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de l'Eglise, la tête et beaucoup d'entre les membres sont enrichis de satisfactions surabondantes; cette opulence suffit, et par delà, aux détresses générales. Si la justice et l'ordre exigent des réparations de la part de quelqu'un, celui-ci n'existe pas solitaire et détaché. Il est partie intégrante d'un vaste corps, sa gêne particulière est suppléée par la richesse commune. Tout est à lui dans la communauté, selon des mesures équitables.

« Que personne n'accuse de contradiction ce que nous venons de dire. La justice exigeait une peine; cette peine doit être subie. Nous ne craignons pas d'avancer qu'elle l'est par le coupable lui-même. Qu'importe la forme d'être sous laquelle il se présente, si c'es bien lui toujours? Empêchez donc qu'il n'entre dans la divine communion, parquez-le, bannissez-le de la vie. Jusque-là vous ne démontrez pas que ce n'est pas lui que nous voyons apparaître dans l'unité, enrichi du fonds universel, soldant sa dette avec un trésor non usurpé. La prétention que nous combattons n'irait à rien moins qu'à nier la possibi-, lité du corps mystique de l'Eglise, qu'à décréter fatalement la séquestration de l'homme. « A présent que sous prétexte qu'il est quitte envers la justice, le pécheur d'autrefois, s'endorme dans la mollesse et néglige les œuvres; il n'aurait pas d'excuse. S'il n'est plus obligé au travail au titre de justice, il y est tenu à d'autres titres non moins sacrés. L'âme chrétienne n'obéit pas seulement aux exigences des attributs rigoureux. Le motif de l'amour est beaucoup pour elle. Faut-il que l'homme soit dans la crainte pour se consacrer à de nobles choses? Et quand il se met à l'œuvre par dévouement, est-il moins puissamment inspiré? Le travail saint ne sera donc pas interrompu dans l'Eglise; l'atelier spirituel aura ses ouvriers pressés et ardents; le dogme des indulgences ne sera pas une prédication de paresse. Il restera ce qu'il est en effet, le dogme des douces condescendances envers la fragilité humaine, l'octroi de la miséricorde, l'invitation la plus persuasive à la pratique incessante de la perfection.

«Il est besoin d'entrer dans de nouveaux développements pour bien vous fixer sur la grande question des indulgences. Les théologiens disent avec justesse que la tête agit sur le corps de deux manières: premièrement, par une influence intérieure, envoyant aux membres les plus reculés les principes vitaux, le mouvement, l'énergie; secondement, par une direction extérieure, gouvernant l'ensemble et le détail organique. Pendant que NotreSeigneur était sur la tere, il remplissait cette double fonction vis-à-vis de son Eglise; il l'animait intérieurement de sa grâce et la dirigeait extérieurement; la direction par le dehors n'était pas limitée à une série d'actes gouvernementaux, elle embrassait aussi les dispensations de la grâce. Aujourd'hui, monté dans les cieux, il garde son rôle incommunicable de chef invisible; être toujours la tête réelle de l'Eglise, c'est son droit et son devoir. Lui seul possède la plénitude divine, nécessaire à l'alimentation de son corps; lui seul est orné des mérites par lesquels cette plénitude est appliquée. Le membre d'un corps physique et naturel n'est pas plus régulièrement animé de son principe vital que ne l'est le membre du corps spirituel de Jésus-Christ. Les mérites de celui-ci, semblables à dés fluides fertilisants et toujours agités, arrosent sans discontinuer le système qui leur appartient, et y font germer une santé toute divine. Ses satisfactions, forces vives et sacrées, universel patrimoine, sont incessamment partagées (1). Néanmoins, fidèle à son plan du double chef, il n'a pas supprimé le mode de dispensation extérieure. Les éléments de ses mérites destinés à produire l'initiation surnaturelle et son progrès régulier et capital de ses satisfactions, sont tenus en réserve pour être conférés par des procédés externes. En quittant la terre, Jésus-Christ se substitua donc un homme qui tiendrait sa place; il le munit d'assistance et de prérogatives. Ce vicaire illustre, ce vaste représentant fut chargé de régir au dehors l'Eglise, corps de Jésus-Christ. Les sacrements, instruments saints et inaltérables, furent mis dans sa main pour qu'il propageât et répandît les mérites du Sauveur. Il eut encore sous son domaine les divines satisfactions, et reçut la charge de les appliquer par des formules sensibles. Nous ne rappelons ici la fonction de chef extérieur qu'en ce qui concerne la diffusion et le maintien du trésor surnaturel. Ce même chef a une autre attribution bien grande, celle d'assurer dans l'Eglise l'unité de foi et de précepte. Mais ce n'est pas le lieu d'insister sur ce dernier point: nous nous arrêtons au premier (2).

(1) Distinguendum est inter thesaurum constantem ex Christi meritis, vel sanctorum. Et de priori dicendum est, multis aliis modis, seu per alia media dispensari præter indulgentias, nimirum per sacramenta, et per sacrificia, et per alia etiam opera fidelium. Unde interdum dispensatur hic thesaurus, ut ad Christum spectat, per homines ministros Christi, interdum vero immediate ab ipso Christo : quoties enim culpa, vel pœna remittitur, vel aliquod gratie beneficium nobis præstatur, thesaurus meri. forum Christi nobis applicatur, seu distribuitur ; constat autem hoc sæpe fieri interius et immediate ab ipso Christo, aliquando vero interventu hominum per ministerium sacramentorum (Suarez, de Indulg., disp. 51, sect. 4).

Suarez ajoute qu'en ce qui concerne les satisfactions des saints contenues dans le trésor, il ne lui paraît ni impossible, ni contraire à la raison, ni opposé à l'autorité ou à la tradition, que les fidèles s'en puissent procurer une application, sinon efficacement par leur propre volonté, au moins par voie d'impétration, soit qu'ils prient, soit que les saints, auteurs de ces satisfactions, prient pour eux.

(2) Il ne faut pas confondre dans le chef extérieur de l'Eglise le pouvoir par lequel il communique la grâce et la rémission des fautes, et celui par lequel il exerce le gouvernement et la juridiction. Celui-ci est un pouvoir proprement dit, absolument comme F'énergie des causes secondes, quoique dérivée, do Dieu, est réelle et principale dans son ordre. ceux

«Ne trouvez pas étrange la partition des titres du Sauveur. D'abord, elle n'est pas absolue N'allez pas croire, en effet, que le corps de 'Eglise soit surmonté de deux têtes; cela serait monstrueux et absurde. Le fidèle n'a pas deux chefs d'égale autorité : l'un Dieuhomme, et l'autre homme seulement. L'Eglise est belle de régularité, divine par sa vie. Jésus-Christ donc, dans l'acception rigoureuse des termes, reste son chef unique; il ne partage avec qui que ce soit. Mais de là à conclure qu'après avoir retiré sa présence sensible il n'a mis personne en son lieu, laissant son corps aimé sans direction souveraine extérieure, il y a loin. Le chef élu ne tire rien de sou fonds, ne donne pas la vie; sa charge est toute ministérielle; il dispense des mérites et des trésors: il ne les crée pas. Le chef visible est un homme assisté; le chef invisible est homme-Dieu. Celui-là meurt, celui-ci est immortel. Jésus-Christ suffira à son Eglise jusque dans l'éternité; ses vicaires dans le temps auront été comptés par centaines; glorieuse multitude, lignée brillante mais prouvant par ses successions sans cesse reprises l'infirmité de la simple créature,

« Or si vous demandez, N. T.-C. F., pourquoi les choses furent réglées ainsi, il nous sera aisé de répondre. Ce qui en étonne quelques-uns n'est, après tout, que la perpétuité du mode complexe adopté par Jésus-Christ, lorsqu'il était au milieu de nous. Puisqu'il agissait simultanément, à l'intérieur par ses influences, et au dehors par ses dispensations, il est tout naturel qu'il conserve dans son Eglise le procédé par lequel elle commença d'exister. Les êtres durent conformément à leur constitution; la suite n'est chez eux que l'épanouissement des traits primitifs.

« Nous voulons vous faire pénétrer plus avant dans ce mystère. Et pourquoi donc Jésus-Christ jugea-t-il séant d'exercer lui-même son œuvre de chef d'un corps mystique, moitié invisiblement et moitié d'une façon extérieure? Ne voyez-vous pas, N. T.-C. F., qu'il y a là une raison profonde? Ce corps devait être formé des individus de la race. humaine; les foules éparses allaient accourir pour composer l'homme parfait. A l'esprit qui est en elles il faut une influence intime le pénétrant, l'assimilant, le transfigurant. Voudriez-vous une collection confuse d'intelligences inanimées ? Au nombre humain il est besoin d'un principe extérieur qui, dominant sa turbulence, lui donne la preuve sensible qu'au dedans de lui des réalités sont déposées, et non pas des rêves. Ainsi est créée une construction vraiment sociale et vraiment vivante.

« Que Jésus-Christ continue d'animer son divin corps, lui seul est la vie. Mais puisque Je voilà retiré de la scène visible, qu'il délègue quelqu'un chargé de préserver ce même corps des dangers de l'illuminisme et de l'individualisme. L'illusion ne vaut pas l'être, les folies ne sont pas la loi, la chimère ne rassasie pas. Les hérétiques qui refusent de reconnnaître la constitution du corps de l'Eglise telle que Jésus-Christ la fonda vous sont une démonstration saisissante de cette vérité. Contents du chef invisible auquel ils se prétendent unis, on sait leurs semblants de vie, leurs songes; faute de chef extérieur, tous ces pauvres membres se dessèchent; tant de tronçons gisant de çà et de là prouvent assez que la fonction de chef extérieur propageant la vie est indispensable.

Disons un dernier mot. Outre que l'idée d'un corps social composé d'hommes implique le dedans et le dehors, le principe intime et ses manifestations; outre que la traduction de l'invisible est un stimulant plein de force pour le développpement de la vie intérieure, on ne doit pas oublier qu'en notre qualité de membres de Jésus-Christ nous récla mons légitimement des participations déterminées à la grâce, ainsi que des fractions certaines de l'héritage des mérites satisfactoires de notre chef. C'est que nos besoins spirituels ont leur degré fixe, et que nos détresses sont calculables. Eh bien! N. T.-C. F., les sacrements contiennent une somme précise des mérites de Jésus-Christ. L'indulgence, à son tour, représente des fonctions non moins précises de ses satisfactions. Du côté de ces éléments divins, tout est donc exact, réel et complet; le membre aspirant vers eux n'est pas déçu par un vain mirage; si l'un reçoit moins et l'autre plus, ce n'est pas la faute des lois vitales; c'est que, semblable à un organe affaibli, celui qui a perçu de moindres richesses se négligeait lâchement. Les défaillances viennent de lui: qu'il se les impute. Ce qu'on lui avait promis ne manquait pas de certitude. Dans l'hypothèse, au contraire, où la dispensation serait simplement intérieure, les membres n'auraient rien d'arrêté; il leur serait impossible de constater si les mécomptes viennent d'eux-mêmes ou doivent être attribués à l'imperfection des lois.

« Nous allons, N. T.-C. F., vous signaler les analogies et les diversités qui existent entre le sacrement et l'indulgence. Ce travail amènera du jour sur l'essence de cette dernière.

Le sacrement est nécessaire, au moins en désir. En effet, la grâce qui élève l'homme à sa condition surnaturelle et le développe dans ce glorieux sens est déposée sous les voiles sacramentels. Le germe de la gloire, l'évolution de ce germe, son être nouveau, en un mot, est donc là. L'indulgence n'offre pas les mêmes caractères. Simple remise de la peine

qui sont revêtus de ce pouvoir sont de vrais chefs de l'Eglise, la dirigeant et la gouvernant. Quant au pouvoir de conférer la grâce et de donner la rémission des fautes, il n'est qu'instrumental. Le ministre ne l'exerce pas comme chef à proprement parler,

mais comme instrument du chef invisible, NotreSeigneur Jésus-Christ. Ces deux pouvoirs, également participés l'un et l'autre, le sont conformément à la nature des objets qu'ils embrassent.

temporeffe par l'application des satisfactions du Sauveur et des saints, elle suppose la grâce, elle ne la donne pas. On peut être memine vivant de Jésus-Christ, et rester engagé à une peine temporelle. Alors, ou le débiteur, pénitent haté, s'efforce de s'acquitter personneljement, où attiédi et lent, il ajourne; mais enfin ailleurs il se libérera. La foi nous enseigne que, pour ce chrétien, il est deux époques, sinon également propices, certainement réservées l'une et l'autre celle du temps présent et celle du purgatoire. Pendant que couJent les heures employées à la réparation, l'âme reste éloignée de son terme, la vision intuitive; mais c'est un attardement, ce n'est pas la mort. La vie universelle persiste à travers ces fenteurs, dans le sein des expiations. Un jour, toute justice accomplie, cette vie aura so' efflorescence dans les cieux.

«Est-ce à dire pour cela que la recherche des indulgences est chose indifférente? D'abord, puisque Dieu daigne nous offrir la remise de la peine temporelle, c'est un devoir de filiale piété d'accourir vers ses dons. Le don de Dieu n'est pas de si mince valeur qu'on le puisse aisément négliger; Dieu n'endure pas les dédains. Considérez ensuite, N. T.-C. F., que l'obligation à la peine temporelle est un empêchement à la gloire. Il ne sert de rien de dire qu'il n'est que temporaire; c'est toujours un empêchement. Or, la gioire, la vision intuitive, le paradis étant la fin vers laquelle nous avons à tendre plus rapides que la flèche à son but, tout ce qui nous arrête, nous devons être pressés de le briser. Etre lié loin de Dieu, c'est dur. Se rompent vite les chaînes, les anneaux appesantissant notre marche. Si nous avons dans le sacrement l'arme bénite qui tranche le plus odieux nœud des âmes, le péché qui les tiendrait séparées de Dieu l'éternité tout entière, est-ce une raison de n'avoir nul souci d'un autre instrument qui ruine nos dernières entraves?

« Que si quelqu'un répliquait qu'il y a plus de grandeur à démolir soi-même les obstacles; si l'on redoutait que ces larges octrois ne portassent atteinte à la splendeur morale de l'homme, il serait aisé de répondre en rappelant ce que nous avons dit plus haut le chrétien, enrichi des satisfactions du corps, n'a désormais aucun compte à régler avec l'éternelle justice. Mais Dieu n'est-il donc que justice? faut-il l'avoir offensé et lui devoir des réparations pour faire acte de noble et vaillant cœur? Les attributs de sainteté, de vérité, de beauté qui reluisent en lui, sont, nous le croyons, d'assez éloquents appels à toutes nos puissances. Nous ne sachions pas que les grands travailleurs spirituels doivent être des endettés au tribunal d'un créancier. La liberté et l'amour, eux aussi, avancent le progrès moral.

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Du reste, il n'est pas d'œuvre accomplie par l'homme ici-bas qui n'entraîne sa fatigue. Celles qui semblent le plus dégagées de la couleur de pénitence, ont cependant leur difficulté qui provoque l'effort; dans cet effort saintement continué, il y a de quoi baleter et souffrir. Jamais le chrétien de cette terre ne sera complétement affranchi de la peine. Après cela, nous accorderons que l'âme libérée par l'indulgence reste communément obligée à un ordre d'œuvres satisfactoires proprement dites. Quoiqu'elle soit réellement amnistiée, ses facultés, faussées jadis, ont besoin de redressement: la pénitence lui est nécessaire. Enfin, presque toujours, le labeur, la peine lui sont imposés de droit naturel comme mesures préventives ou médicinales. Le passé est une prophétie de l'avenir. Ce chrétien a péché en d'autres jours; les alarmes sont bonnes dans son cœur, et rien n'est propre comme les alarmes à multiplier les garanties.

« Pour achever de dissiper tous les doutes, ajoutons que jamais les souverains pontifes n'accordent le bienfait de l'indulgence plénière, sans prescrire des pratiques qui sont le résumé du système entier de la satisfaction. La prière, le jeûne, l'aumône, ternaire sacré, ainsi que parle saint Raymond de Pennafort, sont imposés comme moyens d'une nécessité absoJue, et opposent leur vigueur aux violences du ternaire impie. Il y a trois concupiscences dans le cœur humain, pernicieuses facultés qui engendrent tout le mal; contre l'orgueil est décrétée la prière, qui abaisse l'esprit devant Dien; le jeûne est le dominateur de la chair encline aux molles juissances; et l'aumône gagne des victoires sur l'avarice acharnée à la richesse matérielle. Avant donc de s'approprier les généreuses satisfactions incluses dans le trésor, il a fallu réaliser par des actes une profession de foi sur l'ensemble de la pénitence. Les dons de Dieu ne sont pas livrés sans discernement.

Mais reprenons, N. T.-C. F., l'examen des rapports et des différences qui caractérisent l'indulgence et le sacrement. La participation au sacrement est de tous les temps et de tous les lieux. Après Jésus-Christ, la vie divine commence dans l'Église par le sacrement; elle n'aura pas désormais d'autre instrument de diffusion ou de perpétuité. Tout comme les liqueurs exquises s'épanchent sans retour quand le vase qui les contenait est mis en pièces, si le sacrement se rompait entre les mains du ministère, la vie surnaturelle ne serait plus abaissée à la portée de nos lèvres, faute de coupe façonnée de la main de Dieu. Et ce n'est pas assez que le sacrement persévère dans son intégrité: il doit être reçu dès l'origine, jusqu'à la fin, par tous sans distincti n, en quelqu'état de civilisation ou d'imperfection sociale qu'ils se trouvent. La vie divine n'est qu'en lui; or, la vie divine absente un moment de la race humaine, ou participée médiocrement, que deviendrait cette race? Sans doute l'indulgence fut dispensée dans l'Église dès les premiers jours; les lignes traditionnelles de cette pratique se montrent vivement aux regards non prévenus: il faut avouer néanmoins qu'il fut fait un moindre usage de l'indulgence dans les commencements. C'est que l'indulgence n'est pas tant une nécessité des âmes, qu'un allégement octroyé par la

miséricorde. Dès lors, l'application en doit être ordonnée d'une manière intelligente. Aux époques primitives du christianisme, en face de ces gentils dégradés, et plus tard au milieu des barbares, il était d'une sage souveraineté de distribuer parcimonieusement de pareils trésors. Il fallait refaire la nature humaine, rassainir le flétri, dompter le rude. Les travaux pénitentiels étaient un vaste procédé de restauration, auquel les hommes d'alors devaient s'employer personnellement. Comme cela, le sang, la chair, l'esprit, les mœurs, tout s'épurait, se fortifiait, se redressait. Et quand l'homme, repétri en quelque sorte, se produisit sous des aspects meilleurs, il fut possible de le relever de son long labeur des satisfactions, le conviant plus que jamais à des travaux entrepris par amour, digues de son caractère éminemment surnaturalisé. En admettant que la liberté, aidée et soutenue par la grâce, a valu à l'humanité, dans l'Église, une amélioration morale, nous sommes loin d'accepter ces niaises théories du progrès par le seul ressort de la nature, prêchées à grande voix de toutes parts.

« Le respect de la perfection ne s'oppose donc nullement au gain des indulgences. La perfection, dit le grand théologien Suarez, ne consiste pas à payer une seconde fois une dette déjà payée; pour une âme constituée en cet état d'affranchissement, elle se prend par un autre côté; un beau champ lui reste ouvert. Benoit XIV remarque doctement que sí quelqu'un négligeait les indulgences pour mieux expier sa peine dans le purgatoire, il se ferait une fâcheuse illusion. Ce n'est pas bien de laisser oisives tant de vertus libératrices, de rester empêché sur le chemin de l'éternelle gloire.

« Et ne voyez-vous pas de plus, N. T.-C. F., que la recherche des indulgences est toujours l'occasion des grandes œuvres de toute sorte ? Qu'est-ce qu'un Jubilé, sinon un événement d'une haute influence au profit de l'idéal le plus pur? On ne cueille les fruits de cette saison opime, qu'à la condition d'avoir rompu avec le péché; nul n'est moissonneur qui ne soit renouvelé jusque dans le fond de son âme. Les impurs, les violents, les hommes injustes, les mauvais riches, les pauvres haineux, n'ont pas de gerbe à prendre ici. Qui veut y faire la récolte doit commencer par être juste. Représentez-vous le monde entier épris d'enthousiasme pour l'indulgence plénière vous seriez sûrs que la contrition a broyé le mal dans toutes les consciences, que d'innombrables serments de bien faire ont été proférés.

«Non-seulement les vertus morales refleurissent en ceux qui convoitent l'indulgence, la foi s'anime dans leur cœur de lumières plus vives. Il est donc vrai que Jésus-Christ a magnifiquement racheté le monde ; que le péché est le pire des maux ; que ses joies sont perfides; qu'une hostie divine les a expiées. Voilà, certes, N. T.-C. F., des croyances bien propres à fortifier l'âme contre les infinies séductions dont cette terre fascinatrice est peuplée.

« Le sacrement ne renferme que les mérites et les satisfactions de Jésus-Christ. Les saints ne mettent rien du leur sous cet admirable signe. Comme c'est par lui que l'âme est rédimée et constituée à l'état divin, il est clair que la simple créature ne peut apporter aucun élément à une cause d'où doivent venir des effets pareils. Dans le trésor des indulgences, les satisfactions des saints sont associées à celles du Sauveur. Il ne s'agit plus ici de donner la grâce ni la gloire : l'indulgence a seulement pour but d'acquitter par une peine temporelle la dette du péché pardonné. Certes, les satisfactions du Sauveur étaient plus que suffisantes; mais Dieu est juste, et sa providence ne doit laisser rien de ce qui est bon, sans lui décerner son prix. Si les mérites des saints ont eu leur couronne, si la gloire du ciel les compense surabondamment; les satisfactions accomplies par eux par delà le nécessaire, que deviendront-elles? Dieu devait-il avertir l'homme prodiguant sa fatigue et lui dire Arrête-toi; ma créance est payée. Je ne saurais que te rendre pour tes excédants de pénitences. Les saints, N. T.-C. F., n'étaient ni fanatiques ni aveuglés, ils savaient bien que le membre du corps mystique est lié à ses frères les autres membres, et qu'une sainte communion livre à l'indigent l'abondance du riche. Par leurs satisfactions appliquées, ils achèvent, autant qu'il est en eux, leurs semblables incomplets. Le Dieu-Homme, qui a réalisé si bien l'achèvement de la race humaine, daigne sourire aux religieux labeurs de ses saints, s'essayant à coopérer avec lui dans la sphère à laquelle il leur est donné d'atteindre.

« Les mérites du Sauveur sont inépuisables. Les sacrements, parcils à des fontaines sans cesse jaillissantes, les versent à rapides flots; la source ne tarit pas; dans l'éternité, elle sera féconde comme aux premiers jours de ses écoulements : l'indulgence sera proclamée jusqu'à la fin de l'épreuve. Mais après tous les acquittements de la terre, les satisfactions des saints épuisées auront cessé d'être. Cette partie du trésor aura trouvé son application adéquate et sa récompense. Quant aux satisfactions de Jésus-Christ, c'est pour elle un glorieux inconvénient qu'elles dépassent tous les termes: on devait s'y attendre. Dès là que Dieu se porte dans l'humain de façon à lui être uni d'une union personnelle, cet humain ne fera plus qu'infiniment, selon le rite de Dieu; or, ainsi que les attributs divins ont des énergies incommensurables, que la Toute-Puissance, par exemple, ne sera jamais à bout de voie; qu'elle est apte à réaliser toujours plus qu'elle n'a réalisé, tant multipliées et riches que soient ses œuvres; pareillement les satisfactions du Verbe incarné, indéfectibles, inaltérables, n'auront pas même été entamées par les usages magnifiques qu'en aura fait l'Eglise. C'est l'essence des œuvres de Dieu-Homme de revêtir inamissiblement des

proportions infinies. Ces satisfactions désormais inapplicables, puisque toute peine temporelle aura cessé, n'en auront pas moins leur portée éloquente: elles seront conime un grand cri de l'amour à travers les âges éternels, re:lisant que le péché est vaincu, que son audace le cède au Rédempteur; que les hommes sont moins puissants à faire le mal que JésusChrist à le réparer; que le mystère de l'Incarnation est vraiment le chef-d'oeuvre de la sagesse et de la force divine, puisque la crèche, les épines, la croix, le sang et la mort qui y brillent, étaient des expiations surabondantes du péché des mondes ajoutés les uns aux autres jusqu'à l'infini.

« Nous avons souvent employé le terme de trésor de l'Eglise. L'hérésie demande ironiquement où est ce trésor. Nous pourrions lui demander à notre tour: Où est le trésor que composèrent les grands hommes des sociétés terrestres? Où sont, par exemple, les méri tes des humains, les travaux, les fatigues des citoyens illustres? Tout cela est-il done perdu et mêlé avec leurs cendres? Tout cela vit inmortel dans le souvenir des patries: elles gardent un grand héritage, elles n'étreignent pas des ombres. Eh bien! les mérites de Jésus-Christ, ses satisfactions et celles des saints, impérissables trophées, resplendissent toujours. Tant de prodiges de grâce et de liberté ne sont pas évanouis ils vivent dans le cœur de Dieu; ce cœur, nous le croyons, est une assez noble demeure; les richesses surnaturelles de l'Eglise y sont en sécurité (1).

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Il est une parole usuelle dans le langage catholique: les sacrements sont pour les âmes; c'est très-vrai. L'âme n'est jamais dessaisie de son droit à la gloire; elle revendique justement la grâce qui en est la rasine, pourvu qu'elle ne s'en soit pas rendue indigne par sa faute. A la dispensation de l'indulgence doivent concourir des raisons tirées d'ailleurs que de la condition des âmes. On conçoit cette diversité. Il n'y a pas que les satisfactions du corps mystique pour l'acquittement de la peine temporelle: d'autres moyens y peuvent être employés. Le pouvoir établi n'ouvre done le trésor que sur des motifs raisonnables, proportionnés à la valeur des distributions qu'il va faire. Tous ces motifs se doivent rapporter au bien général et spirituel de l'Eglise. »>

Plus loin, lorsque nous traiterons des causes nécessaires pour rendre licite ou même valide la distribution des in fulgences, nous reproduirons la partie du mandement de Mgr l'évêque de Tulle, où se trouvent ces considérations.

CHAPITRE IV.

Définition des indulgences.

«L'indulgence est la rémission de la peine temporelle qui reste due pour les péchés (actuels) déjà pardonnés quant à la coulpe et quant à la peine éternelle, accordée, hors le tribunal de la pénitence, par ceux à qui Jésus-Christ a laissé la dispensation du trésor spirituel de son Eglise.» (Rituel de Limoges, 1 partie, p. 205.)

Voici une autre définition de l'indulgence qui est propre à en donner une idée exacte: C'est la rémission de la peine temporelle qui reste à subir au pécheur, après que son péché lui a été pardonné et la peine éternelle remise: rémission que l'Eglise accorde, hors le tribunal de la pénitence, par l'application des mérites dont elle est dépositaire et dispensatrice. (Bourdaloue, Sermon sur le Jubilé. - Instr. prat. sur les Indulgences.)

Mgr Bouvier s'exprime ainsi :

a Le mot indulgence signifie ordinairement, dans les saintes Ecritures et dans les auteurs ecclesiastiques, rémission, condonation, comme quand Isaïe dit (ch. Lx, vers. 1): Prædicare captivis indulgentiam, annoncer aux captifs l'indulgence et la liberté; ou bien facilité, condescendance, comme quand saint Paul dit aux Corinthiens (I Cor. vii, 6) Hoc autem dico secundum indulgentiam, non secundum imperium: « Je dis cela par indulgence, « et non pour commander. »

« On donnait autrefois le nom d'indulgence à la rémission que les empereurs accordaient par bonté à certains criminels les jours de fêtes publiques. L'in fulgence dans l'usage de l'Eglise et des théologiens réunit ces deux sens, parce que c'est une rémission réelle que l'Eglise accorde, par condescendance, pour des œuvres faciles à remplir. On la définit ordinairement: La rémission de la peine temporelle due aux péchés actuels déjà remis quant à la coulpe, faite hors le sacrement de pénitence, par ceux qui ont le pouvoir de dis-i penser le trésor spirituel de l'Eglise.

« Nous disons: 1° La rémission de la peine temporelle, parce que l'indulgence ne remet jamais la peine éternelle; 2° due aux péchés actuels, parce que le baptême s'administrant, d'après son institution, par forme de régénération, ne laisse aucune peine à subir; 3o déjà remis quant à la coulpe; on ne peut, en effet, obtenir la rémission de la peine temporelle due au péché, tant que le péché lui-même subsiste; 4° la sentence du prêtre, en remettant le péché dans le tribunal de la pénitence, remet aussi une partie de la peine temporelle, proportionnée aux dispositions du pénitent: l'indulgence est une rémission différente; c'est pour cela que nous disons qu'elle est une rémission faite hors le sacrement de péni

(1) C'est Clément VI qui, dans sa bulle Unigenitus, a elevé au rang de dogne de foi l'existence du trésor

spirituel formé des satisfactions de Jésus-Christ ev des saints.

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