Prenant de Palissot la pesante massue, Il tonne, balbutie, et payant son tribut « O génie immortel, esprit sublime et rare! « En traits majestueux nous esquisser le beau; « Sait transformer nos monts en vastes cathédrales! « Voilà le goût exquis, le langage des Dieux. » La colère, à ces mots, pétille dans mes yeux..... Arrêtons-nous, je suis fatigué du voyage. « Je le crois bien... Est-ce là le langage « De l'honnête homme et du fameux censeur Qui, sous le dais, osa faire pâlir le vice? « Laissez à Despréaux le talent séducteur << De traîner dans la fange un malheureux auteur. « Parlez en Juvénal, sans être le complice « D'une causticité qui s'en prend au malheur; << Laissez mourir en paix l'oracle de la Grèce, « Le solitaire et l'astre d'Albion, ་་ Attaquez l'égoïsme et la corruption; "Vers les lambris dorés qu'habite la mollesse k « Marchez, et que tout tremble au nom de la vertu. » Austère partisan de mon stoïque maître, Tu parles d'or....Dis-moi, pauvre esprit, d'où sors-tu? Ah! trop heureux si l'on veut me permettre De présenter aux yeux de mes contemporains L'énergique tableau des vices des Romains. « Où donc est-il? pourquoi ce préambule? « Et n'eût-il pas été cent fois moins ridicule, ་་ Si, guidé par le goût et la noble raison, << Entre les mœurs de Rome et les mœurs de Lutèce, Ton esprit eût tracé quelque comparaison? « Peindre l'avidité, l'intérêt, la souplesse, Déployant l'étendart sur le mont Aventin; « Et sur les bords glacés où serpente la Seine, << Nous montrer la fureur, la vengeance, la haine, ་་ S'emparant des partis, et, le glaive à la main, << Immoler par milliers des victimes humaines ; « Le pauvre gémissant sous le poids de ses chaînes, « Et le riche orgueilleux, fier de son char doré, « Ecraser en riant le mérite ignoré.. ་་ Pourquoi ne pas saisir ces traits de ressemblance Que l'une et l'autre ville offraient à ton burin? « Sans craindre la censure et sa triste puissance, " Tu le pouvais.... Il t'ouvrait le chemin « Cet homme dont le vice abhorra l'éloquence. « Tandis qu'entre ses mains un philosophe austère « Prouvait sa médisance en plaçant sous les yeux « Des vices des Romains un tableau plus hideux. «En te voyant ainsi prendre en main la défense « D'un auteur vertueux faussement accusé, « Le sage eût applaudi, l'honnête homme, abusé «Par le cri de l'école, eût avec patience « Pesé de tes raisons la force et la puissance, « Et peut-être souri.... Mais, dis-moi, qu'as-tu fait ? « Content d'avoir lancé quelque inutile trait, « Et d'avoir essayé l'arme de la satire, « Tu n'oses point du vice examiner l'empire, « L'assaillir dans ses forts, le poursuivre en tous lieux, << Et le bannir enfin de son temple ou des cieux. » Pardonne, ô mon génie; ah! grâce à ma faiblesse ! cxlviij ÉPITRE AU LECTEUR. Il me tourmente, et sa bile inquiète, Jusque dans l'Introduction, Veut me faire adopter et sa voix et son ton. Si du chemin tracé je sortais un moment, Me Me sermoner, et vers le précipice pousser, m'entraîner... Ah! c'est sur lui vraiment Que doit peser toute votre justice, Si mon ouvrage vous déplaît; C'est lui d'abord qui l'a fait et refait : Il exige aujourd'hui qu'il vous soit présenté, Ne me punissez point de sa témérité. |