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Pour l'usure, trois ans de pénitence, entre lesquels un an au pain et à l'eau.

Pour une simple fornication, trois ans de pénitence; si le crinie est arrivé souvent, augmenter à proportion.

Pour le crime d'une femme adultère, dix ans de pénitence.

Pour un mari qui consent à l'adultère de sa femme, toute la vie en pénitence.

Pour le crime d'un homme non marié avec une femme, sept ans de pénitence.

Pour le crime d'une fille ou d'une veuve avec un homme marie, dix ans de péni

tence.

Pour le crime d'un homme adultère, cinq ans de pénitence; et augmenter à proportion si l'homme continue dans ce crime.

Pour un inceste avec deux sœurs, toute la vie en pénitence,

Pour un inceste au second degré de parenté, toute la vie en pénitence.

Pour un autre inceste, quelques canons ont ordonné quinze ans de pénitence, d'autres douze, d'autres dix, d'autres sept.

Pour la bestialité, la sodomie et d'autres infamies semblables, quinze ans de péni

tence.

Pour le crime de ceux ou de celles qui en prostituent d'autres, et qui perdent la jeunesse par cet infâme commerce, pénitence toute la vie.

Pour s'être fardée dans la vue de plaire aux hommes, trois ans de pénitence.

Pour le faux témoignage, sept ans de pénitence.

Pour le crime des faussaires, au pain et à l'eau toute la vie.

Pour avoir une fois vendu à faux poids ou à fausse mesure, outre la restitution du dommage, vingt jours au pain et à l'eau.

Pour une né lisance légère, trois jours de pénitence.

Pour la facilité à mélire, sept jours au pain et à l'eau.

Pour le murmure, les injures, la détraction, pénitence proportionnée au péché selon la prudence du confesseur.

Pour s'être masqué, les femmes en prenant l'habit d'un homme, et les hommes en prenant l'habit d'une femme, trois ans de pénitence.

Pour avoir négligé de payer les legs pieux faits à l'Eglise, un an de pénitence.

Pour avoir négligé de visiter les malades et les prisonniers, dix jours de pénitence au pain et à l'eau.

Ceux qui étaient hors d'état de jeûner, étaient obligés de suppléer au jeûne par des aumônes proportionnées à leurs facultés, par des mortifications autres que les jeûnes, par des prières, par d'autres bonnes œuvres, le tout au jugement du confesseur.

Pour ce qui nous resterait à dire sur la manière dont les canons pénitentiaux ont été observés dans l'Eglise selon les temps, voir le chapitre V.

CHAPITRE III.

Sommaire de la doctrine catholique sur les indulgences.

Une âme est vivement pénétrée de la nécessité d'expier ses fautes pardonnées quant à la peine éternelle au tribunal de la pénitence; elle tâche donc d'offrir tous les jours à Dieu quelque tribut de satisfaction afin de diminuer la masse des dettes qu'elle a contractées, si elle ne peut les payer tout à fait. Que si on lui offre un moyen de suppléer à son insuffisanco et d'obtenir une remise entière, avec quels sentiments de reconnaissance ne doit-elle pas la saisir et se håter d'en profiter? Or ce moyen c'est l'indulgence.

Toutefois, avant d'exposer article per article l'enseignement de la foi sur cette importante matière, nous croyons bon et utile d'en donner une idée sommaire et élevée. Et pour cela, nous ne saurions produire des pages tout à la fois plus didactiques, qu'on nous passe ce terme peu théologique, et plus oratoires que celles qui composent le mandement justement célèbre que publia en 1847 Mgr Berteaud, évêque de Tulle, à l'occasion de l'exaltation de Pie IX sur le siége apostolique. L'illustre et savant prélat ayant embrassé synthétiquement toute la doctrine de l'Eglise sur les indulgences, nous nous servirons de sa lettre pastorale comme d'une magnifique et substantielle introduction aux questions qu'elle ne fait et ne peut forcément que toucher et que nous devons développer et expliquer le plus qu'il nous sera possible.

« A peine apparu sur le grand trône où il va régner, le Souverain Pontife s'adresse au peuple des fidèles, afin que celui-ci, entreprenant le puissant travail de la prière, attire sur sa tête le secours indispensable. Pour l'animer, il lui présente des donations précieuses, les richesses de l'immortalité; d'une main magnifique, il ouvre les trésors et les distribue.

« Ce que le Pontife nous donne est d'une rare valeur; vraiment, le monarque des esprits inaugure d'une façon bien assortie à son titre, la royauté qui lui est échue. Nous vous montrerons tout à l'heure la susbtance des présents offerts. Vous verrez que ce ne sont pas des profusions vaines ni puériles,

« Pour vous rendre plus accessible le dogme des indulgences, nous croyons devoir remonter à quelques principes.

« Dans l'humanité prise par le Verbe, déjà tous les hommes sont comme unis à Dieu.

Les Pères et les théologiens insistent volontiers sur le caractère universel de la nature adoptée pour l'incarnation; non pas qu'il soit permis de l'envisager comme une chose vague sous laquelle les individus du genre seraient renfermés, abstraction menteuse, qui ne pourrait servir de fondement. C'est bien une nature réelle et vivante que le Verbe a élevée jusqu'à lui; mais douée de toutes les perfections du genre d'où elle est tirée, elle exprime une forme compréhensive des personnalités diverses. Par elle, la race humaine tout entière est ornée d'une parenté divine; nous sommes dans le Verbe, puisque l'un de nous lui est uni; notre race compte Dieu parmi les siens, car il s'est fait chair. La nature humaine n'est plus pour Dieu une étrangère; elle nourrit le légitime orgueil des alliances. L'infidélité, le crime n'éteindront pas cette parenté glorieuse. Tous les hommes, en effet, sans distinction d'habitudes avilissantes et de facultés dégradées, ne sont-ils pas toujours des frères, à cause de l'unité naturelle dont ils font partie? La famille humaine peut avoir à pleurer; ce devoir des larmes suppose précisément l'étendue persistante de la race; on ne pleure que sur les siens. Si l'un d'entre nous est Dieu, nous sommes ses frères, et, par conséquent, de la famille de Dieu. Pourquoi le Verbe est-il allé prendre notre humanité, lui communiquant sa vie, si bien que désormais, jusque par delà les siècles, elle durera, associée, adorée, divine. Le Verbe a pris l'homme; il ne peut plus méconnaître les hommes. Dans une race, tout est commun: la honte se partage, le malheur est un patrimoine; la gloire, aussi l'illustration sont des héritages.

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Ecoutez saint Hilaire commentant ces paroles de l'Evangile (1): La cité bâtie sur la montagne ne peut pas se dérober à la vue. « Jésus-Christ appelle cité la chair qu'il a prise; « parce que tout de même que la cité résulte de la variété et du nombre des habitants, ainsi << en lui, par la nature du corps qu'il adopta, est embrassée comme une aggrégation du genre « humain tout entier; moyennant notre réunion en lui, il devient la cité animée, et nous, « par la communion de sa chair, nous sommes les habitants de la cité. » Saint Ambroise (2) tire la même doctrine du psaume où les anges, voyant venir le Verbe incarné, chantent ce cantique: Elevez vos portes, & princes! portes éternelles, levez-vous. « Quoique les anges « sussent très-bien que Dieu n'avait pu retirer aucun accroissement de la chair, parce que « toutes choses sont au-dessous de lui, cependant, voyant les trophées de la croix, le dur « sceptre sur les épaules du triomphateur, les dépouilles conquises, comme si les portes du « ciel par lesquelles il était sorti n'avaient plus assez d'ampleur pour le recevoir à son re« tour, ils cherchaient quelque voie plus large..... En effet, ce n'était pas un homme seule«ment qui demandait à entrer le inonde entier était inclus dans le Rédempteur de tous « les hommes. >>

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« Si vous voulez, N. T.-C. F., une autre preuve de cette vérité, vous la trouverez dans l'étude des causes de la résurrection à laquelle tous les individus de la race humaine, chrétiens et infidèles, justes et pécheurs, sont très-certainement destinés. Tous les hommes ressusciteront un jour, parce que Jésus-Christ est ressuscité. La mort venait d'Adam et dévastait sa descendance; le Verbe fait chair a mis dans les racines de l'arbre humain tant de sucs puissants, que toutes ses branches seront fidèlement relevées. Voyez-vous la pa→ renté obligée de Dieu avec nous tous, nos parts de grandeur, les résultats qui s'ensuivent? Ne vous troublez pas, pourtant, comme si ce que nous venons de dire attentait au dogme des justices éternelles. A Dieu ne plaise. Saint Cyrille, auquel nous empruntons ces aperçus (3), se hâte de vous rassurer; et il maintient la glorification de notre race par l'incarnation du Verbe, et il laisse intacts les droits de la justice. « Quelqu'un me dira peut-être : N'a« percevez-vous pas l'abime où vous vous jetez ? Tous seront donc de la famille de Dieu, par « cela seul qu'ils sont hommes ?... Nous répondons: En effet, le mode d'union est commun « à tous, soit à ceux qui le connaissent, soit à ceux qui l'ignorent. Le Verbe s'est fait homme, « ne prétendant pas accorder une faveur à quelques particuliers à l'exclusion des autres; il «eut pitié de la nature tombée tout entière. Mais ce mode d'union ne doit servir de rien à « ceux qui pèchent et se rebellent contre lui, pendant qu'à ceux qui l'aiment une riche ré« compense sera décernée. Tout de même que le privilége de la résurrection appartient à « tous les hommes, à cause de la résurrection du Sauveur, qui arrache avec lui du sépulcre « l'universalité de la nature, sans que ce privilége tourne au profit des amateurs de péché, « qui seront précipités dans les enfers; ainsi, nous pensons que le mode de l'union s'adresse « aux bons et aux méchants, et pourtant ne se réalise pas également en eux. Chez ceux qui « croient en Jésus-Christ, c'est une parenté véritable produisant les prérogatives qui lui sont dues; chez les autres, il y a crime très-grave d'ingratitude et d'impiété. »

« Suarez (4), avec l'école, affirme que dans l'incarnation, quoique la dignité qui en est le fruit s'arrête immédiatement à une nature individuelle, à savoir celle qui a été choisie; cependant cette dignité n'est pas si particularisée, qu'elle ne rejaillisse sur la nature humaine tout entière. C'est pour cela que peut-être l'apôtre saint Paul a dit que Dieu avait prédestiné ce mystère à notre gloire. Saint Augustin 'assure-t-il pas que « par lui la nature humaine a été élevée si haut, qu'il n'y a plus pour elle d'ascension possible? » Ajoutons un mot encore. Le fait de l'incarnation est un fait généralisateur; l'ensemble ertier des créatures en reçoit des décorations incomparables. Toutes les choses créées sont

(1) In Matth., can. 4.

(2) De Fide ad Gratian., 1. iv, c. 1.

(3) In Joan., 1. vi.
(4) De Incarn., disp. 3, sec. 3.

résumées, en quelque sorte, dans l'humanité; en prenant la nature de l'homme, Dieu s'est associé spécialement l'univers; la création, dans ses détails les plus lointains, est honorée de l'union divine. Saint Jean Damascène, cité par Suarez, s'exprime ainsi (1): « La a douce volonté du Père a opéré le salut de l'univers dans son Fils unique, et a lié fortement toutes choses: l'homme, en effet, étant un petit monde dans lequel se nouent et s'enlacent toutes les essences, tant celles que le regard découvre que celles qui lui échappent, réellement le miséricordieux vouloir du Maître souverain, du Créateur, du Monarque, a fait que dans son Fils, l'unique, le consubstantiel, il se fit une union intime de la divinité et de « l'humanité, et par là l'union de toutes les choses créées, et que, de cette sorte, Dieu fut << tout, en toutes choses. » Ces vues sont familières : il n'est aucun docteur traitant de l'incarnation, qui ne les propose. Saint Paul, le docteur par excellence, les indique fréquemment dans ses Epitres. Nous nous bornons à vous les avoir rappelées : elles auront servi d'introduction à ce que nous avons à vous dire.

« Dieu ne s'est pas borné à poser un grand fait d'où devait sortir, par voie de conséquence, le dogme de la communion universelle. C'eût été beaucoup, nous l'avouons: co 'était pas assez pour son amour. I a donc surajouté d'autres faits d'une propriété plus intime, spécialement aptes à former et à cimenter l'union des hommes avec lui. Ce ne sera plus à cause de notre similitude seulement que nous serons liés au Verbe incarné, et par lui à Dieu; il va y avoir une construction divine dans laquelle nous entrerous comme membres. Des sutures merveilleuses nous attacheront rigoureusement à une grande vie. « Les fidèles forment un corps immense, prolongé dans l'étendue du ciel, aux espaces de la terre et dans ces lieux de purification que nous appelons le purgatoire. Une ame hunaine entrée par la foi dans ce corps, n'en est détachée désormais que par le fait de son vouloir Jitre. Point de cause étrangère assez forte pour rompre son lien, si elle n'y a pas consenti. Ni les variétés de région, ni les successions de temps, ni le passage dans l'éternité, rien ne l'arrache à son glorieux chef. Qu'il vive donc le chrétien, triomphant, impérissable, plein d'immortelles certitudes. Si le chrétien est le membre d'un corps dont le DieuHomme est le chef, et si à cause de cela il doit être fier, l'avantage de se voir associés dans cette ineffable composition tous les hommes qui l'auront voulu, lui est un motif de grande joie. Le voilà résolu le problème si beau de l'unité des hommes avec Dieu, et des hommes les uns avec les autres. Unité non plus seulement morale, simple accord des esprits et des volontés; mais unité substantielle, vie divinement humaine, sublime personnalité, créée selon toutes les lois de l'être vivant.

L'humanité, unie au Verbe, possède la plénitude de la grâce; son droit à cette plénitude lui vient et de l'union hypostatique et du titre de chef universel qu'elle est appelée à exercer. Les mérites de Jésus-Christ sont le motif de diffusion et d'application de la grâce, La grâce est une participation à la vie divine. Les mérites de Jésus-Christ, ce sont les euvres libres et saintes que l'humanité, unie au Verbe, produisit; car il ne faut pas que, sous prétexte de glorification, cette humanité en soit réduite à n'être plus qu'une force abolie, un outil mort.

« Ces notions posées, il sera aisé de vous faire comprendre la constitution du corps de Eglise. Jésus-Christ, en tant qu'homme, en est la tête vigoureuse; son âme est le sanctuaire où la vie est déposée. Ainsi que dans le corps physique, la vie descend des hauteurs de la tête et circule jusqu'aux dernières régions; dans le corps mystérieux de l'Eglise, c'est de Jésus, le Verbe incarné, chef précieux, que se précipite la vie. Mais dans les corps vulgaires, l'organisation est toute faite; les membres existent simultanément; la vie, retenue dans leurs limites, ne dépasse pas les frontières assignées par la nature. Dans le corps surnaturel de l'Eglise, il en va autrement les membres n'apparaissent que par suite détachée; en conséquence, le chef a des attributions énergiques, aucune barrière ne borne ses envahissements. Ceux qui doivent être ses membres sont dispersés dans le temps et l'espace; il va les chercher, il les arrache, les emporte dans une conquête brillante. La stature de l'homme parfait n'est pas blessée en ses proportions par ces accroissements multiples. Ceux qu'il n'a pas encore subjugués ont beau se tenir dans leur sauvage indépen dance, il leur envoie des provocations suaves et fortes. Que nul n'aille se croire affranchi des influences souveraines de Jésus-Christ, la tête puissante. Son corps n'est pas achevé; il convoite légitimement quiconque est apte à en devenir le membre. Ces masses d'infidèles inattentifs, tous ces troupeaux semés sur le globe, sont mystérieusement travaillés; la vie ramassée dans Jésus se dirige de leur côté. Nous conipterions difficilement les élans, les commotions invisibles, qui se succèdent au profit de ces âmes en apparence délaissées.

« L'union avec le Verbe procure aux actes de l'humanité un caractère divin et presque infini; elle demeure libre pourtant, comme nous l'avons vu, et, à cause de cela, les produit méritoirement. L'humanité dans Jésus-Christ n'est pas un instrument inerte, simple lieu de passage pour l'activité du Verbe; c'est une nature animée de ses volitions propres, coopérant avec des libertés à des directions supérieures. Pareillement, les membres qui vont être ajoutés au chef recevront la vie de lui sans doute, et pourtant ne les croyez pas un assemblage de pièces muettes, sans ressort ni activité personnelle. A la bonne heure,

(1) Orat. de Transfig. Dom,

que la vie leur soit communiquée; divine comme elle l'est, il faut bien qu'elle leur arrive du dehors, elle ne jaillit pas de leur fonds humain. Mais une fois répandue en eux, elle ne s'y déploiera pas seule et fatalement. Chacun de ces membres est homme. Pour avoir obtenu l'honneur d'être du corps de l'Eglise, il n'est pas bien que sa nature s'abaisse. Les raisons qui militent pour le maintien de la liberté humaine dans le chef ont une autorité analogue quand il s'agit des membres; et en eux et en lui, la prostration de cette belle force serait une détérioration véritable. Le membre humain de l'Eglise restera donc possesseur de son individualité et de sa liberté native. Portion du corps mystique de Jésus-Christ, il aura tous .es bénéfices d'une vie d'harmonie et d'ensemble; homme toujours, il gardera la prérogative, mêlée de péril et de gloire, de l'être responsable et libre. Ainsi, cet illustre corps qu'on appelle l'Eglise se produira aux regards, divinement humain; Dieu y verse sa gló rieuse vie; l'humanité y fait éclater son énergie, sa valeur. L'humain, laissé à lui-meure, n'aurait jamais gagné ce mode sublime d'existence; Dieu dans sa miséricorde en fournit l'élément, en assure la fermeté et la durée, sa sagesse a voulu qu'une place y restât assi gnée à la liberté de la créature.

« C'est une loi du corps, que chacun des membres qui le composent trouve son bien dans le bien général. Les membres sont divers; ils ont des sites différents; leurs aptitudes et leurs destinations varient. L'œil voit, l'oreille entend, le pied marche, le bras agit. Tous s'animant à la source commune de la vie, ils se passent fraternellement l'un à l'autre les prérogatives dont la nature les investit. De cette sorte, la variété subsiste dans l'unité; le nombre ne nuit pas à l'accord; et la vie, circulant comme un fleuve, n'est pas-gardée dans des réceptacles jaloux. Le pied voit par les miroirs de l'œil; l'œil, ce délicat organe, marche par le pied endurci; le cœur agit par la main; la main s'embrase au foyer du cœur. Cha que membre reste dans son lieu, remplit sa tâche; et le corps, unité faite avec la multiplicité, marche dans sa vigueur au terme marqué par la Providence:

Saint Paul aimait à rendre sensible l'idée de l'Eglise par cette comparaison em; runtée à l'ordre des corps physiques. Le grand apôtre déduisait de ces rapprochements les enseignements les plus beaux. Ainsi, l'Eglise étant le corps mystérieux dont Jésus-Christ est Le chef, dont les fidèles sont les membres, il s'ensuit que les bénéfices de la vie s'y partagent au profit de tous les incorporés. Laissez-vous seulement régir par la grande loi de ce corps qui est la charité; dès lors tout ce qu'il possède est à vous; et vous, à votre tour, yous lui apportez un contingent qui aide à la richesse des autres. C'est le devoir sublime cu dévouement, confondu dans une merveilleuse combinaison avec les recherches de l'intérêt personnel. Saint Augustin a commenté éloquemment l'enseignement de l'Apôtre.

Il est temps, N. T.-C. F., d'appliquer cette doctrine à la question des indulgences. Lo Verbe incarné a mérité pendant sa vie mortelle. De l'heure de sa conception à celle de sa mort, clôture ineffable, il a produit des actes libres, pleins d'honnêteté morale, inspirés par les motifs les plus dignes; beaucoup de ces actes s'accomplissaient à travers la souffrance; le Verbe incarné était un sublime pénitent qui n'avait pourtant pour lui-même aucun compte à régler avec les justices d'en haut. Tous ses mérites, dont un seul aurait suffi pour sauver le monde, forment le titre originel de notre salut. Le Verbe incarné se pose chef d'un corps dont les fidèles seront les membres. Le fidèle, entré par la foi dans cette construction vivante, mérite à son tour; le membre prend les mœurs de la tête; il est tenu d'agir librement, de réaliser des actes conformes aux idées élevées et saintes. La crainte de la douleur ne doit pas l'arrêter, d'autant plus que lui n'a pas, comme son divin chef, le privilége de l'innocence, et qu'en se faisant pénitent, il accepte le rôle auquel sa condition de pécheur l'oblige. Il faut avouer, néanmoins, que, dans cet ordre d'actes, le fidèle, membre de Jésus-Christ, peut reculer, par délicatesse d'amour, les lignes que détermina la justice; il peut embrasser noblement plus de douleurs que le péché ne lui en a fait encourir. 1.'exemple du chef meurtri, sans motif tiré de sa faute, enflamme le cœur d'élite devenu son membre, et l'on conçoit très-bien qu'une ardente émulation saisisse certaines portions du nouveau corps.

Nous avons hâte de dire que le mérite des membres tire sa valeur des mérites du chef. L'élément de la vie dans l'Eglise est un; l'humain n'y apparaît qu'à la condition d'être élevé et soutenu par le divin. Ce ne sont pas deux vies séparées et distinctes qui se mêlent dans une rencontre, deux ruisseaux formant le fleuve : c'est la vie divine s'immiscant dans l'humanité libre, qu'il s'agisse de la tête ou des membres.

a Vous venez de voir, N. T.-C. F., que Jésus-Christ a multiplié les actes douloureux; son attitude habituelle fut celle d'une victime; il a souffert, il est mort. C'est étrange, çela, au premier aspect; car l'innocence n'a rien à démêler avec la peine. Aussi bien, n'était-ce pas sa dette qu'il acquittait; il payait en flots de son sang la rançon du genre humain. Or, quoique le genre humain soit beaucoup, il n'est pas tant toutefois que, pour le racheter, il faille qu'un Dieu épuise ses veines; une goutte y aurait suffi: moins qu'une goutte de ses veines, une larme de son œil. Ces excès de richesses surnaturelles, ce surcroît splendide de la passion de Jésus-Christ, que deviendront-ils? Est-ce pour rien qu'il a outrepassé toutes les bornes et mis dans le plateau des balances divines des prix si grands? Ce que nous disons des satisfactions du Verbe incarné (car satisfaction est le mot de la langue catholique employé pour nommer ces précieuses choses), nous pouvons le dire, dans une certaine mesure, des satisfactions des saints. Parmi les saints, soit ceux du ciel, soit ceux de la

terre, il en est beaucoup qui ont enduré et souffert par delà l'obligation qui tes atteignait, Que nul fils de la race humaine, si vous en exceptez la très-sainte vierge Marie, mère de Dieu, ne soit libre d'engagements à la douleur à cause du péché, nous en convenons. Mais enfin, Dieu est juste, et l'essence elle même des rapports nous assure que la peine est toujours proportionnelle à la faute. Qui osera dire que les supplices de la radieuse époque des martyrs n'étaient que l'exacte application des peines que ceux-ci avaient encourues? La violence des tourments était-elle donc une suite de l'état moral antérieur du glorieux supplicié? Qui endurait plus dans ces combats avait donc été jadis plus coupable? Et combien de vierges pures, de saints vieillards, de solitaires innocents, de fidèles en un mot de toute condition, chez lesquels la pratique des souffrances fut une tradition sainte, cultivéo non à cause de la nécessité, mais sous les dictées de l'amour! Voudrait-on que cette prodigalité fût en pure perte? Il faut nécessairement qu'un pareil luxe de pénitences ait son motif quelque part. Ce qui, dans le corps naturel, est surchargeant, devient un obstacle à la force, un empêchement à la beauté; dans le corps mystique il en serait de même. Dieu n'a pas mis dans l'essence de son Eglise un inexplicable génie de la douleur.

« Ce qui choque les superficiels tient de très-près à la miséricorde. Il faut que vous sachiez que le péché renferme deux éléments constitutifs : l'un, l'effort par lequel le pécheur se détourne de Dieu; l'autre, le mouvement illégitime qu'il fait vers la créature. Saint Thomas remarque qu'au premier correspond la perte de Dieu, la peine de damnation. Les damnés sont ceux qui n'auront jamais la vision intuitive, la gloire, la divine vie participée dans son éclat. Puisqu'ils se sont détournés librement du terme souverain, c'est justice qu'ils restent fixés dans leur chute. Si le péché n'était que le détournement de Dieu, sa peine s'arrêterait là: malheur immense, trop peu compris, malheur autrement grand que celui venu des souffrances physiques; et il est certain que le supplice éminent des enfers consiste dans la séparation irrémédiable des âmes. Mais le péché renferme un autre caractère : il est une conversion désordonnée vers la créature. Par ce mouvement, le pécheur viola l'ordre des rapports, il tenta de créer à sa guise des relations que n'autorisait pas la loi; le plan de la Providence fut troublé. Cette révolte, ce mouvement contre la règle, doivent être ramenés à l'ordre, le législateur ne tolère pas les infractions, l'¿ternelle loi demande à être vengée. Le pécheur s'est faussé lui-même ses facultés prirent un pli mauvais; pour l'effacer, l'effort contraire est indispensable. Vous avez la raison des labeurs difficiles qui constituent la pénitence: voici les satisfactions. Mais prenez garde, N. T.-C. F., que chez le damné toutes les conditions de la satisfaction manquent ; à cause de ses détours vicieux vers la créature, il souffre; sa souffrance n'est ni libre ni aimée; elle l'envahit, le malheureux, elle ne le purifie pas. Ses facultés ne trouvent que douleurs aux rapports coupables qu'elles formèrent, et pourtant elles ne se dégagent pas de l'altération; sans grâce, sans secours, le redressement leur est impossible. Aussi, la peine du damné est éternelle; il souffrira toujours et ne satisfera jamais. L'éternité de la peine du sens est un corollaire de l'éternité de la peine du dam, comme les appellent les théologiens.

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« Le pécheur, pendant qu'il est encore en cette terre, peut, s'il le veut, heurter pieusement à la miséricorde. Dans ces ineffables rencontres, voilà ce qui arrive. Dieu, par les mérites de Jésus-Christ, remet la double peine éternelle, soit du dam, soit du sens. Le pécheur aidé de la grâce s'est retourné vers Dieu; puisqu'il le cherche, puisqu'il l'aime, évidemment il n'est plus séparé de lui; par voie de conséquence, il est libéré de la peine éternelle du sens; cette peine n'était éternelle qu'à cause de l'éternité de la séparation. Le principe maudit aboli, les corollaires ne durent plus. Toutefois, remarquez-le bien, N. T.-C. F.: nonobstant ce replacement de l'âme vers Dieu, cette réconciliation octroyée, il reste toujours la violation de l'ordre par le détour désordonné vers la créature; la loi des rapports n'en a pas moins été méconnue. Que ces faits ne soient plus imputés à faute à l'heureux pardonné, nous le voulons bien; mais ils subsistent dans leur difformité, il est tenu de les détruire.

«Ecoutez, N. T.-C. F., c'est ici qu'apparaît la douce doctrine des indulgences. Le péché, détruit par le pardon, persévère dans les suites néfastes qu'il enfanta. L'ordre est perverti, les rapports sont violés, la justice proteste, les êtres humains eux-mêmes réclament une rectitude, une droiture, une beauté qu'ils perdirent. Ces restitutions demandent du sacrifice et de l'effort; or toutes les âmes n'ont pas une vaillance égale; puis, beaucoup d'entre elles peuvent être emportées du théâtre des luttes libres avant l'achèvement de leur tâche; elles seraient inévitablement arrêtées aux lieux d'expiation, dans le purgatoire. Là enchaînées par la souffrance, elles subiraient une épreuve proportionnée à l'étendue du mouvement désordonné qu'elles firent vers la créature. L'heure du bonheur s'attarderait pour elles, un lien douloureux les tiendrait loin du ciel. Irons-nous rétracter ce que nous avons enseigné, et faire fléchir devant les conditions efféminées les saintes sévérítés du dogme? Ne craignez rien, N. T.-C. F. notre Dieu est toujours cette miséricorde et cette vérité qui s'allient, cette justice et cette paix qui se donnent des embrassements. Souvenez-vous que l'Eglise est un corps. Avez-vous oublié la vie, les richesses de ce corps auguste? La loi des corps vivants n'est-elle pas que tout soit commun entre les membres? Les rayons de l'œil éclairent la main : l'industrie des mains ne s'appartient pas ; des sommets de la tête à la plante des pieds, il y a communion et réciprocité. Or, dans le corps

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