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cette sommation en faisant prononcer, par un concile tenu à Worms, la déposition de ce même pape qu'il venait de reconnaître solennellement pour son souverain spirituel, et dont il avait mille sujets d'admirer les vertus, en l'accusant d'immoralité et d'usurpation du siége pontifical et en invitant les évêques de Lombardie, pour la plupart simoniaques, à s'affranchir de son autorité. Peu après, l'empereur envoya à Rome des ambassadeurs qui notifièrent les décrets du conciliabule de Worms dans le concile assemblé alors autour du pape. Grégoire accueillit encore ce message outrageant avec la plus grande douceur, arracha les ambassadeurs à la mort qui les menaçait (1), et réunit en conseil les évêques du concile pour délibérer mûrement avec eux sur les mesures qu'il convenait de prendre à l'égard d'un roi qui, après avoir renié toute foi divine et humaine, avait encore l'audace de séparer du chef de l'Église une grande partie de ses membres (2). A l'unanimité des voix, et avec l'accord général du concile (3), l'excommunication fut portée contre Henri et contre ceux des évêques (4) qui, dans la réunion de Worms, s'étaient distingués par la violence de leur langage dans leur révolte contre le pape. En même temps, Grégoire délia les sujets de Henri de leur serment de fidélité (5).

(1) Paul. Bernried., loc. cit., p. 145, A. XIX, v. 108 sqq., p. 499.

Domnizo, loc. cit., lib. I,

(2) Bernold, Ep. 3, de Damnat. schism. (Gretser, p. 88, A): Regem - hujus schismaticæ conspirationis auctorem, regno privatum sub anathematis vinculo - ligavit.

(3) Lambert., Annal., ann. 1076, p. 243. p. 146, D, E.

Paul. Bernried., loc. cit.,

(4) Bernold., Apolog. super exc. Greg. VII (Gretser., loc. cit., p. 29). Bonizo. Ad amic., lib. VII (Ofele, Script. rer. Boic., tom. II, p. 817): Excommunicavit et a regno judicavit alienum, quod nec novum quidem fuit nec reprehensibile. Bianchi, loc. cit., tom. I, p. 273 sqq. (5) La formule d'excommunication est dans Paul. Bernried., p. 116, et dans les lettres de Grégoire, lib. II, ep. 5: Henrico regi qui contra tuam Ecclesiam inaudita superbia insurrexit, totius regni Teutonicorum et Italiæ gubernacula contradico, et omnes Christianos a vinculo juramenti, quod sibi fecere vel facient, absolvo, et ut nullus ei sicut Regi serviat, interdico. Vita Anselm. Luc., p. 471, G. — Bernold., Chron. ann. 1076,

P. 455.

Le but de l'excommunication est de faire rentrer en lui-même celui qu'elle exclut de la communion des fidèles et de le ramener par le repentir ou une terreur salutaire dans le sein de l'Église; et cette mère miséricordieuse le reçoit toujours avec empressement dans ses bras, quand il s'est purifié par la pénitence de la double souillure de son péché et de son châtiment. Mais la persévérance de l'excommunié dans cet état d'inimitié publique avec l'Église entraînait par elle même, d'après les principes d'union qui formaient alors la base des rapports du pouvoir spirituel avec le pouvoir temporel, l'exclusion de la société politique, alors même que l'Église ne l'avait pas expressément prononcée. La constitution de l'empire germanique fixait le terme d'un an et un jour pour la réconciliation du coupable, et ce terme était obligatoire pour tous les membres de l'État, quelque élevés qu'ils fussent en puissance et en dignité; le roi lui-même n'en était pas excepté (1).

Ainsi donc Henri IV, faute par lui de s'être fait relever de son excommunication dans le délai prescrit, encourait la déchéance du trône et sa mise au ban de l'empire. Il recula devant ces graves conséquences, et, peu avant l'expiration du terme fatal, après avoir accepté la pénitence du pape, qui s'était déjà mis en route pour se rendre dans le sein de la diète où devait être prononcée la déposition du roi, il obtint l'absolution de l'excommunication à des conditions et sous des promesses déterminées (2), et bien qu'il ne tardât pas à prouver clairement par ses actes que sa conversion n'avait pas été sérieuse et sincère, il fut néanmoins réintégré sur son trône par Grégoire VII.

Autant les Lombards se montrèrent mécontents de ce que Henri s'était réconcilié avec le pape, contre lequel ils l'amenèrent à faire cause commune avec eux, autant les princes allemands témoignèrent leur déplaisir à l'égard de Grégoire de ce qu'il avait reçu de nouveau le parjure empereur dans la communion de l'Église. Tout l'ensemble de la conduite de Henri justifiait les

(1) Münchener gelehrte Anzeigen, vol. V, p. 864. (2) Promissio Canus., ann. 1077 (Pertz, tom. IV, p. 50).· Epist., lib. IV, ep. 12. Lambert., Annal., ann. 1077, p. 259.

Gregor..

doutes que leur inspirait sa mauvaise foi bien connue (1). Dans la diète d'Augsbourg, ils allèrent, nonobstant l'absolution du pape et l'opposition de ses délégués (2), jusqu'à déclarer Henri déchu du trône, et élurent à sa place Rodolphe de Rheinfeld (3).

On a prétendu que c'est dans cette circonstance que l'Allemagne était devenue un État électif, et que cette transformation s'était opérée à l'instigation de Grégoire VII (4); c'est là une opinion complétement réfutée par l'histoire tout entière des temps antérieurs, qui constate l'avénement de tous les rois allemands, à dater d'Arnolphe, par voie de suffrage (5).

Malgré l'élection d'un prince dévoué au saint-siége, malgré l'indigne conduite de Henri IV, qui fit jeter en prison les légats du pape (6) et viola ouvertement et de toutes manières ses promesses et ses serments, Grégoire VII n'usa point cependant envers lui de nouveaux moyens de rigueur (7), et ne reconnut pas Rodolphe comme roi (8); seulement il refusa d'accéder à la demande de Henri, qui voulait qu'il frappât incontinent d'excommunication l'élu de la diète, en motivant son refus sur ce qu'il devait auparavant entendre Rodolphe et ses électeurs (9).

Les deux rois s'engagèrent, sous la foi du serment et par l'organe de leurs ambassadeurs, à ne pas vider leur querelle par les armes, mais à s'en remettre à l'intervention pacifique du pape (10). Mais la mauvaise foi et l'opiniâtreté de Henri (11), qui lui firent

(1) Hugo Flavin., Chron. Virdun., p. 218.

(2) Berthold., Annal., ann. 1077, p. 292. — Ekkeh., Chron. univ., ann. 1077 (Pertz, tom. VIII, p. 202): In præsentia quorundam Romanæ sedis legatorum non voluntarie annuentium.

(3) Gerbert, de Rudolpho Suevico (San. Blas., 1785), c. 2, p. 42 sqq. (4) Eichhorn, Kirchenrecht, vol. I, p. 186; Deutsche Staats- und Rechtsgeschichte, vol. II, § 219.

(5) Supra § 123.

(6) Bernold, Chron., ann. 1077, p. 434.

(7) Gregor. VII, Ep. IV, 23 et 24, col. 1367 sqq.

(8) Idem, Ep. IX, 28, col. 1499.

(9) Idem, Ep. loc. cit.

Bonizo, loc. cit., lib. VIII, p. 816.

(10) Bernold., Chron., ann. 1077, p. 436. (11) Bonizo, loc. cit., lib. VIII, p. 817.

fouler aux pieds les engagements les plus solennels et les serments les plus saints, le ramenèrent bientôt dans la voie funeste qu'il avait marquée précédemment par tant d'audacieux attententats, et mirent le pape dans l'impossibilité de le tolérer plus longtemps dans la communion de l'Église. L'excommunication fut de nouveau lancée contre lui en 1080 (1), et Grégoire reconnut Rodolphe pour roi d'Allemagne (2). Telle fut l'extrémité à laquelle se vit réduit ce grand pape, après avoir épuisé tous les moyens de douceur et de longanimité. Bien loin de n'écouter que la fermeté inflexible d'une volonté de fer, son cœur était au contraire naturellement incliné à la paix. Sa vertu, c'était la patience, et il mit toute son énergie à ramener plutôt par la persuasion qu'à dompter par la force de l'autorité. Il ne se montra jamais, il est vrai, flottant et irrésolu (3); mais il ne fit usage de sa puissance que pour réprimer les soulèvements des peuples qui se révoltèrent contre leurs souverains, se proposant toujours pour but, d'une part, le bien de l'Église, de l'autre, le salut de ses ennemis (4); il épuisa, pour l'atteindre, toutes les ressources d'une persévérance sans bornes (5) et d'une mansuétude héroïque (6).

Cependant Henri IV ne se décourageait pas, et, pour couronner dignement une si longue suite de crimes et de folies, il proclama pape Guibert de Ravenne, élu, sur son ordre, par quelques évêques excommuniés, qui comptaient parmi eux un cardinal (7). Guibert prit le nom de Clément II.

A dater de ce moment, tous ceux qui appartenaient encore à la communion de l'Église cessèrent de reconnaître Henri comme roi. La conscience publique flétrit hautement cette scission, qui

(1) Bernold., Chron., ann. 1080, p. 436.

(2) On a prétendu que Grégoire avait, dans cette circonstance, fait présent à Rodolphe d'une couronne portant cette inscription: Petra dedit Petro, Petrus diadema Rudolfo. C'est un conte fait à plaisir.

cit., p. 531.

(3) Bianchi, loc. cit., tom I, p. 269.

(4) Gregor. VII, Ep. IV, 1.

(5) Muzzarelli, loc. cit., p. 136 sqq.

Voigt, loc.

(6) Wer war dann Gregor VII? § 10, p. 148 sqq.; § 11, p. 154 sqq. (7) Bonizo, loc. cit., lib. IX, p. 817.

se signalait par les investitures avec l'anneau et la crosse, la simonie et le concubinage des clercs, de la qualification d'hæresis henriciana ou guibertina. « J'admire, si vous avez encore une "goutte de sang dans les veines, que vous ne rougissiez pas de « donner le nom de roi au seigneur Henri, ou de dire qu'il est « institué de Dieu! » Tel était le langage énergique que le landgrave Louis II, chevalier de Thuringe, faisait adresser à Walram, évêque de Raumbourg, par Étienne, son collègue dans l'épiscopat (1). C'est ce même Walram à qui saint Anselme de Cantorbéry reprochait si amèrement son schisme, et auquel il écrivit ensuite, après sa réconciliation avec le chef de l'Église, une magnifique lettre tout affectueuse (2). Parmi les prélats qui se montrèrent supérieurs aux calamités de cette époque et qui surent discerner, dans ce grand conflit d'opinions et de passions, de quel côté se trouvaient la vérité et la justice, on remarque un autre saint Anselme, évêque de Lucques, qui, dans une lettre contre Guibert, non-seulement approuve sans réserve la conduite de Grégoire, mais peint encore sous les plus vives couleurs le fléau que le pape de la création de Henri IV, de concert avec son empereur, avait appelé sur l'Église (3).

Maintenant, quel fut le résultat de cette lutte entre le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, représentés par Grégoire VII et Henri IV? Le pape avait-il reconquis la liberté de l'Église? Avaitil réussi à humilier l'orgueil et la puissance de l'empereur? Pour ce second point, il faut reconnaître que l'avantage n'était pas resté au pape, et que Henri fut visiblement favorisé par la fortune. Obligé de fuir devant ses armes victorieuses, Grégoire mourut dans l'exil, tandis que Henri, déposé par lui, mais couronné empereur par Guibert, lui survécut longtemps et recueillit. tous les bénéfices d'une cause triomphante. Mais ce n'est point

(1) Steph. Halberst., Ep. ad Walr. Ep. Naumb. Dodechin., Contin. Mar. Scot., ann. 1090 (Pistorius, Script. rer. Germ., tom. II, p. 643). Gretser, loc. cit., p. 545 sqq.

(2) Anselm. Cantuar., Epist, lib. III, ep. 137, p. 139.

(3) Anselm. Luc., Libr. duo c. Guibertum (Canisius, Antiq. lect., tom. II, p. 202 sqq.). A. Rota, Notizie istoriche di S. Anselmo (Verona, 1733), c. 15, p. 149, c. 20 sqq., p. 198.

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