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pourroit dès-lors rien conclure: il faut dire que l'histoire n'est qu'un grand problème, un doute éternel, sans distinction de lieux ni d'époques, puisqu'à toutes les époques, et dans tous les lieux, les faits qui ne frappent pas immédiatement nos sens ne sauroient nous être connus que par le témoignage; il faut oublier cette ombre du passé qui fuit sans laisser de trace, et se renfermer dans le jour présent, incapables que nous sommes de savoir s'il eut une veille, et s'il aura un lendemain.

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Il est vrai, et nous le confessons, les philosophes ne tirent point dans la pratique les dernières conséquences de leurs principes ; il n'y a point de sceptique parfait. Mais qu'importe qu'ils soient, ou non, d'accord avec eux-mêmes? Ce n'est pas leur conduite c'est leur doctrine que nous examinons. En la suivant jusqu'au bout, ils ne s'arrêteroient que dans le pyrrhonisme complet ; et s'ils conservent encore avec un reste de foi un reste de raison, c'est en violant leurs propres maximes. On éprouve une pitié profonde à la vue de cet extrême abaissement de l'intelligence. Qu'y a-t-il donc dans l'homme qui le porte à descendre jusque-là? Esprits superbes, esprits déchus, dites-lemoi, si vous le savez; expliquez-moi ce mystère qui étonne et consterne ma pensée. Hélas! je vous demande ce que vous ignorez comme moi, l'impénétrable secret de l'orgueil, qui sera dévoilé, mais non sur la terre.

Considérez cependant, vous qui nous traitez d'hommes crédules parce que nous cédons à l'autorité du

genre humain, considérez en quel abîme de contradictions vous vous précipitez; car il vous est impossible de ne pas céder vous-mêmes tous les jours à quelque autorité moins grande. Vous croyez certains faits, ou à certains témoignages; vous rejetez d'autres faits, ou d'autres témoignages; et ces témoignages que vous rejetez sont plus nombreux, plus constans, c'est-à-dire, offrent plus de motifs de croyance que ceux auxquels vous déférez. Si les premiers sont incertains, ceux-ci nécessairement le sont davantage. Vous y croyez pourtant, et vous y croyez contre la raison; puisqu'il est absurde qu'après avoir rejeté comme insuffisant un motif de croire, on croie sur un motif plus foible. Par quelles règles inconnues de certitude justifierez-vous un pareil jugement? Pourquoi, ne croyant pas ce qui est plus croyable ou plus attesté, croyez-vous ce qui l'est moins, et quelquefois infiniment moins? Voici pourquoi: dans le premier cas, vous voulez croire; et dans l'autre, vous ne le voulez pas. C'est la volonté, une volonté libre qui détermine vos croyances. Ne dites donc plus que la foi n'est pas en votre pouvoir, et comprenez comment l'incrédulité peut être un crime.

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Nous nous arrêterons peu aux temps qui précèdent la sortie d'Égypte. Aristée fait mention de Job (1). Abraham fut toujours célèbre dans l'Orient (2). Des

(1) Arist, ex Polyhistor. ap Euseb. Præpar. evangel., lib. IX, p. 430. Edit. Paris., 1628,

(2) Les disciples de Zoroastre le regardoient comme leur premier

cendu de lui par Ismaël, les Arabes le reconnoissent pour leur père aussi bien que les Juifs. Ce que l'Écriture nous apprend de ce patriarche (1), de Loth et de la destruction des villes criminelles (2), de Jacob (3), de Joseph et du séjour des Israélites en Égypte (4), est confirmé par les auteurs profanes et par les traditions des Orientaux (5).

Ce n'est pas tout: ces faits se lient intimement aux faits qui précèdent et qui suivent; ils en sont insépa– rables. La véracité de Moïse prouvée, pour ce qui regarde l'histoire primitive de l'homme, par le témoignage du genre humain, ne permet donc pas de douter qu'il ne soit également véridique, lorsqu'il raconte les événemens postérieurs. A l'époque où il écrivoit, les enfans de Jacob ne formoient qu'une grande famille qui ne pouvoit pas avoir perdu le sou

législateur. D'Herbelot, Biblioth. orient., art. Ust et Usta; t. VI, p. 466.

(1) Vid. Beros. Hecatæ., Nicol. Damascen., Eupolem., Artapan., Melon., Alexandr. Polyhist. ap. Euseb. Præpar. evangel., lib. IX, p. 417, 418 et 422.

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(2) Strab., lib. XVI. ·Tacit. Histor., lib. V, cap. VII. -Solin., cap. XXXV. · Huet. Demonstrat. evangel., proposit. IV, p. 123.

(3) Demetr. et Theodot. ap Euseb., loc. cit., p. 422 et seq. Scalig. not. in frag. gr.— Bochart. Can., lib. II; cap. II. Selden de Diis syris, lib. V.—Heins. in Clem. Alex. Strom., lib. VII. Casaub. ad Theoph., p. 295. Herald. ad Arnob., lib. I. Florid. Ouzel. et Elmenhorst. ad Minuc. de Idolol., lib. I cap. XXIX.

(4) Artapan. ap. Euseb. Præpar. evang., lib. IX, p. 429. Justin., lib. XXXVI et al. ap. Voss., de Origin. Idolol., lib. I. (5) D'Herbelot, Biblioth. orient. passim.

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venir de sa propre histoire, et qu'il eût été impossible de tromper sur ce point. Pense-t-on que les Juifs ignorassent le nom de leurs ancêtres et les principaux traits de leur vie, depuis Abraham? D'ailleurs il auroit fallu que Moïse, pour n'être point démenti, pour ne pas acquérir la renommée d'un imposteur, qui lui auroit ôté tout crédit, eût trompé encore les Arabes et les nations circonvoisines séparées des Hébreux par leur culte et par une ardente inimitié. Son récit, loin d'être appuyé sur son seul témoignage, n'est donc en réalité que la tradition uniforme de plusieurs peuples, tradition d'autant plus certaine que, dans ces temps reculés, les peuples attachoient un prix extrême à conserver exactement la mémoire des faits relatifs à leur origine. La religion, les mœurs, l'intérêt même, concouroient à augmenter pour eux l'importance de ces annales de familles, qui, en établissant leurs descendances, formoient leurs titres de propriété, et prouvoient que les pays dont ils étoient en possession leur appartenoient par droit d'héritage.

Délivrés par Moïse de la captivité d'Égypte, les Juifs reçoivent de ce grand homme, envoyé de Dieu pour les constituer en corps de nation, leurs lois religieuses, politiques et civiles. Depuis cette époque jusqu'à Jésus-Christ, l'histoire de ce peuple offre une chaîne de faits dont on ne peut briser aucun anneau sans détruire la chaîne entière, et sans renverser en même temps presque toute l'histoire des anciennes monarchies de l'Orient, qui se rattache par de nombreux rapports à celle des Israélites. La Providence a

même permis que les circonstances les plus extraordinaires de la narration de la Bible fussent rappelées dans d'autres écrits, et par des païens mêmes, comme pour ajouter encore une nouvelle autorité à l'autorité déjà plus que suffisante de l'Écriture-Sainte.

Un poète, cité par Eusèbe, parle de Jacob et de son séjour en Égypte, de Joseph, de Moïse, exposé sur les eaux et sauvé par la fille du roi (1). Eupolème (2), Artapan (3), Démétrius (4), confirment dans tous ses points le récit de la Genèse et de l'Exode, l'oppression du peuple hébreu, la mission de Moïse, à qui Dieu apparoît au milieu d'un buisson ardent; les prodiges qu'il opère devant Pharaon, sa verge changée en serpent, les plaies dont il frappe l'Égypte, et dont la mémoire s'est conservée jusque dans ses coutumes (5); le passage merveilleux de la MerRouge, les Égyptiens engloutis dans ses flots, le voyage des Juifs dans le Désert, le rocher qui s'ouvre et laisse couler des eaux abondantes, dès qu'il a été touché par la verge du conducteur d'Israël. La tradition des Tables de la loi données au sein d'une nuée, se trouve jusque dans l'Inde (6); et Bérose', auteur

(1) Ezech. poeta tragic. ap. Euseb. Præp. evangel., lib. IX, cap. XXVIII, p. 436 seqq.

(2) Ap. Euseb., ibid., cap. XXVI, p. 431.

(3) Ibid., cap. XXVII, p. 431 seq.

(4) Ibid., cap. XXIX, p. 439 seqq.

(5) Cæterum memoriam calamitatis hujus, quâ majores natu liberos amiserunt, retinuisse videntur Ægyptii, pecudes suas et arbores minio notare soliti circa vernum æquinoctium, quo tempore scilicet in tantos luctus inciderunt. Alnetan. Quæst., lib. II, c. XII, n. XI, p. 202.

(6) Ibid., n. XIX, p. 214.

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