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Rome est de ces vautours le refuge ordinaire.
Quel immense vivier pour tous ces malfaiteurs !
Aussi, pour réprimer leurs sanglantes fureurs,
Je vois de tout côté le fourneau qui s'allume;
Partout sous le marteau j'entends gémir l'enclume.
Que forge-t-on ? des fers. Ah! bientôt, je le crains,
Pour cultiver nos champs, pour bêcher nos jardins
Le fer nous manquera,
tant le crime en consomme !
Ancêtres fortunés, heureux siècles de Rome,
Où la seule prison "qu'élevèrent nos rois
Suffisait pour venger et nos mœurs et les lois !
Que de motifs encore accélèrent ma fuite !
Mais déjà dans la mer Phébus se précipite,
Le fouet du Phaëton a donné le signal;
Il faut partir, adieu: daigne, ô mon Juvénal,
Te souvenir de moi. Si, lassé de ta chaîne,
Le besoin de repos dans Aquin' te ramène,
Arrache-moi de Cume, et docile à ta voix,
Armé de pied en capd, je viendrai dans vos bois
Seconder tes efforts; à moins que, trop sévère,
Ta muse ne dédaigne un tel auxiliaire.

sent défendues, cependant il était permis un père d'enfermer et de tenir chez lui en prison un fils incorrigible; un mari pouvait infliger la même punition à sa femme, et à plus forte raison le maître à l'esclave. Mais les prisons des esclaves étaient hors de Rome en plate campagne. On les appelait ergastules.

b Aquin, cité des Volsques, dans la Campanie. D'après ce passage, point de doute qu'elle ne fût la patrie de Juvénal: elle existe encore et porte le nom d'Aquino, ville épiscopale de la terre de Labour dans le royaume de Naples. Elle est encore illustre dans les fastes de l'Eglise Romaine pour avoir donné la naissance à un docteur célèbre, S. Thomas, dont la Somme a causé tant de disputes théologiques.

c. Cumes. Deux Grecs exilés de leur patrie bâtirent, non loin de Pouzol, sur les flancs d'une montagne, la ville de Cumes: ees Grecs se nommaient Mégisthène et Hypoclès.

d Armé de pied en cap. (Voyez l'avant-dernière note sur le texte latin.)

SATIRA IV.

A libidine et luxuriâ Crispini, sumptâ occasione describendi ridiculum quoddam Domitiani super rhombo concilium, senatorum in hanc rem sententias lepidè et salsè exponit.

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Ad partes: monstrum nullâ virtute redemptum
A vitiis; æger, solâque libidine fortis :
Delicias viduæ tantùm aspernatur adulter2.
Quid refert igitur quantis jumenta fatiget
Porticibus ? quantâ nemorum vectetur in umbrâ?
Jugera3 quot vicina foro, quas emerit ædes?
Nemo malus felix, minimè corruptor, et idem

a Imitation. Gilbert, dans sa satire intitulée Mon Apologie, a imité ce début vif et énergique de Juvénal. Mais il reste bien au-dessous de son modèle :

Le voilà; c'est ce monstre: oui, mon cœur le décèle. Comme ce dernier hémistiche est faible!

Nous avons parlé de ce Crispinus dans la première satire; Juvénal le ramène sur le théâtre et le rend si hideux, qu'il est impossible de ne pas abhorrer le vice quand on a de pareils tableaux sous les yeux. Cependant il ne faudrait pas fouiller bien avant dans l'histoire pour trouver des Crispinus.

© Aucun commentateurn'a bien interprété ce vers de Juvénal. Achaintre dit: Il méprise les veuves, parce que ce n'est pas par intérêt qu'il aime les femmes, mais par volupté; il ne fait point comme les pauvres citoyens qui courtisent les veuves avares pour se faire inscrire sur

SATIRE IV.

Après avoir amèrement reproché à Crispinus sa scélératesse, ses mœurs et son intempérance, Juvénal saisit cette occasion pour décrire le conseil ridicule tenu par Domitien, pour savoir à quelle sauce il mettrait un immense turbot. Les avis des sénateurs sont exposés d'une manière fine, piquante, et quelquefois fort gaie; dans cette satire Juvénal se montre le digne rival d'Horace, s'il ne lui est pas supérieur.

QUOI!

Cette satire fut écrite sous le règne de Trajan.

LE TURBOT.

uoi! sur la scène encor a ramener Crispinus!
Le voilà cet esclave... et par quelles vertus
A-t-il cherché, le monstre, à racheter un vice?
S'agit-il d'assouvir un infâme caprice?
Ce corps efféminé montre quelque vigueur;
Pour lui la veuve seule est un objet d'horreur c.
Avec elle aurait-il l'honneur d'être adultère ?
Vainement étendu dans sa riche litière,

Sous son vaste portique il lasse cent chevaux ;
L'ombre de ses vergers protégeant son repos,
Ses immenses jardins, opulence inutile!

Nul méchant n'est heureux. Serait-il plus tranquille,
L'incestueux brigand, ce lâche corrupteur,

leurs testamens. En citant les vers d'Ovide, le moderne commentateur semble avoir pénétré le sens; mais pourquoi donc l'explication précédente? elle est inutile. Crispinus méprise les veuves, parce qu'il n'aurait pas avec elles le plaisir d'être adultère. Voilà le véritable sens, telle est la pensée de l'auteur; et, pour peu qu'on réfléchisse, on sentira tout le sel d'un pareil trait.

d Nul méchant n'est heureux. Belle sentence que Sénèque développe avec un talent admirable dans son livre de la Providence.

Incestus, cum quo nuper vittata jacebat
Sanguine adhuc vivo terram subitura sacerdos 4.
Sed nunc de factis levioribus: et tamen alter,
Si fecisset idem, caderet sub judice morum.
Nam quod turpe bonis, Titio Seioque3, decebat
Crispinum. Quid agas, quùm dira et fœdior omni
Crimine
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persona est? Mullum sex millibus emit,
Æquantem sanè paribus sestertia libris,
Ut perhibent qui de magnis majora loquuntur.
Consilium laudo artificis, si munere tanto
Præcipuam in tabulis ceram senis abstulit orbi.
Est ratio ulterior, magnæ si misit amicæ,
Quæ vehitur clauso latis specularibus 9 antro.
Nil tale exspectes; emit sibi. Multa videmus,
Quæ miser et frugi non fecit Apicius. Hoc tu

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a Juvénal montre ici la plus vive indignation contre Domitien, qu'il désigne sous le nom de judex morum; car les empereurs avaient aussi réuni au titre d'imperator les droits de censure et de tribunat. Ce prince fit condamner à mort la vestale Cornelia Maximilla, quoique absente, et sans vouloir l'entendre, et battre de verges le chevalier Celer; Domitien, qui vécut si long-temps avec sa propre nièce Julie, fille de Titus son frère, et qui protégea toujours Crispinus, coupable d'avoir publiquement attenté à la pudeur d'une vessale! Ce ne fut donc pas pour rétablir l'ancienne discipline, comme l'assure Suétone, que ce prince fit punir Celer et enterrer vivante Maximilla, mais pour exercer une vengeance particulière. Voyez donc avec quelle précaution il faut lire l'histoire, surtout ce minutieux Suétone, toujours petit, toujours froid, mais le plus grand partisan des prodiges et des merveilles.

b Va descendre au tombeau. On ignore si ce fut Numa ou Tarquin l'Ancien qui imagina le supplice affreux des vestales, qui n'observaient pas la rigoureuse loi de la continence. Ce qu'il y a de certain, c'est que ce fut sous Tarquin que cette punition fut infligée pour la première fois; et la description de ce supplice se trouve dans Plutarque, Vie de Numa Pompilius.

Une infinité de commentateurs, obéissant à la lettre,

n'ont pas

bien

Lui qui d'une vestale outragea la pudeur «?
Et cette infortunée, encor pleine de vie,

Va descendre au tombeau"!... Mais de ton infamie,
Ce sont là, Crispinus, les traits les moins hideux,

Et tout autre Romain du censeur rigoureux
Eût, pour de tels forfaits, encouru la disgrâce.
S'il osait t'imiter, on punirait l'audace ©
D'un simple citoyen, du probe Titius :
En toi le vice charme, il sied à Crispinus.
Que dire ? quand je vois dans ce vil personnage
Des vices de nos jours l'effroyable assemblage!
Il achète un poisson six livres pesant d'or ;
&
Mais l'animal est rare et pèse plus encor!
S'écrie un parasite en jouant la surprise.
L'hyperbole au flatteur n'est-elle pas permise?
J'applaudirais sans doute à l'adroit captateur,
Si, par un tel présent, il chatouillait le cœur
D'un vieillard sans famille ou de l'octogénaire,
Que renferme une vaste et brillante litière;
Il pourrait les séduire, et, dans leur testament,
Se voir ensuite inscrit et traité noblement.
N'espérons pas de lui cet effort magnanime;
A son estomac seul il offre la victime...
Tu rougirais, frugal et pauvre Apicius",

senti toute la force de ce vers: Nam quod turpe bonis, etc. L'homme probe, comme Titus ou Seius, aurait été puni pour un seul des crimes commis par Crispinus ; mais l'ami de Domitien, du censeur, pouvait impunément se souiller de tous les crimes.

dIl achète un poisson. Il paraît que cette prodigalité n'était pas à Rome une chose inconnue; dans une de ses épigrammes, Martial attaque vivement aussi un certain Calliodore, qui, ayant vendu un esclave douze cents écus, avec cet argent acheta un magnifique surmulet. N'est-il pas permis de s'écrier, dit le poète, « Ce n'est pas un poisson << que tu manges, Calliodore; c'est un homme que tu vas dévorer. » · Frugal Apicius. Frugal s'entend en comparaison des Crispinus ct de tous les gourmands de l'époque. Il y eut à Rome trois Apicius, tous

e

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