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Anthropologie catholique.

TOUS LES HOMMES DESCENDENT-ILS DE NOÉ?

EXAMEN D'UNE ASSERTION DE M. D'HOMALIUS D'HALLOY,
De l'Académie des Sciences de Belgique.

Dans un travail intitulé: La Science et la Foi, ou plutôt dans une exposition de principes, publiée par un savant belge, M. d'Homalius d'Halloy, et insérée dans les Mondes 1, nous avons trouvé des remarques fort justes que certains écrivains feraient bien de méditer, celle-ci, par exemple : « Nous ne » devous prendre nos livres saints que pour ce qu'ils sont » réellement, c'est-à-dire, comme un moyen de nous faire » connaître les bases de nos croyances religieuses et nulle» ment comme des traités de sciences naturelles. »>

D'après une autre observation, les écrivains inspirés ne pouvaient pas parler un autre langage que celui qui était à la portée de leurs contemporains et au niveau des connaissances du temps.

Il y a encore dans cet écrit bien des choses excellentes noter. Cependant on y trouve aussi plusieurs assertions qu'on peut contester, une surtout que nous nous proposons d'examiner ici.

L'auteur avoue « que les objections faites par l'anthropo»logie contre l'opinion que tous les hommes descendent de » Noé, ne se rapportent, après tout, qu'à des hypothèses ». Mais aussi il laisse à penser que le sentiment général qui reconnaît dans Noé le second père de tout le genre humain peut très-bien être contesté. M. d'Homalius d'Halloy semble personnellement disposé à croire « que les différences que pré>> sentent actuellement les diverses races humaines n'ont pu » se produire depuis le déluge de Noé 2.

D

1 Reproduite aussi dans le journal de M. l'abbé Migne, la Vérité, no du 24 février 1867.

2 Il y a pourtant un laps de temps raisonnable, si surtout on admet la chronologie des Septante,

On voit bien que ce n'est point là chez lui une conviction excluant le doute, car, il ajoute, « que la paléontologie l'a >> conduit à admettre des tranformations héréditaires bien plus » importantes que les différences qui existent dans le genre hu>> main. >>>

Toujours est-il que, selon lui, on pourrait très-bien soutenir que tous les hommes ne descendent pas de Noé.

Pour examiner si cette opinion-là est bien motivée, scientifiquement parlant, c'est-à-dire, suivant les données des sciences naturelles, il faudrait que l'auteur eut exposé ses raisons dans l'écrit auquel nous faisons allusion, car nous ne connaissons pas ses autres travaux, et nous ne pouvons ainsi nous arrêter à ce côté de la question.

D'ailleurs les sciences naturelles, d'après l'auteur, ne peuvent donner une solution puisque, d'un côté, les différences existant actuellement entre les diverses races sembleraient n'avoir pas eu le temps de se produire depuis le déluge; de l'autre, les études paléontologiques feraient voir des transformations héréditaires bien plus importantes que les différences qui sont maintenant entre les races humaines.

Les sciences naturelles étant impuissantes à éclairer la question, il faut donc recourir à un autre ordre de faits et d'études.

Nous ne voulons pas pourtant envisager cette question sous le point de vue théologique; nous voulons la considérer historiquement, c'est-à-dire voir si les traditions des peuples permettent de soutenir qu'une partie des hommes actuels et de ceux dont nous connaissons l'existence par l'histoire, pourrait n'être pas la descendance de Noé.

Les traditions touchant le Déluge ne sont point l'apanage d'un petit nombre de peuples. Au contraire, elles se retrouvent partout et elles s'accordent toutes à établir ce fait : « Tous les nations se disent issues des quelques individus » échappés providentiellement à la grande inondation. >>

Il est bon ici de mentionner sommairement ces souvenirs de toutes les races, de toutes les contrées du globe. Réunis ainsi, en un faisceau, ils feront sur l'esprit une impression plus profonde et plus décisive 1.

1 Ceux qui voudraient étudier plus en grand les traditions sur le déluge, ont

Nous ne parlerons pas des hébreux, la Bible est trop nette et trop positive dans le récit du Déluge, et elle est encore appuyée par Josèphe et par Philon.

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Pindare a chanté le Déluge et il fait aborder Deucalion, sauvé seul des eaux, sur le mont Parnasse 1.

En Troade, raconte Licophron, Dardanus échappe sur un bateau au déluge de Samothrace, « lorsque la pluie de Zeus » inondait toute la terre, il voguait solitaire sur les flots tel » qu'une poule d'eau, » puis il débarque en Troade et offre un sacrifice 2.

Suivant Apollodore, Deucalion construit une arche en bois, il y échappe à l'inondation, lui et Pyrrha sa femme, il aborde sur le mont Parnasse et y sacrifie à Jupiter Phrixius 3.

Platon, dans le Timée, nous dit que la race humaine, à l'exception d'un petit nombre d'individus, a péri dans le déluge et il constate, dans le 3 livre du Traité des Lois, que c'est là une tradition conservée dans les anciens récits 4.

On sait qu'Apamée avait consacré sur ses médailles le souvenir du deluge et de l'arche où voguaient un homme et une femme, on y voyait même l'image de la colombe avec son rameau vert et qui plus est le nom de Noé 5.

à leur disposition, sans parler de la collection des Annales de phil. chrét., qui réunissent à peu près tous ces textes, Eusèbe, Huet, Bianchini, Wisemann, Riambourg, Schmitt, Luken, l'abbé Bertrand, Cés. Cantù, et parmi les contemporains: M. de Quatrefages, l'abbé Darras, Hist. de l'Église; H. de Riancey, Hist. du Monde; l'abbé Chassay, etc., etc., et enfin M. l'abbé Gainet, dont l'intéressant ouvrage, la Bible sans la Bible, ou Hist. de l'Ancien et du Nouveau Testament par les seuls témoignages profanes, renferme à peu près les traditions de tous les peuples sur cette question.

1 Pindare, Olymp., 1x.

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2 Lycophron cité par Ritter, Propylées. Voir Riancey, Hist. du Monde, t. 1, p. 55.

'Apollodore, Biblioth. 1, 2 7, n° 2.

Cité par Cuvier. — Voir Annales de phil. chrét., t. I, p. 384 (1re série). 5. Voir Annales de phil. chrét., t. vui, p. 144 (1 série), où se trouvent les médailles d'Apamée.

2. Traditions des latins sur le déluge.

Ouvrons maintenant les livres latins.

Le récit d'Ovide est presque biblique. Tous les homines périssent. Seuls, Deucalion et Pyrrha, dans une barque, sont préservés, ils abordent sur le mont Parnasse 1.

Suivant Lucien, Deucalion et Pyrrha sont seuls sauvés au milieu du déluge, montés qu'ils sont dans un grand coffre eux et leurs enfants ainsi qu'un couple de tous les animaux. Mais les paroles de Lucien sont particulièrement remarquables : « La race actuelle des hommes n'a pas été la » première, mais la génération qui précédait a péri entière»ment. Les hommes d'aujourd'hui proviennent de la seconde race qui s'est multipliée par Deucalion 2. »

Il avait dit dans le Misanthrope : « Au temps de Deucalion » la terre n'était plus qu'un immense naufrage3. »

Pline dit aussi un mot du déluge *.

A plus forte raison les peuples de l'Asie n'ont-ils point oublié le déluge universel.

3. Traditions des Babyloniens et des Chaldéens sur le déluge.

Cedrenus, d'après les traditions des Babyloniens, nous montre Noé sortant de l'arche et offrant un sacrifice.... il mentionne l'arc-en-ciel. Tout dans ce récit laisse à penser que Noé ou Xisutrus fut seul épargné 5,

D'après Bérose et Alex. Polyhistor, le fils d'Ardate, Xixusthrus échappe seul au déluge dans un grand navire où il a embarqué aussi sa femme, ses enfants, ses amis et où il a réuni'des animaux ".

De même que les Hébreux, les Chaldéens avaient des monuments écrits pour rappeler le déluge et l'arche. « Du reste,

Ovide, Métamorph., 1. 1.

2 Lucien, De Deå Syria.

* Voir d'autres textes de Lucien cités dans les Annales de phil. chrét., t. v, p. 53 (1re série).

Pline, Hist. nat., v, 13.

Cedrenus, p. 8. Cité par M. Galnet, la Bible sans la Bible, etc., t. I, p. 184 . • Bérose, dans Eusèbe, Chron., l. 1, c. 3, no 1-3. Voir aussi Fabricius, Biblioth. græca, t. xiv, p. 180.

ajoute le Syncelle, que les eaux du déluge aient couvert les plus hautes montagnes, c'est ce qui est certifié 1.

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Abydène raconte à peu près les mêmes choses que Bérose et Polyhistor, il mentionne les oiseaux envoyés par Sisithros et les restes du navire sur les monts d'Arménie. Les oiseaux envoyés par Sisithros pour voir s'ils trouveraient quelque portion de la terre hors des eaux, etc., et toutes les autres circonstances du récit ont trait à un cataclysme universel 2.

Les Arméniens faisaient remonter le déluge à 5000 ans, ils avaient le souvenir de l'arche qui contenait les seuls hommes épargnés, et ils appelaient une ville située au pied du mont Ararat, Lieu du débarquement 3.

Les Syriens se souvenaient de l'homme échappé au déluge avec ses fils, ce qui prouve que le reste des hommes n'y avait point échappé.

Quant à l'Égypte, sans parler de ce curieux monument trouvé en 1820 par Belzoni 5, Albumassar cite deux livres égyptiens très-anciens qui rapportent que le monde a été renouvelé après le déluge ". On sait aussi que Platon, dans le Timée, fait dire à Solon, par un prêtre égyptien, qu'avant le déluge de Deucalion, il y a eu un déluge universel, qui a tout atteint 7.

4. Traditions des Perses, des Indiens, des Chinois, des Japonais sur le déluge. Chez les Perses, mêmes traditions, Dieu envoie un deluge qui dure 10 jours et 10 nuits et détruit le genre humain 3.

Le Syncelle, p. 30 et suiv. de l'édit. in-folio, puis p. 85. Voir encore Fréret, Mém. de l'Acad. des Inscript., t. xvi, p. 208.

2 Abydène dans Eusèbe, Prép. évang., t. ix, c. 12, édit. Migne.

3 Moïse de Chorene, Hist. arm., 1. 1, c. 1. Voir la préface des frères Whistou sur ce Moïse, p. 4. Voir aussi Josèphe, Ant. jud., 1. 1, c. 3.

• Molon, cité par Eusèbe, Prép. év., 1. ix.

♪ Annales de phil. chrét., t. 11, p. 151 (1re série).

* L'abbé Bertrand, Dict. des Religions, article Déluge.

Platon, Timée, cité par César Cantù, Hist. univ., t. 1, p. 149 de la 2o édit. française de F. Didot, 1857.

• Boundehesch, Livres sacrés des Parsis, cité par Riancey, Hist. du Monde, t. 1, p. 54. Le Boundehesch ou Cosmogonie, ouvrage retrouvé chez les Parsis, par Anquetil-Duperron. Voir encore Hyde, De Religione vet. Persarum, c. 10, P. 171.

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