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d'après ces événements qu'il faut juger Grégoire VII: Néron survécut aussi aux apôtres Pierre et Paul, Hérode à saint Jacques, Pilate lui-même à Jésus-Christ (1).

Parce que les actes de ce pontife n'aboutirent point immédiament à un résultat heureux, mais aggravèrent, au contraire, en apparence, la position déjà si critique de l'Église, il ne faut pas en conclure, en les prenant pour base d'une appréciation générale, que Grégoire ait eu tort d'agir comme il l'a fait. La liberté de l'Église, un moment opprimée, fut un jour reconquise, et cette conquête, le monde chrétien la doit aux combats livrés par Grégoire VII au despotisme de la puissance séculière !

Dans toutes les épreuves, à la fois douloureuses et salutaires, que l'Église a eues à subir depuis son origine, les pouvoirs qui l'ont successivement attaquée et combattue se signalent, non-seulement par une grande violence, mais aussi par un premier succès plus ou moins prolongé (2). Après Dieu, c'est à saint Athanase, ce grand héros de la foi, que l'Église doit sa victoire sur l'arianisme; et cependant le patriarche, persécuté, fugitif, exilé cinq fois de son cher troupeau, ne fut point appelé à cueillir les fruits de cette victoire. Il en fut ainsi du triomphe de l'Église sur l'investiture hérétique, la simonie et le concubinage des clercs; ce triomphe, qu'elle a remporté en arrachant comme un trophée glorieux l'anneau et la crosse aux mains du pouvoir séculier, elle en est redevable à Grégoire VII. Dans les conseils impénétrables de la Providence, le combat de l'Église contre la puissance temporelle (3) devait se prolonger quelque temps comme une lutte désespérée en apparence, et cela, s'il est permis de chercher à en pénétrer la raison, afin que les hommes qui combattaient pour elle ne s'attribuassent point à eux-mêmes l'honneur de la victoire, mais la fissent remonter tout entière à Dieu seul.

L'anathème que Henri IV avait appelé sur sa tête ne laissa pas cependant que de se manifester en lui, dès ce monde, d'une ma

(Steph. Halberst., Epist. cit. (Gretser., p. 546, H).

(2) Bianchi, loc. cit., tom. I, p. 211 sqq.

(3) Dellinger, Lehrbuch der Kirchengeschichte, vol. 11, p. 166 sqq.

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nière sensible. Déclaré une seconde fois déchu du tròne noblesse d'Allemagne, en 1105, renversé et banni par son propre fils, il mourut abandonné de tous, dans une affreuse misère.

Ce terrible exemple des vengeances de la justice divine aurait dù éclairer son successeur et l'empêcher de tomber dans les mêmes crimes; il n'en fut point ainsi. Henri V commença commie son père par s'attribuer les investitures par l'anneau et la crosse; comme lui, il fit à l'Église et à son chef une guerre de tromperies et de violences; comme lui, il ne rougit point de rompre l'unité catholique par l'institution d'un antipape (1). Pascal II, espérant le gagner par la douceur, lui avait fait la proposition d'un renoncement général de l'Église aux régales que les évêques et les abbés avaient reçues jusqu'alors. Cette offre ayant rencontré une résistance universelle, Henri contraignit le pape à lui accorder en compensation, à titre de droit royal, l'investiture par l'anneau et la crosse (2). A quelque temps de là, ce prince ayant été couronné empereur de la main de Pascal (1111) et lui ayant extorqué la promesse de ne pas l'excommunier pour les vexations et les outrages que le pontife avait eu à essuyer de sa part, il ne mit plus de bornes à ses exigences. La concession faite par le pape à l'empereur d'Allemagne avait soulevé contre lui les plus virulentes attaques. Godefroy de Vendôme se fit surtout remarquer parmi ceux qui protestèrent contre cet acte par la hardiesse de son langage et l'emportement de son zèle (3). Nonseulement il sommait Pascal de révoquer le traité conclu avec Henri et de faire sincèrement pénitence de sa chute, à l'exemple de Pierre, le premier pontife chrétien (4), il allait même jusqu'à

(1) Vita Mauritii Burdini, Archiep. Bracar. in Baluz. Miscellan., tom. IIi, p. 471 sqq. (C'est une apologie de cet archevêque, institué pape par Henri V, sous le nom de Grégoire VIII.)

(2) Convent sec. vi extorta, dans Pertz, tom. IV, p. 71. Thomassin, Vetus et nova eccl. disc., lib. II, p. II, c. 38, n. 5 (tom. V, p. 245). Noris, loc. cit., c. 13, p. 453. Bianchi, loc. cit., tom. II, p. 245. Gretser., Cont. replicat., lib. II, c. 25, p. 423, D.

(3) Goffr. Vindoc., Epist., lib. I, ep. 7 (Sirmond., Opera, tom. III, col. 634 sqq.).

(4) Factum suum ipse dissolvat et velut alter Petrus lacrymando corrigat quod fecit. Goffr. Vindoc., loc. cit., col. 636.

l'accuser d'hérésie (1). Il n'était pas difficile de défendre le pape contre ce reproche si évidemment exagéré, et c'est ce que firent, avec beaucoup de convenance, Yves de Chartres (2) et Hildebert du Mans (5). Toutefois, ces deux évêques ne purent s'empêcher de voir un acte de faiblesse dans la conduite de Pascal à l'égard de Henri IV, et de proclamer nécessaire, avec Placide de Nonantula (4), le retrait du prétendu privilége de l'empereur, qui bientôt ne fut plus désigné que sous le nom de pravilegium.

:

Ce retrait eut lieu en effet le pape se soumit spontanément à la décision d'un concile tenu dans l'Église de Latran, qui condamna les investitures, mais cependant fit grâce à Henri de l'excommunication, à cause de l'engagement pris par le pape de ne point la fulminer contre lui (5).

Mais l'empereur ne trouva pas la même indulgence dans les rangs de l'épiscopat français ; celui-ci s'arma presque tout entier contre Heuri d'une sévérité inflexible, et le concile assemblé à Vienne, sous la présidence de Guido, légat apostolique et évêque du lieu, le frappa d'excommunication.

Après bien des tergiversations et des violences à l'égard de Pascal et de ses successeurs, Gélase II et Calixte II (Guido de

(1) Super his autem si quis aliter senserit, non est catholicus; manifestetur et veritatis argumento probabitur esse hæreticus. Tolerandus quidem est pastor, ut canones dicunt, pro reprobis moribus, si vero exorbitaverit a fide (§ 31), jam non est pastor sed adversarius, ab omni peccatore tantum catholico detestandus. Goffr. Vindoc., loc. cit., col. 658.

(2) Ivo Carnot., Ep. 235, p. 99: Et quia verenda patris debemus potius velare quam nudare; familiaribus et caritatem redolentibus literis admonendus mihi videtur, ut se judicet aut factum suum retractet. p. 100.

Ep. 256, (5) Hildeb. Cenom., Epist., lib. II, ep. 22 (Oper., Paris., 1708, c. 109 sqq.). Ep. 21, c. 107.

(4) Plac. Nonant., de Honor. eccles., c. 117, p. 158 (Pez, Thes. Anecd. nov., tom. II, p. II): Non igitur sanctus pater hoc observare debet sed magis studiosissime emendare, imitans beatissimi patris sui, apostoli Petri fidem, cujus vicem per gratiam Dei, in sancta Ecclesia obtinet, qui, quod timide negavit, cum magna cordis dilectione emendare studuit.

(5) Conc. Later, ann. 1112 (Hardouin, Concil., tom. VI, p. II, col. 1901) : Privilegium illud, quod non est privilegium (neque vero debet dici privilegium, sed pravilegium), etc. Gerhoh. Reichersp., Syntagm., c. 32,

p. 256.

Vienue), Henri se montra tout à coup disposé à remplir ses anciennes promesses faites sous la foi du serment, en souscrivant une renonciation définitive aux investitures. Calixte II ayant convoqué en 1119 un grand concile à Reims, Henri se rendit, sous prétexte de conclure cette convention, à Mousson, dans le voisinage de cette ville (1), mais son intention était de surprendre le pape qui s'y était aussi rendu. Celui-ci, se rappelant le sort de Pascal II, évita le piége que lui tendait le déloyal empereur, retourna à Reims, et d'un commun accord avec le concile, prononça solennellement l'excommunication contre Henri, en déliant, en même temps, les sujets de ce prince parjure de leur serment de fidélité (2).

Telles furent les circonstances qui mirent le pape Calixte dans la nécessité de déposer Henri V, et ce prince eût réellement perdu sa couroune, s'il ne se fût déterminé à temps à se réconcilier avec l'Église.

§ CXXVI.

5. État catholique du moyen âge après le rétablissement de la paix entre le pouvoir temporel et l'Église.

La déposition d'Henri V semblait d'abord devoir être une nouvelle cause d'irritation pour les démêlés interminables qui divisaient l'Église et l'État. Toute espérance de solution pacifique paraissait perdue pour bien longtemps. Cependant trois ans à peine s'étaient écoulés, que le but vers lequel les papes n'avaient cessé de tendre depuis le milieu du onzième siècle, la liberté de l'Église, était heureusement atteint sans nouvelles luttes.

Ce qui contribua le plus à amener ce dénoùment inattendu, ce fut la position de plus en plus précaire de l'empereur, autour duquel l'anathème qui pesait sur lui amoncelait sans cesse de

(1) Hesson. Scholast., de Tractat. pacis inter Callixtum II et Henr. (Gretser, loc. cit., p. 549 sqq.)

(2) Hesson. Scholast., p. 554: Absolvit etiam dominus Papa auctoritate apostolica a fidelitate Regis omnes, quotquot ei juraverant, nisi forte resipisceret, et Ecclesiæ Dei satisfaceret.

nouveaux dangers. Se voyant hors d'état de résister plus longtemps à l'animadversion générale qui menaçait de soulever contre lui tout son royaume, Henri se rapprocha du saint-siége et se montra disposé à entamer de nouvelles négociations.

D'autre part, les difficultés s'aplanirent au moyen d'une issue indiquée par ce même abbé de Vendôme que nous avons déjà plusieurs fois rencontré dans le cours de ces événements. Le moyen consistait à assurer au roi les droits temporels attachés aux fiefs ecclésiastiques, tout en obtenant sa renonciation aux symboles de l'investiture de ces fiefs, l'anneau et la crosse, dont on avait abusé jusqu'à l'hérésie. Dans un ouvrage consacré à l'examen de cette question (1), et dans lequel les investitures manu sæculari, par la crosse et l'anneau, sont rejetées comme entièrement inadmissibles, Godefroy fait d'abord ressortir la différence qui existe entre le droit divin et le droit positif humain, et, s'appuyant sur l'autorité de saint Augustin (2), il énonce, en principe, que « Dieu a donné à l'Église le droit humain par l'or«< gane des empereurs et des rois du siècle. Conséquemment, « ajoute-t-il, les rois peuvent sans scandale, après l'élection canonique et la consécration, garantir à l'évêque, par l'investi«ture royale, la libre possession des bénéfices ecclésiastiques et « s'engager à le protéger et à le défendre dans cette possession. « Quel que soit le signe extérieur, le symbole de cette investi« ture, il ne peut en résulter aucun dommage, ni pour le roi, « ni pour le pape, ni pour la foi catholique. Que la paix règne « dans l'Église, la justice dans l'État; que le roi jouisse de ses « prérogatives, mais que ses prérogatives n'aient rien que de légitime. Or, telle n'est pas la coutume des investitures qu'il « prétend devoir exercer, mais bien celle que nous lui indiquons. « L'Église doit être libre, mais qu'elle prenne garde, en mou« chant trop fort, de faire jaillir le sang, et en s'efforçant « d'enlever la rouille du vase, de briser le vase lui-même (3). »

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(1) De possessionum Ecclesiarum investitura (Opusc. IV. Sirmond. Opera, tom. III. col. 888 sqq.).

(2) Can. Quo jure, d. 8. Supra § 403. (5) Gottfr. Vindoc., loc. cit., col. 890.

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