Obrázky na stránke
PDF
ePub

grandeur d'Auguste, chanta sa gloire dans des odes sublimes, mais ne s'adressa point à lui dans ses épîtres familières. Auguste s'en plaignit, et pour satisfaire à ce désir du prince, il lui adressa la première épître du livre II.

Dans cet écrit même encore, Horace a le bon sens de comprendre que si l'amitié de Mécène avait pu mettre entre eux tout de niveau, les cajoleries du prince ne comblaient pas la distance qui le séparait d'un poète quelque célèbre qu'il fût.

Aussi, dans cette épître, on ne retrouve pas le ton familier qui règne dans les autres. Il affecte de servir Auguste suivant son désir; il ne lui parle que de littérature; il évite avec soin tout trait à la satire, cela eût blessé les convenances. Il bannit tout sujet philosophique; mais, dans une attitude respectueuse, il entre en matière d'une manière flatteuse et bien remarquable. « Notre peu«ple, lui dit-il, si juste et si sage, en vous << mettant au-dessus de nos plus illustres «< chefs, n'estime pas toute chose avec une « raison aussi saine. »

Cætera nequaquam simili ratione, modoque es[timat.

Alors il aborde son sujet tout littéraire; il le parcourt en homme habile, en comparant Auguste à Alexandre-le-Grand. Celuici, bon juge dans les arts faits pour les yeux, comme la sculpture et la peinture, était un écolier en poésie. Auguste, lui, montre son discernement en honorant les poètes, et ne pense pas que les traits des grands hommes doivent seuls être transmis à la postérité par le ciseau. Les poètes aussi doivent célébrer leurs mœurs, leurs vertus et leurs grandes actions.

Horace regrette de n'avoir point assez de talents pour chanter les exploits de l'empe

reur.

Sed neque parvum

Carmen majestas recipit tua nec meus audet, Rem tentare pudor, quam vires ferre recusant.

Certes Horace s'est tiré de ce pas avec adresse et bon jugement. La familiarité de l'empereur n'eût été qu'un insupportable servage; il sut l'éviter.

Mort d'Horace.

Entre Auguste et Louis XIV, on remarque cette triste similitude. Tous deux, au déclin de leur âge, virent s'obscurcir la gloire de leurs premières années. Tous deux perdirent, de leur famille, ceux qui leur étaient le plus chers. Tous deux, nés pour commander, subirent le joug honteux d'une femme vieille et artificieuse. Marcellus, Drusus avaient depuis longtemps précédé Auguste dans la tombe. Il dut déplorer aussi la perte des grands hommes qui avaient contribué à son élévation. Agrippa, Mécène n'étaient plus. Ce dernier avait plus d'une fois reconnu cette sincérité du cœur, cette solidité de caractère qui distinguait Horace. Entouré, comme tous les grands, de jaloux et de parasites cupides, ne sachant à qui se fier, il a dû apprécier l'utilité d'une amitié loyale et désintéressée. Aussi, en mourant, il recommande Horace à l'empereur. Horati Flacci, ut mei, esto memor. Expression touchante et dernier souvenir d'un àmi sincère.

Cette recommandation dernière, hélas! était bien superflue; car Horace avait juré de ne point lui survivre. Il en avait fait le serment dans cette ode immortelle adressée à Mécène.

Cur me querelis exanimas tuis?

Pourquoi me déchires-tu par tes plaintes? Le jour de ton trépas sera le dernier de mes jours.

Ille dies utramque,

Ducet ruinam; non ego perfidum

Dixi sacramentum.

Je ne trahirai pas le serment que j'ai fait. En effet, il ne l'a point violé: il mourut à Rome presque subitement, à l'âge de cinquante-sept ans. Il fit Auguste son héritier, et ce prince fit placer son tombeau auprès de celui de Mécène.

Horace mourut le 27 novembre 746 de la fondation de Rome, il était né le 8 octobre 689; c'est donc bien cinquante-sept ans, comme nous le disons: mais si l'on veut remarquer qu'une des années d'Horace avait

été prolongée de deux mois intercalaires par suite de la réforme du calendrier de JulesCésar, il en résultera qu'Horace aurait vécu cinquante-sept ans deux mois et quelques jours encore. Pour un homme comme lui, court et replet, brevis atque obesus, suivant l'expression de Suétone, c'était une longue vie. Il en atteignit paisiblement les limites, en conformant sa carrière à ses goûts. S'il fut, au contraire, resté passionné pour la liberté comme au jour où il rencontra Brutus dans Athènes, sa vie eût été courte et brisée par le tourment des luttes révolutionnaires.

Le pouvoir attaqué par lui n'aurait pas épargné un tel adversaire, et se serait cru clément s'il n'eût fait que le bannir de Rome; mais de tous les proscrits, ceux qui souffrent le plus sont les exilés politiques : ils ont, en effet, outre le regret de la patrie absente, ils ont au cœur le ressentiment des vaincus et une sourde rancune contre le pouvoir triomphant.

Transporté au milieu de peuples barbares, aux confins de l'empire, Horace eût-il plié

« PredošláPokračovať »