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Ces principes servirent de base au traité conclu entre Calixte et l'empereur, et par suite duquel le légat du pape releva de l'excommunication Henri et son armée. Ce traité porte le nom de concordat de Worms; il est aussi désigné sous celui de concordatum Calixtium (1). Il mit fin à la querelle des investitures dans tout le cercle de l'empire romain-germanique. Dans les autres pays, tels que la France et l'Angleterre, la question avait déjà reçu une solution pacifique (2). Henri V renonçait aux investitures par l'anneau et la crosse, et à la collation des évèchés et des abbayes, sous la réserve que les élections canoniques de l'église d'Allemagne seraient faites en sa présence. Calixte, de son côté, stipulait que l'investiture des fiefs ecclésiastiques aurait lieu par la présentation du sceptre, avant la consécration de l'élu, dans l'église d'Allemagne, après cette consécration, dans celles d'Italie et de Bourgogne (3).

On a souvent fait aux papes le reproche d'avoir, pour un fort mince résultat, engagé et soutenu une lutte longue et inutile contre la puissance temporelle. Ce reproche est injuste; le résultat du démêlé des investitures est loin d'être aussi mince qu'il paraît l'être au premier coup d'œil, lorsqu'on le juge à la distance qui sépare notre époque des temps où s'agitait cette orageuse question. Sans doute, les investitures n'étaient point pernicieuses par elles-mêmes, mais elles le devenaient dans l'application, en ce que les rois ne se bornaient pas seulement à conférer les évèchés et les abbayes, mais donnaient encore à cette collation une forme qui, d'après le sens et l'importance que l'on attachait dans ce temps-là au choix des symboles, ébranlait directement un principe fondamental de la constitution de l'Église. Il n'était donc rien moins qu'indifférent que la crosse et l'anneau

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(1) Concord. Callixt. (Pertz, Monum. Germ. hist., tom. IV, p. 75.) (2) Noris. Istoria delle investiture ecclesiastiche, c. 11, p. 558 sqq. Thomassin, Vetus et nova eccles. discipl., p. II, lib. II, c. 34, n. 4, tom. V, p. 205. Lingard, History of England, tom. II, p. 165. Hasse, Anselm von Canterbury, p. 421-454 et 448. Englische Reichs- und Rechtsgeschichte, vol. I, p. 129.

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(3) Goffr. Vindoc. (Plac. Nonant,, c. 92, p. 142 dans Pez, Thes. Anecd. nov., tom. II, p. II.)

fussent remplacés par le sceptre, qui exprimait une tout autre idée. Il était en outre de la plus haute importance que l'élection canonique recouvrât toute sa liberté, ce qui exigeait le renoncement de l'empereur à un droit que ses prédécesseurs avaient exercé presque constamment, depuis la conversion des peuples germaniques. Ainsi l'on peut considérer le dénoûment que Calixte II donna à l'œuvre de Grégoire VII, comme une victoire à peu près complète. Un seul point était resté à l'écart : celui relatif à l'hommage des prélats, au sujet duquel le concordat de Worms ne renferme aucune disposition, et que l'Église, qui ne pouvait et ne voulait point détruire l'organisation féodale, laissa subsister longtemps encore, bien qu'elle ne lui accordât point ses sympathies. Néanmoins, comme il n'y avait rien eu de statué à cet égard, il s'ensuivit que, parmi les évêques d'Allemagne, les uns se soumettaient à l'hommage, les autres s'en affranchissaient (1). En Angleterre, la pratique variait, selon que le bénéficiaire avait ou non reçu la consécration épiscopale; dans le dernier cas seulement les rois exigeaient l'hommage proprement dit, autrement ils se contentaient du juramentum fidelitatis (2).

Le rétablissement de la paix entre l'Église et l'État faisait d'autant plus espérer des jours heureux, que la mort de Henri V, arrivée sur ces entrefaites, appelait au trône germanique, dans la personne de Lothaire, duc de Saxe, un prince noble et loyal dans ses sentiments, qui se montrait animé du zèle le plus vif pour le bonheur des peuples confiés à ses soins. Aussi l'Allemagne tout entière applaudit-elle aux magnifiques éloges donnés au nouveau roi par Innocent II (3).

Voici comment s'exprimait le chef de l'Église. :

<«< Quand la sainte autorité des papes et la puissance impériale « sont pénétrées l'une pour l'autre d'une véritable affection, on «< doit rendre grâce en toute humilité au Dieu tout-puissant; car

(1) Vita Chonradi I, Archiep. Salisb., c. 4 (Pez, Thes. Anecd., tom. II, p. III, p. 228).

(2) Glanvilla, Tract. de legib. et consuet. regni Angliæ, lib. IX, c. 1, § 10 (Engl. Reichs- und Rechtsgesch., vol. II, p. 417).

(3) Gervais, Politische Geschichte Deutschlands unter der Regierung der Kaiser Heinrich V und Lothar III, vol. II, p. 248.

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« alors la paix et la tranquillité ne peuvent que régner parmi les peuples chrétiens. Rien de nos jours qui soit aussi splendide « que le siége pontifical, rien d'aussi sublime que le trône impé« rial, rien qui ait aussi constamment brillé d'un éclat pur et inaltérable que la justice et la bonne foi des princes et la véritable crainte de Dieu. Et tout cela, Dieu en soit loué! resplen« dit sur le trône depuis que vous y ètes assis, avec d'autant plus « de magnificence, que, dès votre jeunesse, vous vous êtes signalé « par la crainte de Dieu et l'amour de la justice, et que, ré« cemment encore, vous avez bravé de grands périls, sans épar«gner ni vos richesses ni votre personne. Si donc, au témoignage ‹ de l'Écriture, les mauvais pères doivent transmettre à leurs « enfants les biens qu'ils ont acquis, rien de plus juste que moi, qui dois, par la volonté de Dieu, aimer d'un tendre amour tous « les enfants de l'Église catholique, j'aie pour votre personne une « affection toute particulière, et que je vous seconde, vous l'élu «en quelque sorte de tout le monde, comme protecteur et dé«fenseur de l'Église, dans tout ce qui peut servir à la conserva<tion de l'empire dans tout l'éclat de sa force et de sa grandeur, «et à l'accroissement de votre puissance pour la prospérité et la liberté de l'Église catholique. »

Lothaire fut couronné empereur à peu près vers le milieu de la période qui s'étend depuis Charlemagne jusqu'à la fin du moyen âge. L'heureuse conclusion de la querelle des investitures avait renoué l'alliance de l'Église et de l'État; et cette alliance devint de jour en jour plus étroite et plus forte, surtout après que Lothaire eut renoncé au droit de présence dans les élections des évêques. Sous le règne de ce prince, doué des qualités les plus éminentes et aussi grand par la noblesse de son caractère que par les actes de son gouvernement, les rapports des deux puissances offrirent un accord si harmonieux, si inaltérable, que cette époque semble présenter la réalisation de l'idéal symbolisé par le mariage chrétien. Mais cette union magnifique était alors aussi à son apogée, et bientôt on la vit se dissoudre sous le choc de nouvelles dissensions, qui creusèrent encore une fois, entre 'Église et l'État, l'abîme des schismes et des hérésies!

Déjà Frédéric 1er (1) entendait les droits et les devoirs de la dignité impériale tout autrement que Lothaire. Héritier des biens et des principes politiques des empereurs francs, il prétendit donner à la théorie de la succession des rois d'Allemagne au trône de l'empire romain un sens entièrement différent de celui qu'elle avait eu jusque-là. En effet, ne tenant aucun compte de la double restauration de l'empire d'Occident par le pape, et revenant tout à fait aux principes de l'ancien droit romain, il refusait de se soumettre aux formalités respectueuses, consacrées par l'usage et constamment observées par les empereurs envers les papes, dans la cérémonie du couronnement. Il ne céda qu'à la nécessité: mais, toujours préoccupé de la pensée de faire de la papauté la vassale du pouvoir impérial, il saisit bientôt avec empressement l'occasion de déchaîner toutes les colères de son ambition jalouse, à propos d'une expression d'Adrien II qui se prêtait à une fausse interprétation.

En terminant une lettre dans laquelle ce pape disait à l'empereur que, s'il avait été en son pouvoir de lui faire un don plus grand encore que la couronne impérialc, c'eût été pour lui un sujet de joie (2), il s'était servi du mot beneficia. Frédéric vit un outrage dans ce qui n'était que le témoignage affectueux d'un sentiment tout paternel. Vainement, peu de temps après, Adrien lui donnait l'assurance qu'il n'avait nullement eu l'intention d'attacher à ce mot un sens de vassalité (3); ses protestations furent inutiles, et le pape mourut sans avoir pu apaiser le ressentiment de l'ombrageux empereur.

Sous le pontificat d'Alexandre III, les choses prirent une tournure encore plus fâcheuse (4). Mécontent du choix du sacré col

(1) Bianchi, Della potestà et della politia della Chiesa, tom. II, p. 337 e seg.

(2) Hadrian. IV, Ep. 2 ad Frider. I imper. (Hardouin, Concil., tom. IX, p. II, col. 1335): Neque tamen pœnitet nos desideria tuæ voluntatis in omnibus implevisse; sed si majora beneficia excellentia tua de manu nostra suscepisset; si fieri posset, considerantes quanta Ecclesiæ Dei et nobis per te incrementa possint et commoda pervenire, non immerito gauderemus. (3) Hadrian. IV, Ep. 4 ad Frider., col. 1336.

(4) Bianchi, loc. cit., p. 354 e seg.

lége, l'empereur, qui eût désiré l'élection d'un pape tout à sa dévotion, ne rougit point de sacrifier la paix de l'Église à ses rancunes, et de rouvrir la plaie à peine fermée du schisme, par où tant de maux s'étaient déjà répandus sur le monde catholique! Tout entier à son idée de l'omnipotence de l'empereur, après s'être ingénié à bouleverser les lois et les coutumes des peuples italiens, Frédéric opposa plusieurs antipapes à la légitime autorité d'Alexandre et persista dans cette guerre acharnée contre l'Église tant que la fortune lui fut favorable. Mais, au premier revers, toute son audace l'abandonna, et, après quelques pourparlers, il eut avec Alexandre III une entrevue à Venise et se réconcilia avec lui (1), et, il faut le dire, d'une manière si noble et si touchante, qu'il eût été à souhaiter que cette réconciliation eût duré au moins jusqu'à la mort de cet empereur, dont on ne peut méconnaître les rares qualités et les actions brillantes; mais Dicu ne le permit pas, et il en fut des promesses de Frédéric comme de celles des deux Henri !

Le cruel Henri VI, qui succéda à Frédéric Ier, était encore bien moins propre que lui à rétablir l'union et l'harmonie entre l'Église et l'État. Son avénement au trône de Sicile fut le premier anneau de cette chaîne de circonstances étonnantes qui firent qu'un rejeton de la maison de Hohenstauffen, de tous les empereurs le plus hostile à l'Église, commença sa carrière sous la tutelle féodale d'Innocent III. Grâce à l'appui et à l'influence de ce pontife, Frédéric II (c'est le prince dont je veux parler) fut non-seulement maintenu sur le trône de Sicile, mais encore mis en état de triompher du perfide Othon IV et de conquérir en quelque sorte le tròne d'Allemagne.

Avec ce prince, « le Napoléon du treizième siècle (2), » commence la décadence de l'État germanico-chrétien; mais, avant de Suivre la marche progressive de la nouvelle rupture du pouvoir séculier avec la puissance spirituelle, revenons encore un moment au règne de Lothaire. Ce règne est comme un point d'arrêt d'où

(1) Alexander III und Friedrich I zu Venedig, in den Hist. polit. Blættern, vol. I, p. 48 sqq.

(2) Hist. polit. Blættern, vol. XX, p. 475. Supra, page 50, note 1.

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