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n'a point dépouillées, le rangent parmi les adversaires du pouvoir et le signalent à ses suspicions. Dans cette position difficile, sa constance restera-t-elle à l'épreuve du temps et des événements? Non, certes; il changera plus tard, et pour être fidèle à notre plan, nous chercherons en lui les causes qui ont pu le rallier au pouvoir, et nous verrons que ces causes sont celles qui auraient dû d'avance le préserver de l'entraînement des partis.

Nous voulons, cependant, bien persuader nos jeunes lecteurs que cette conduite d'Horace, si contraire à celle qu'il tiendra dans l'avenir, était l'expression sincère de sentiments toujours prêts à éclater. On le voit dans la circonstance qui suit, plus de deux ans après la bataille de Philippe, Rome étant engagée dans une nouvelle guerre civile, Octave avait investi Pérouse, et, dans cette ville réduite par la famine, avait fait égorger trois cents chevaliers sur l'autel de César. Horace indigné exhale sa douleur dans une ode adressée au peuple romain.

Altera jam territur bellis civilibus ætas,
Suis, et ipsa Roma viribus ruit.

Là il exhorte les Romains à fuir une ville exécrée et à chercher une nouvelle patrie, comme ces chevaliers qui, croyant tout perdu après la bataille de Cannes, avaient juré d'abandonner l'Italie.

Cette ode sublime est le cri de désespoir du patriotisme. Quoiqu'elle n'ait été publiée qu'après la mort du poète, Auguste n'a pu l'ignorer; il dut bien certainement en être blessé. Mais ce retard à la publication n'est-il pas calculé? C'est la seizième épode, et ces ménagements indiquent-ils déjà, de la part du poète, pressentiment de l'avenir ou prudence?

Jeunesse d'Horace.

Dois-je entretenir mes jeunes lecteurs des poésies érotiques d'Horace? Je voudrais m'en dispenser; mais je ne le puis sans manquer au plan que je me suis proposé.

Revenu dans Rome après la défaite de Brutus, son oisiveté doit inévitablement porter ses fruits. Tenons compte d'abord de son âge et de son tempérament qu'exaltaient

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encore le souvenir de la vie dissolue des camps et l'ahurissement de la guerre. Il était jeune, et toujours imbu des maximes. de la philosophie épicurienne, il devait considérer l'amour sous le point de vue matériel.

Les mœurs corrompues de son siècle, les arts, la religion même, en célébrant les plaisirs illicites dont l'olympe donnait l'exemple à la terre, n'atténuaient pas les penchants du jeune poète. Je ne m'étonnerai donc point de le voir, conformément à mes déductions physiologiques, se prendre de belle passion pour la jeune Nééra.

Le dernier vers de l'ode 14 du livre nous apprend, en effet, que ce premier amour prit naissance sous le consulat de Plancus, peu de temps après la bataille de Philippe. Horace avait vingt-deux ans. Voici

ce vers:

Non ego hoc ferrem callidus juvenţâ
Consule Planco.

Il y parle, comme on voit, de rigueurs

qu'il n'eût point souffertes dans sa verte jeunesse; et comme on peut le comprendre, quand il écrivait ce vers, il y avait bel àge que Nééra l'avait abandonné. L'infidélité de cette courtisane ne s'était pas fait attendre, et Horace, à l'âge de vingt-cinq ans, s'en plaignait déjà dans une ode en vers ïambiques : c'est l'épode 10. Nox erat et cœlo fulgebat luna sereno. Là, Horace lui reproche ses serments oubliés, avec un sentiment exquis de délicatesse et de douleur, et cependant, comme s'il avait eu honte d'avoir si mal placé ses premières amours, il ne permit point à ses vers de voir le jour. Ils n'ont paru qu'après sa mort, dans le livre des épodes. Ainsi, dès le premier pas que nous faisons dans la carrière des amours d'Horace, notre jeunesse peut donc déjà en tirer une utile leçon. L'amertume des regrets si vivement exprimés, l'indignité de sa première affection si promptement trahie donnent à réfléchir. La jeunesse va trouver plus loin des leçons de profonde philosophie et d'utiles maximes pour la conduite de la

vie.

Lisons l'ode à Pyrrha, la cinquième du livre premier, et nous y trouvons une leçon donnée par un grand-maître connaissant bien la loi qui régit les affections humaines et le danger de la passion. D'abord, ce sont des reproches flatteurs sur l'inconstance d'une infidèle, et en définitif, une rupture signifiée d'une manière gracieuse et poétique, puis on le voit s'écrier: « Malheureux ceux qui éprouveront la puissance de tes charmes ! »

Miseri quibus

Intentata nites.

Et il se réjouit d'y avoir échappé, comme s'il s'était sauvé d'un naufrage.

Me tabula sacer

Votiva paries indicat uvida
Suspendisse potenti

Vestimenta maris Deo.

On sait que ceux qui échappaient à la fureur des flots suspendaient, en actions de grâces, leurs vêtements humides au temple de Neptune.

Le nom de Pyrrha ne reparaît plus dans

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