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Les investitures, dans le sens propre du mot, devaient leur origine au droit germanique, dont l'esprit, bien différent en cela de celui du système romain, était éminemment propre à fonder et à développer entre l'Église et l'État une alliance intime et sincère, source d'une véritable liberté (1).

A ce point de vue, l'Église n'avait rien à craindre de l'organisation de son clergé sur la base de la constitution germanique; les évêques et les abbés pouvaient acquérir en fiefs, dans tout l'Occident, de grandes possessions territoriales, et arriver par là à occuper une position importante dans les diètes, sans qu'il en résultât aucun dommage pour les intérêts spirituels confiés à leur gestion. Malheureusement le défaut de distinction est l'ombre qui accompagne constamment le corps germanique dans sa marche à travers l'histoire; c'est à cette tendance fatale à confondre les choses les plus inconciliables qu'il faut attribuer l'obligation imposée aux évêques d'acquitter personnellement la dette féodale du service militaire, et c'est elle aussi qui fit de la féodalité, qui dominait alors toutes les situations, la règle déterminante de la position des prélats vis-à-vis des souverains. Dans un tel état de choses, il ne restait autre chose à faire à l'Église que de se plier, autant que possible, à l'esprit du temps. Des conciles, des papes et une foule de saints évêques reconnurent, par tolérance, les devoirs féodaux des prélats à l'égard des princes temporels; de saints rois, tels que l'empereur Henri II et Étienne de Hongrie, en exigèrent l'accomplissement, sans que personne, durant toute cette période, songeât à s'en scandaliser (2). On peut regretter que les nécessités du temps eussent imposé aux évêques de semblables charges (3), et l'on doit se réjouir du changement survenu

sustentatur. Nom enim possessiones haberet Ecclesia, nisi sibi a regibus donarentur et ab ipsis non quidem divinis sacramentis, sed possessionibus terrenis investirentur.

(1) Abhandlung: «Bischof Altmann von Passau im Investiturstreit >> in dem Histor. polit. Blættern, vol. XX, p. 337 sqq.

(2) Thomassin, Vetus et nova eccles. discipl., p. III, lib. I, c. 45 (tom. VII. p. 361).

(3) Fetr. Damian., Epist., lib. I, ep. 10 (Opusc. XX, c. 2, tom. III, p. 444). — Thomassin, loc. cit., n. 3, p. 366.

à cet égard à une autre époque; mais on ne saurait blâmer sans injustice la discipline de l'Église de s'être montrée si conciliante. Toujours tendre envers les hommes, dont elle veut avant tout le bonheur éternel, l'Église ne néglige aucune occasion de faire servir au salut des âmes les usages mêmes et les institutions des peuples; et si elle toléra dans son sein les coutumes de la féodalité, tant qu'elle n'y vit rien de contraire à sa foi et à sa morale, elle les attaqua de la manière la plus énergique, quoique toujours avec sagesse, aussitôt que ces coutumes, dégénérées en sources d'abus, menacèrent de porter le trouble dans ses lois et le désordre dans les consciences.

La constitution féodale du clergé entraînait souvent pour les évêques un conflit de devoirs très-embarrassant. Transformés en vassaux du roi, il leur était difficile de concilier les obligations de leur charge pastorale avec celles qu'ils devaient remplir envers leurs seigneurs et dont néanmoins ils ne pouvaient s'affranchir. Point de consécration épiscopale qui ne dût être précédée de la collation de l'investiture, et avant laquelle l'évêque ne fût obligé, quelque avilissante que fût pour sa dignité cette prescription (1), à faire l'hommage, ainsi que les vassaux séculiers, en mettant ses mains dans celles du roi (2). Les principes du droit germanique voulaient encore impérieusement que toute investiture, conséquemment aussi celle des évêques et des abbés, se fit par la présentation d'un symbole (3). Le roi conférait les fiefs aux dues sous l'emblème d'une bannière (4); les droits de comte étaient figurés par le don d'une épée; mais, quoique les fiefs ecclésiastiques fussent aussi sujets à l'obligation du service militaire, ces symboles tout guerriers ne pouvaient convenir au caractère spirituel des pasteurs de l'église; il avait fallu choisir de préfé

(1) Supra § 122.- Vita Chuonrad. I, archiep. Salzb., c. 4 (Fez, Thesaur. Anecd. nov., tom. II, p. III, p. 229).

(2) Thietm., Chron., lib. VI, c. 44 (Pertz, Monum. Germ. hist., tom. V, p. 825).

(3) Deutsche Geschichte, vol. I, p. 179 sqq., p. 595 sqq.- Deutsches Privatrecht, vol. I, p 419 sqq., vol. II, p. 398 sqq.-Voigt, Gregor. VII. p. 177 sqq.

(4) Hasta signifera, Thietm., Chron., lib. VI, c. 3,
p. 805.

rence, dans les investitures d'évêques et àbbés, des emblèmes
plus en rapport avec les dignités sacerdotales; et l'on avait adopté,
pour
les évêques, la crosse et l'anneau, et pour les abbés la crosse
seulement, usage qui déjà s'était pleinement établi vers le milieu
du dixième siècle (1).

Ces emblèmes, autant ils étaient convenables sous un rapport, autant ils l'étaient peu sous un autre. Le langage du symbole, expression du génie du droit germanique de cette époque, était alors un langage vivant et généralement compris. Quand donc l'évêque ou l'abbé, désigné par l'électeur ou nommé par le roi, recevait du monarque le bâton pastoral et l'anneau, cette cérémonie pouvait avoir un sens acceptable et vrai; elle ne devait exprimer, selon l'intention primitive (2), que les droits temporels attachés aux siéges épiscopaux; car la présentation des signes symboliques dans les investitures avait pour but de rendre sensible aux yeux du peuple la transmission d'un droit dont le collateur était investi, à celui qui recevait ces symboles (3). Mais, pré

(1) Infra, p. 56, note 3. — Von Günderode, Deutsches geistliches Staatsrecht der Regierung Otto's des Ersten (Gesammelte Schriften, vol. I, p. 328). - Montag, Geschichte der staatsbürgelichen Freiheit, vol. I, p. II, p. 186.

(2) Ivo Carnot., Ep. 60 (edit. Paris., p. 27): Quæ concessio sive fiat manu, sive nutu, sive lingua, sive virga, quid refert? Cum reges nihil spirituale se dare intendant, sed tantum aut votis petentium annuere, aut villas, ecclesias et alia bona exteriora, quæ de munificentia regum obtinent ecclesiæ, ipsis electis concedere. Chron. Casin., aurt. Petro IV, 40 (Pertz, tom. IV, p. 781; tom II, p. 71): Quamvis ille (Henr. V) per investituras illas non Ecclesias, non officia quælibet, sed sola regalia se dare assereret.

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(3) Placid. Nonant. (c. 1120), de honore Eccles., c. 68 (Pez, loc. cit. tom. II, p. II, p. 112) : — Investitura ideo dicitur, quia per hoc signum, quod nostri juris est, alicui nos dedisse monstramus. Quod enim nostrum est, cum alicui ex nostra parte ad possidendum concedere volumus, cum exinde investire curamus, significantes videlicet et hoc signo illud, quod damus, nobis jure competere, et illum, qui accipit, quod nostrum est, per nos possidere. Humbert, Card., adv. Simoniac., lib. III, c. 6 (Martene, Nov. Thes. Anecd., tom. V, col. 779): Quid enim ad laicas pertinet personas sacramenta ecclesiastica et pontificalem seu pastoralem gratiam distribuere, camyros (i. e. curvos) baculos et annulos quibus præcipue perficitur, militat et innititur tota episcopalis consecratio? Equidem in camyris

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cisément pour cette raison, les deux emblèmes usités dans l'investiture des évêques étaient, sous un autre rapport, non-seulement mal appropriés, mais même dangereux. Ils signifiaient bien, à la vérité, que les évêques acquéraient un droit; ils donnaient à entendre que leur vocation n'était point la carrière militaire, mais bien le ministère tout pacifique du gouvernement des âmes; mais ils disaient encore autre chose. En effet, l'anneau est l'emblème de l'union de l'évêque avec l'Église, et la crosse est le symbole de son auguste pastorat (1); l'évêque reçoit celleci, dans l'ordination, des mains du consécrateur, pour conduire et gouverner son peuple, et l'anneau, pour qu'il soit pour lui le signe de l'éternel mystère de l'alliance de Jésus-Christ avec son Église (2). Ces emblèmes sacramentaux ne sauraient donc être donnés que par la main de l'Église; c'est elle qui, par l'organe du prélat consécrateur, les présente à l'évêque dans la cérémonie de la consécration, lorsqu'il en est décoré comme roi spirituel (3). En voyant le souverain temporel prendre la place du représentant de la puissance ecclésiastique, n'était-on pas involontairement conduit à penser que c'était ce souverain lui-même qui unissait l'évêque à l'Église et lui conférait la charge pastorale?

baculis superius ad attrahendum et invitandum uncinatis et inflexis; inferius vero ad repellendum et feriendum acuminatis et armatis, designatur quæ in eis committitur cura pastoralis. - Porro annulus signaculum secretorum cœlestium indicat, præmonens prædicatores, ut secretam sapientiam Dei cum apostolo dissignent. - Quicunque ergo his duobus aliquem initiant, procul dubio omnem pastoralem auctoritatem hoc præsumendo sibi vindicant.

(1) Eberh., Vita S. Gebhardi, Archiep. Salisb. (Canisius, Antiquæ lection., tom. II, p. 321): Accepto a rege Heinrico et casta desponsationis sacrosanctæ Ecclesiæ annulo et reverendæ pastoralitatis baculo.

(2) Plac. Nonant., loc. cit., c. 55, p. 104: Baculum — prædicatores Dominus ferre præcepit, ubi sicut B. pater Augustinus intelligit, subsidia temporalia eis ex ipsa prædicatione deberi monstravit. (C'est trop res treindre le sens symbolique du bâton.) Unde et nos intelligere decet, ideo institutum, episcopos vel abbates baculum de manu episcopi, cum consecrantur, accipere, ut noverint se terrenarum rerum, quæ Ecclesia possidet, de manu Domini veraciter tunc accepisse dominium. In annulo vero mysterium sacratissimæ conjunctionis, Christi videlicet et ejus Ecclesiæ designari certissimum est.

(3) Goffr. Vindocin., loc. cit., Opusc. 2, col. 885.

L'usage de ces symboles, entièrement déplacés dans les mains d'un roi (1), attendu que celui-ci, exerçant, dans un acte de la plus haute importance, les fonctions de l'évêque consécrateur (2), semblait faire remonter à la puissance royale, comme à leur véritable source, sous des signes visibles pour tous les yeux, et sous cette formule également perceptible pour toutes les oreilles: « Rece« vez cette église... (3), » le pouvoir gouvernemental de l'épiscopat et le sacerdoce lui-même (4); et ainsi s'établissait insensiblement un principe essentiellement hostile aux divins pouvoirs de l'Église, et subversif de son économie sacrée (5).

Aussi conçoit-on facilement que ce mode d'investiture ait été, à cette époque, taxé d'hérétique (6); c'est qu'on y avait reconnu la persistance opiniâtre dans une erreur dangereuse sur l'origine de la puissance spirituelle, et que l'on devait nécessairement considérer comme condamnable celui qui, après que l'Église s'était prononcée à cet égard, par une prohibition absolue de ces investitures, contribuait notoirement et sciemment par ses actes à entretenir cette erreur. Aussi, répondant à ceux qui prétendaient, sans pouvoir d'ailleurs fonder leur allégation sur aucune preuve, que des papes précédents avaient permis les investitures, Placide de Nonantule (7), disait-il, avec raison, qu'encore que cela serait, et quand les apôtres eux-mêmes auraient, dans leur temps,

(1) Paschal. II, P., Ep. 49 ad Rotard. Archiep. Mog. (Hardouin, Concil., tom. VI, p. II, c. 1811): Quid enim ad militem baculus episcopalis? quid annulus sacerdotalis? habeant reges quod regum est; quod sacerdotes.

(2) Goffr. Vindocin., loc. cit., Opusc. 2, col. 885, Opusc. col. 857. (3) Petr. Damian., Epist., lib. I, ep. 13, p. 18.

(4) Thomassin, loc. cit., p. II, lib. II, c. 38, n. 1, § 11 (toni. V, p. 239). (5) Goffr. Vindocin., Opusc. 2, col. 884 (Epist. III, 11, col. 739, 740): Ibi etiam in primis omnis ecclesiasticis ordo confunditur, quando hoc quod unicuique a solo suo consecratore in Ecclesia, cum orationibus, quæ ibi conveniunt, dari debent, a sæculari potestate prius accipitur.

(6) Petr. Damian., loc. cit. Gottfr. Vindon., loc. cit. Licet alia hæresis de investitura dicitur, contra sanctam Ecclesiam fortius jaculatur. Simoniaca etenim pravitas fit latenter: hæresis vero de investitura semper publice agitur. Gretser, lib. II, Contra replicat. c. 25 (Opera, tom. VI, p. 424, A.).

(7) Plac. Nonant., c. 69, p. 105, c. 81, p. 124.

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