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et ne songe pas qu'il puisse ainsi mettre Moïse en contradiction avec lui-même.

Une particularité de ce chapitre, et que la critique ne nous permet pas de passer sous silence, c'est qu'il contient la seule et unique citation que produise le Pentateuque, la citation du livre des guerres de Jéhovah, mon. « C'est pourquoi il » est dit au livre des guerres de Jéhovah : « (Il prit) Vaheb dans » la tempête, et les torrents de l'Arnon, etc. 1 (v. 14,). » La critique se fait de cette citation un argument triomphal contre l'authenticité de l'œuvre de Moïse, et en conclut à la confection du Pentateuque par voie de compilation postérieure à l'époque mosaïque. Car, dit Vater 2, on ne saurait guère supposer qu'il y ait eu déjà, au temps de Moïse, un livre contenant la description des guerres de Jéhovah, puisque les guerres d'Israël venaient à peine de commencer. Vraiment! M'est avis que ces guerres duraient depuis 40 ans. N'avaientelles pas commencé par celle que Jéhovah fit pour Israël contre le roi d'Égypte? Mais cela est dit en toutes lettres dans le texte : « Alors l'Égyptien dit: Fuyons devant Israël, car Jéhovah » combat pour eux contre l'Egypte (Exode, XIV, 25). » Puis la guerre contre Amalek 3, et celle contre le roi d'Arad, et celle contre Sihon, roi des Amorrhéens, dont il s'agit ici. (v. 23, sqq.) N'était-ce pas aussi une guerre de Jéhovah que cette anxiété dont parle Mirjam, et qui s'empara des Philistins? Et cette épouvante des princes d'Edom? Et ce tremblement des forts de Moab 5? Voilà donc Jéhovah en guerre contre tous les peuples qui environnent Israël, et il y avait certes là de quoi faire un livre. Après cela, il n'est pas dit que ce fut un in-folio.

Ce livre, qui avait pour auteurs des poëtes populaires, les moschlim (v. 27), se composait au fur et à mesure des événe

' M. Cahen traduit: « ... des batailles de l'Éternel, le Vaheb à Soupha, et les torrents à Arnon. » C'est un échantillon de la traduction trop souvent inintelligible de cet hébraïsant. Cependant il devait savoir, par Nahoum, 1, 3, que Soupha n'est pas un nom propre : « Jehovah (est) dans la tempête, » dit ce

יהוה בסופה prophete

2 Commentar etc., II, 643.

3 Ex., XVII, 8, sqq.
^ Num., xxi, 1, sqq.

Ex., xv, 14, 15.

ments, sous l'inspiration du moment; tout Israël y contribuait, comme le montre si bien le v. 17: « Alors Israël chanta >> le cantique; >> et Moïse, en écrivant le Pentateuque à la fin de sa carrière, ce que nous avons déjà démontré, devait ne pas dédaigner de citer un recueil qui rendait vivement l'impression que les faits et gestes de Dieu avaient produite sur le peuple1. Loin donc que cette citation prouve contre l'authenticité mosaïque du Pentateuque, elle contribue puissamment à le mettre en lumière, et ajoute, aux motifs de crédibilité que nous présente cette œuvre admirable, la voix contemporaine de tout Israël.

1 Hengstenberg, Beiträge etc., III, 224.

CHARLES SCHOEBEL.

Littérature catholique.

DES FORMES PRIMITIVES DE LA POÉSIE

'CHEZ LES PEUPLES ANCIENS.

11.

HUITIÈME ARTICLE '.

Des formes de la poésie chez les Celtes.

Nous n'avons pas de textes positifs venant directement de nos ancêtres les Celtes ou Gaulois, mais nous avons deux sources de renseignements d'une parfaite certitude, qui toutes deux nous donnent la même idée de la prosodie celtique et, se complétant mutuellement, nous présentent cette idée sous une forme assez précise.

D'une part, en effet, s'offrent à tous les chants, relativement modernes, mais déjà anciens en eux-mêmes, et surtout traditionnels, des Bardes bretons, écossais, gallois; d'autre part, nous avons des compositions latines faites en Gaule, de l'aveu de leurs auteurs, à l'imitation des poëmes rustiques ou gaulois, et où nous retrouvons encore, par conséquent, les caractères de ces poésies toutes nationales.

Parler de la première de ces sources de renseignements, c'est parler aussitôt des nombreux ouvrages de M. de la Villemarqué, où l'on trouve des textes édités avec une critique pleine de sagacité; des traductions précieuses, des notes riches de faits et d'observations.

Or, des études approfondies de M. de la Villemarqué il résulte, au point de vue qui nous occupe, ce que l'on va dire. Chaque espèce de vers se compose d'un certain nombre de syllabes, et les stances se composent d'un certain nombre de vers depuis 2, 3, 4, sur une même rime, ou à rimes croisées, de même mesure ou de mesure différente, jusqu'à un nombre beaucoup plus considérable. A la fin du premier vers d'un tercet régulier, on trouve un mot qui est comme isolé de l'ensemble et ne rime avec aucun autre. Il y a des rimes, non1 Voir le 70 article au N° précédent ci-dessus, p. 179.

seulement à la fin des vers, mais encore à l'intérieur, et répétées coup sur coup. Enfin, à tout cela vient se joindre une certaine répétition, un certain balancement des mêmes consonnes dans un même vers, qu'on appelle allittération, et que nous avons déjà, au moins quelquefois, rencontré chez les poëtes hébreux. Le saint frère du barde Aneuriu, cité par M. de la Villemarqué, appelait cela une suave consonnance, consonnantia suavis.

Donnons quelques exemples empruntés à l'un des ouvrages du savant auteur: Les Bardes bretons, poëmes du 6o siècle traduits pour la première fois en français.

Alav, enn tail mail am mez,
Ned eizun. Dedouiz, dihez.
Amaeroni adnabod, amenez.

Alav, enn tail mail am lad,
Lizredaour leuren, lon kaouad,
Ha douvn red; berved pred brad.

Berved brad anvad ober;
Bezo dolour, pan purer
Gwerzi bic'hod er laouer.

Bervedor brad er anwir!
Pan Barno Douez, deiz hir,
Teouel bez gaou, golaou gwir.

O richesse, (vous êtes) semblable au vase (d'argile) qui renferme l'hydromel, je ne vous désire point. Le bonheur, (c'est) le repos. La clef du savoir, (c'est) la ténacité.

O richesse, (vous êtes) semblable au vase (d'argile) qui contient la liqueur, au serpent qui disparaît, à l'ondée abondante, et au gué profond. (Vous êtes pour) l'esprit un ferment de trahison.

C'est un ferment de trahison qu'une mauvaise action; elle trouvera (son) châtiment, quand seront purifiés ceux qui vendent cher (des objets de) peu (de valeur).

Qu'il fomente la trahison, le menteur! Quand Dieu jugera, au grand jour, le mensonge sera (mis) dans les ténèbres, la vérité dans la lumière 1.

On voit dans ces stances le syllabisme, les rimes, extérieures et intérieures, l'allittération ou jeu de sons, et aussi un certain jeu de pensée qui n'est pas sans agréments.

Grezev gour oez, gwas:

Gourzet en dias;

Marc'h mouz, moung bras,
Adan morzoued, meger gwas;

Eskonet eskavn, ledan

Ar pedrein mein buhan;

'Les Bardes bretons, p. 220-223

Tout jeune, il possédait les qualités d'un homme; (il était) vaillant dans les combats; un coursier vif, à longue crinière, sous sa cuisse, tout jeune (et déjà) fameux;

Un bouclier léger, large, couvrait la croupe fine de son rapide (coursier)·

Kleze maour, glas, glan;
Eze, aour a ban.

Ne be hef a mi

Kas; e roim a ti

Gwell gouneim; a ti

Ha'z mol de moli.

son épée (était) grande, bleue, étincélante; ses éperons, d'or qui brille.

(0 chef!) ce n'est pas moi qui te donnerai (sujet de) mécontentement; je ferai de mon mieux pour toi; pour toi et pour chanter tes louanges 1.

Donnons maintenant un exemple d'un autre genre, mais où nous retrouvons toujours les mêmes jeux de pensée (encore plus marqués), les allittérations, le syllabisme et les rimes.

Diskensez enn troum, enn keserin :
Hef diodez gormes, hef dodez fin.

Had efid he goured, he louri Elfin;
Erger gwaev rieu revel c'hoerzin;
Eizin enn goled, mur kreid, taro trin.

Diskensez enn troum, enn kesevin
Gwez mez, enn kentez, ha gwirod gwin
Haisez he lavnaour, rong diou bezin.

Eizin enn goled, mur kreid, taro trin,
Diskensez enn troum, rag alavez gwerin:
Gwere lu laeis eskouedaour,

Eskoчet breou rag biou beli bloez maour
Nag, oziouc'h gwear, fin festiniaour.

Il était descendu dans la mêlée, avec les premiers levés : il avait versé le fléau (liquide), il y mit une digue.

Sa vigueur était celle du cuivre enchanté; sa vitesse celle d'Elfin; l'assaut de sa lance, celui des rois de guerre qui rient (en combattant). C'était une bruyère enflammée, un mur crénelé, un taureau du tumulte.

Il était descendu dans la mêlée avec les premiers levés; mais le précieux hydromel et le vin, versés sous les portiques, affaiblirent sa lame, entre les deux armées.

Bruyère enflammée, mur crénelé, taureau du tumulte, il était descendu dans la mêlée, avant que les siens se fussent levés : il se leva une armée innombrable de boucliers, et les boucliers (ennemis) furent brisés devant les troupes du chef de guerre mugissant, volant, à travers le sang, en rampant 2.

Dans un autre de ses ouvrages: Les Romans de la Table ronde et les Contes des anciens Bretons, M. de la Villemarqué fait le rapprochement suivant, qui est tout à fait dans l'ordre d'idées que nous exposons dans le présent travail.

« On ne confrontera pas sans fruit, dit-il, pour la question de l'origine du rhythme des poëmes français du cycle breton, le mètre des poésies précédentes (citées dans ce volume), c'està-dire le petit vers familier octosyllabique à rimes plates, avec le mètre des légendes de Merlin de nos trouvères, avec celui

Ibid., p. 247-248.

Ibid., p. 302-305.

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