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main. On peut donc ériger en règle générale et qui, à consulter tout l'esprit de la législation ecclésiastique, ne comporte que de rares exceptions, que les coutumes qui sont déjà en pleine vigueur doivent être suivies, pourvu qu'elles soient raisonnables et qu'elles aient prescrit. Nous allons entrer dans l'examen de ce qu'il faut entendre par ces deux conditions (§ 165); en attendant, nous poserons néanmoins ici en principe général et rigoureux que nulle coutume dérogeante ne saurait prévaloir contre une loi absolue, concordant avec l'ensemble de l'organisme du droit de l'Église, ou imposant une prescription ou une défense fondée sur un motif de morale (1); dans de telles conditions, la coutume est essentiellement contraire à la raison et ne peut, dans aucune hypothèse, acquérir force de loi (2).

S CLXI.

5. Conditions canoniques des coutumes en général.

L'action, déjà assez peu importante en elle-même, que les coutumes exercent dans le domaine du droit ecclésiastique, est encore restreinte par les conditions que ce même droit leur impose. La première de ces conditions, celle que l'Église exige le plus rigoureusement et avant toute autre, c'est que toute coutume, qui, par sa nature, ne dérive point du droit divin, et n'en est pas simplement l'extension pratique (§ 162), qu'elle soit d'ailleurs ancienne ou nouvelle, générale ou particulière, qu'elle ait pour objet de compléter la loi ou d'y déroger, ne soit point en opposition avec les vérités fondamentales du christianisme. Comme les canons insistent tout particulièrement sur cette qualité, nous devons lui consacrer nous-même une étude spéciale.

Jésus-Christ reprochait aux Pharisiens de transgresser la loi divine pour suivre les traditions de leur secte (3). Get exemple

(1) V. Savigny, loc. cit., p. 57.

(2) Rosshirt, loc. cit., p. 477.

(3) Ev. Matth. XV, 3, 6.

Hieron., Comment. in Isaiam Proph., lib. I,

cap. 1 (tom. IV, col. 25), lib. IV, cap. 10, col. 141.

du Sauveur ne montre-t-il pas que toute coutume qui prétend avoir des titres à l'obéissance des fidèles doit, au préalable, se soumettre elle-même à l'examen de l'Église, pour savoir si elle concorde avec la vérité? Déjà les plus anciens Pères de l'Église se plaignaient de ce qu'un grand nombre de coutumes, reposant sur un faux principe, s'étaient introduites dans la législation ecclésiastique, et ils veulent que, lorsque l'usage n'est pas en harmonie avec la vérité, le premier s'efface toujours devant celleci. Clément de Rome (1) distingue la vérité de la coutume, en disant que la première ne se révèle qu'à celui qui la cherche de bonne foi, tandis que la coutume s'impose toujours d'elle-même.»> Saint Cyprien démontre avec force que « c'est vainement que les déserteurs de la loi, vaincus par le raisonnement, en appellent à la coutume, comme si la coutume était au-dessus de la vérité (2). « La coutume, dit-il ailleurs, ne doit jamais être un obstacle an triomphe et au règne de la vérité (3). » Dans le concile de Carthage (225), où fut résolue la question du baptême des hérétiques, il s'exprime encore dans le même sens, et ses paroles trouvent un écho dans les déclarations de plusieurs autres évèques. « Personne, dit Félix de Bysagium (4), ne place la coutume au-dessus de la raison et de la vérité; car c'est la raison et la vérité qui expriment la coutume. » Honorat de Tucca (5) se faisait l'organe du même sentiment quand il disait : « Le Sauveur a dit: Je suis la vérité; que nul ne suive la coutume de préférence à la vérité! »

Saint Augustin reproduit littéralement les paroles de Cyprien et celles de Félix (6), et la pensée d'Honorat revit sous une autre forme dans les lettres de deux pontifes: « Celui qui préfère la coutume à la vérité, agit comme si le Christ avait dit : Je suis la coutume; » ainsi s'exprimait Grégoire VII en réponse à l'appel

(1) Clement. I, P., Fragm. 6 (Coustant, Epist. Roman. Pontif., col. 48). (2) Can. Frustra, 7, d. 8.

Can. Consuetudo, 8, eod.

(4) Conc. Carth., ann. 255, c. 63 (Hardouin, Concil., tom. I, col. 174). (5) Conc. Carth., cit., c. 77, col. 175.

(6) Can. Veritate, 4. Can. Qui contempta, 6.

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Can. Frustra, 7, d. 8.

aux coutumes, élevé par l'empereur d'Allemagne dans la querelle des investitures (1). Urbain II repoussait dans les mêmes termes l'usurpation de Robert, comte de Flandre (2), qui s'était arrogé un droit de succession ou plutôt de dépouilles sur les biens des clercs décédés, et prétendait étayer ce droit sur l'usage du pays. C'est aussi sur les usages et coutumes du pays que l'État, dans ses démêlés avec l'Église, fondait le plus souvent une foule d'injustes prétentions; comme, par exemple, les avitæ consuetudines d'Angleterre (3), qui valurent la mort à saint Thomas de Cantorbéry; et c'était là encore l'éternel prétexte qu'invoquaient jadis tant de princes, de comtes et de seigneurs, pour justifier les innombrables exactions qu'ils commettaient sur les domaines de l'Église (4).

Ces conditions restrictives de la légitimité des coutumes sont également sanctionnées dans les recueils de droit canon par une foule de témoignages, ainsi que par un grand nombre de décisions pontificales. Alexandre III, par exemple, tout en reconnaissant l'autorité de la coutume, ajoute que « néanmoins elle ne doit préjudicier ni à la vérité, ni à la loi. » Grégoire IX émet la même opinion en ces termes (5): « Comme les péchés sont d'autant plus lourds qu'ils tiennent plus longtemps les âmes malheureuses dans leurs chaînes, il est évident, pour quiconque n'a pas perdu

(1) Can. Si consuetudine, 5, d. 8. Berardi, Gratiani canon. genuin., p. II, tom. II, p. 344. - Dial. int. Cluniac. et Cisterc. (Martène, Nov. Thes. Anecd., tom. V, col. 1592.)

(2) Urban. II, P., Epist. ad Robert., ann. 1092 (Conc. Rem. dans Hardouin, tom. VI, p. II, col. 1699). — Epist. Cleri Flandr., ad Raynald. Archiep., col. 1700.

(3) Johan. Pictav. Ep., Epist. ad Thom. Cantuar. Archiep. (Lupus, Oper., tom. X, p. 65): Detestabiles illas profanasque consuetudines. - Johan. Sa

resb., Epist. 145 (edid. Giles. vol. I, p. 238).

(4) Gottfr. Vindoc., Epist., lib. I, ep. 2, ad Paschal. II, P. (Sirmond., Op., vol. III, col. 626): Perversæ quædam exactiones sive consuetudines. Lib. II, ep. 24, ad Gottfr. Ep., col. 704.-III, 7, ad Raimund. Ep., col. 751 Execrandæ consuetudines. - V, 20, ad Guillem. Duc. Aquit., col. 865: Consuetudines violenter impressæ. Gregor. M., Epist., lib. I, ep. 66, ad Felic. Massan. Ep. (vol. II, col. 553). (5) Cap. Cum tanto, 11, X, h. t. (§ 162, p. 405, note 6).

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le sens commun, qu'aucune coutume ne saurait déroger au droit naturel (§ 149) dont la transgression entraîne le péril de l'âme. Une telle coutume ne mériterait plus que le nom de peste. »

Ces paroles de Grégoire, empruntées au célèbre chapitre Cum tanto (p. 403, not. 5), sont suivies de celles-ci, qui posent les véritables bases de la théorie de tout le droit canon sur le droit coutumier: «En effet, continue ce pape (1), bien que l'antique coutume n'ait pas une médiocre autorité, elle ne peut aller cependant jusqu'à préjudicier à une loi, cette loi fût-elle purement positive, c'est-à-dire de droit humain, à moins qu'elle ne puisse invoquer en sa faveur une prescription accomplie dans les conditions exigées par la raison et par la loi. »>

Caractère raisonnable, prescription légale telles sont donc, selon Grégoire IX, les conditions voulues pour que la coutume ait force de loi; la glose du canon Frustra et celle de la décrétale Cum tanto (2) y en ajoutent neuf à dix autres. Ainsi la coutume doit avoir subi l'épreuve d'un contradictorium judicium et avoir été pratiquée, par ceux qui l'observent, avec conscience de leur droit et avec l'intention de continuer à l'avenir à la prendre pour règle de conduite; l'objet auquel elle se rapporte doit être prescriptible; elle doit elle-même justifier son nom de coutume par l'antiquité de son origine, ainsi que par une pratique traditionnelle et constante; elle ne doit point blesser l'équité naturelle (3); de plus, il faut qu'elle ait été introduite en connaissance de cause, non par le fait d'une pure tolérance de la part du législateur, encore moins à la faveur d'une erreur; enfin, il est nécessaire que la plus grande partie de la population soit familiarisée avec l'usage de cette coutume; car, de même que la minorité ne peut faire une loi valable, de même elle ne saurait non plus établir une coutume obligatoire.

Or, en examinant de près ces conditions exigées par la glose

(1) Supra, § 162.

(2) Glossa Consuetudinem, ad Can. Frustra, 7, d. 8, 11, v. Scias ergo. - Glossa Legitime sit præscripta, ad cap. Cum quanto, cit.

(3) Glossa Legitime, cit. Puchta, Gewohnheitsrecht, vol. II, p. 25 sqq.

pour la validité canonique des coutumes, on découvre immédiatement que plusieurs sont défectuenses. Si la preuve d'une coutume in contradictorio judicio était une condition indispensable, il n'y aurait pas de coutume possible; car ou elle n'est qu'une lettre morte devant la sentence du juge, et alors le juge ne peut déclarer qu'elle a eu force de loi et qu'elle a pris racine dans la législation coutumière; ou elle est en pleine vigueur, et alors elle n'a pas besoin d'une reconnaissance judiciaire qui lui imprime le sceau de la loi (1). Il en est de même du consentement du législateur; Boniface VIII dit, il est vrai, que le pape garde tous les droits dans le sanctuaire de son cœur (2); mais il ajoute luimême qu'il ne faut pas entendre par là que la connaissance qu'il en a s'étend aux coutumes et statuts de chaque localité, de chaque individu, et que ce sont là des faits particuliers qui ne peuvent être atteints par des lois générales qui ne les ont point spécialement en vue (3). Enfin, pour ce qui est du consentement du peuple (4), manifesté par l'acceptation de la majorité, il en est de cette condition, empruntée par la glose à la théorie de Julien, comme de la plupart des autres qu'elle énonce, et qui rentrent dans les deux principales posées par Grégoire IX (5).

La glose elle-même finit par se ranger à ce système; Jean Séméca, l'auteur de l'énumération que nous avons reproduite, ainsi que Barthélemy (6) et Bernard de Botone (7), réduit les conditions constitutives de la validité de la coutume aux deux que nous avons présentées comme suffisantes et indispensables. Nous allons les examiner successivement.

Leuren,

(1) Pirhing, Jus canon. h. t., sect. 1, § 4, n. 23 (tom. I, p. 125). — Reiffenstuel, Jus canon. h. t., § 6, n. 146 sqq. (tom. I, p. 170). Forum eccles. h. t., q. 380 (tom. I, p. 206).

(2) Cap. Licet Romanus, 1, de Constit. in 6to (I, 2).

(3) Puchta, loc. cit., p. 46.

(4) Reiffenstuel, loc. cit., 15, n. 110 sqq., p. 166.
(5) Id., ibid., § 2, n. 30, p. 157.

(6) Glossa Consuetudinem, cit. cundum canones, quod sit rationabilis et præscripta: ut extra de consuetu, cap. ulti. Bartholo. Brixien.

- Hoc breviter teneas, quod sufficit, se

-

(7) Glossa Legitime, cit. Sed secundum hanc decr. satis sufficere videtur, si consuetudo solummodo sit rationabilis et præscripta. Ber.

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