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n'étoit donc pas alors, comme elle l'est maintenant, reserrée par la Comédie; elle n'en étoit pas le supplément & l'accessoire : tous les matériaux de celle-ci lui apparte noient, & les Satiriques, dont il est tems de parler, n'étoient pas prévenus ou supplantés par les Poétes comiques. Boileau n'a peutêtre touché si légèrement l'article des mœurs, que parce qu'il n'a pas osé se mesurer avec Molière.

Horace, qui avoit irrévocablement fixé, je ne dis pas le ton, mais les diverses formes de la Satire (c), fut suivi de Perse, de Juvé♣ nal, & de plusieurs autres Satiriques qui florissoient du tems de Quintilien 1. Les noms mêmes de ces derniers n'existent plus. Je vais considérer les autres relativement à leur siècle, à leurs moyens, & sur-tout à leurs intentions, c'est-à-dire, aux effets qu'ils ont voulu produire. J'aurai soin de les placer au centre des évènemens & des mœurs, afin que l'on puisse juger de leur pénétration & de l'importance de leurs travaux. Au lieu d'exalter l'un au préjudice de l'autre, à l'exem

I « Il en est aujourd'hui plusieurs de renommés, & dont la postérité parlera: » sunt clari hodièque & qui olim nominabuntur: (Quinct. Lib. x, Cap. 1.) Ce passage ne sauroit regarder Juvénal; Quintilien avoit, depuis longtemps, cessé d'écrire lorsque les Satires de ce Poëte furent lues & publiées.,

ple de ceux qui ont déjà traité ce sujet, j'insisterai sur ce qui les caractérise le plus; bien résolu de n'approuver, dans leurs ouvrages, que ce qui me paroîtra utile ou agréable. Plusieurs Savans ont donné la préférence à celui qu'ils avoient traduit ou commenté1: on ne finiroit pas, si l'on vouloit peser tous leurs motifs de prédilection; il est tems de

suivre une autre route.

Horace naquit dans les circonstances les plus favorables à la Littérature. La langue latine, déjà maniée par de grands Maîtres, étoit presque fixée par des chef-d'œuvres en plus d'un genre 2. Le sublime Lucrece, l'agréable & tendre Catulle avoient déjà illustré l'Italie. Salluste avoit déjà publié le petit volume qui le place à côté de Tite-Live. Jules-César n'avoit pas moins charmé ses Concitoyens, par la pureté de son style, qu'il ne les avoit étonnés par ses talens militaires. Enfin Cicéron, qui venoit de porter l'éloquence Romaine à son plus haut degré, avoit em

1 Heinsius est tellement charmé d'Horace, qu'il semble mépriser Perse & Juvénal. Casaubon s'efforce, à chaque page, de faire adjuger à Perse la palme de son art. Rigault, non moins exclusif & combattant pour Juvénal, lui donne le pas sur les deux autres, &c. &c. &c.

2 Cela n'empêcha pas Horace d'enrichir cette Langue, d'une foule de tours & d'expressions empruntés des Grecs; & c'est pourquoi Bentelei (In notis, p. 64.) l'appelle mas gnus novator.

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belli la prose de toute l'élégance & de toute l'harmonie dont elle est susceptible.

Indépendamment des excellens modèles qui avoient formé le goût d'Horace dans son propre pays, à l'âge de vingt ans il étudia les Lettres & la Philosophie dans Athènes; à vingt-six, il fut présenté à Mécène par Virgile & Varius; &, peu de tems après, à Auguste par Mécène lui-même. L'Empereur l'enrichit à deux reprises différentes': mais il ne put pas lui faire accepter un emploi, qui l'auroit attaché immédiatement à sa personne 2

Au sein de la paix récente dont jouissoit enfin l'Italie, Octave & ses complices avoient besoin d'être amusés & célébrés: d'ailleurs, il entroit dans leur politique de protéger les arts, &, sur-tout, d'encourager les Poëtes plus capables que d'autres de seconder leurs vûes; c'est-à-dire, de consommer l'œuvre des proscriptions, & de métamorphoser les Citoyens en Courtisans. La passion des vers succéda bientôt aux intrigues & aux fureurs de la guerre : tout le monde en fit,

Unáque & alterâ liberalitate locupletavit. Suet. Vita

Horat.

2

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Auguste (que l'on avoit d'abord appelé Octave) lui offrit la charge de Secrétaire du Cabinet: » Augustus Epistolarum quoque ei officium obtulit. Suct. Vita Horat.

les

les savans & les ignorans, le peuple & la jeunesse; & même on vit des Pères-conscrits, couronnés de fleurs, en dicter pendant leurs repas 2.

Le talent & l'urbanité qui avoient produit Horace auprès des Grands (d), ne suffisoient pas pour l'y maintenir. On verra, dans le parallèle que j'annonce, quelles furent, à cet égard, son adresse & ses ressources; car il fut doué d'une prudence consommée, la seule vertu qui reste à pratiquer quand il n'est plus permis d'en exercer d'autres : on y verra le parti qu'il a su tirer de la louange & du blâme, en les combinant ensemble d'une manière vraiment originale; & l'on sera forcé de convenir qu'il paroît sincère, même lorsqu'il flatte aux dépends de quelqu'un. Je ne saurois m'empêcher d'en citer ce trait par anticipation: Quand je fends la presse, ditil, un brutal me crie: à qui en veut ce forcené? il renverse tout, lorsqu'il s'agit de

I

Scribimus indocti doctique poemata, passim.

Horat, Lib. 11, Epist. 1, v. 117.
Populus levis hoc calet uno

Scribendi studio, pueri patresque severi

Froude comas vincti, cœnant & carmina dictant.

Horat. Lik. 11, Epist. 1, v. 108.

3 «Prenez garde à ce que vous dites des personnes

∞ & devant qui vous en parlez:

Quid de quoque viro, & cui dicas, sæpè videto.

Hora, Lib, 1, Epist. XVIII, v. 68,

revoir son Mécène. Que ces injures me plaisent, ajoute-t il! en vérité, je les trouve aussi douces que du miel. C'est ainsi qu'il savoit préparer ses éloges, & c'étoit, presque tou jours, avec tant de séduction, que le commun des hommes en jouit autant, aujourd'hui, que si chacun d'eux étoit des puissantes familles qu'il ne cessoit de caresser: mais je renvoye à un morceau plein de goût, & qu'Horace lui-même n'auroit pas désavoué 2.

Quant à ses opinions, il convient qu'il n'en avoit pas de bien arrêtées 3; que guidé par son seul intérêt, il n'épousoit aucune secte, & passoit volontiers d'une école dans

Quid vis tibi, quas res agis, insane? improbus urget
Irátis precibus. Tu pulses omne quod obstet,

Ad Macenatem memori si mente recurras.
Hoc juvat & melli est, non mentiar.

Horat. Lib. II, Sat. VI, v. 29.

2 Personne n'a mieux fait sentir que M. le Duc de Nivernois, combien les louanges que donnoit Horace étoient délicates & séduisantes. Voyez les Mélanges de Poésie, de Littérature & d'Histoire, par l'Académie des Belles-Lettres de Montauban, pour les années 1744, 1745 & 1746.

4

3 Heinsius veut qu'Horace ait été de la secte des Eclectiques, fondée par Potamos d'Alexandrie, contemporain d'Auguste. Ces Philosophes différoient des Scéptiques en ce que ceux-ci doutoient de tout, au lieu que les Eclectiques choisissoient dans les différens systêmes ce qui leur paroissoit de plus utile & de plus convenable. Bien des gens, aujourd'hui, en usent de même, & sont Eclectiques sans le savoir.

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