et legitime sit prescripta. — L. 2, Cod. quæ sit longa consuet. (VIII, 55): Consuetudinis ususque longævi non vilis auctoritas est: verum non usque adeo sui valitura momento, ut aut rationem vincat aut legem.

(1) Cap. Cum causa, 8, X, de Sent. et re judic. (II, 27): Licet usus vel consuetudinis non minima sit auctoritas, nunquam tamen veritati aut legi præjudicat.

(2) Cap. Clerici, 8, X, de Judic. (II, 1): Non debet in ac parte canonibus ex aliqua consuetudine præjudicium generari.

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