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vrage contre lequel s'acharne le moderne Quintilien. Il eût été à désirer que le plan de son poëme didactique eût donné à notre législateur littéraire la faculté de présenter à nos yeux étonnés quelques autres descriptions frappantes, et peutêtre plus morales. Mais s'il eût été persuadé que la chute presque toujours certaine de l'ambitieux n'est qu'un sophisme imaginé pour comprimer les nobles élans d'une âme active et avide de gloire, il aurait choisi dans la treizième satire le beau portrait du coupable en proie aux violens remords de sa conscience; il eût cité quelques beaux passages de la quatorzième sur l'éducation première des enfans, satire qui devrait être le vade mecum de tous les pères de famille, et des dames même auxquelles surtout appartient presque exclusivement cette éducation; il eût cité cette attendrissante peinture de la piété, morceau admirable et digne de notre Racine. Mais Despréaux a préféré nous présenter comme modèle la catastrophe de Séjan: n'était-ce la dixième saque pas nous dire tire était une des plus belles de Juvénal? Je ne raiso ne ici que par induction; mes preuves seront d'une autre espèce, quand il faudra motiver mon opinion, je chercherai à l'établir sur une base plus solide. La sixième satire fut aussi pour

C.

Boileau un objet de prédilection; il en fit même

une copie, pâle à la vérité, mais bien supérieure à la satire contre les hommes voulut lui op

que

poser Regnard, à qui Boileau rendit toujours justice, quoiqu'il fût son mortel ennemi. Notre censeur, notre Aristarque, fait peut-être allusion à cette satire contre les femmes dans les deux premiers vers. Mais Tacite, en nous traçant le mariage de Messaline avec Silius, n'a-t-il pas prouvé à quel point cette femme impudique pouvait porter l'audace et la dépravation? Ensuite les excès que commirent les épouses d'Antonin le Pieux, de Marc-Aurèle, de Vérus, en se livrant publiquement à de vils gladiateurs, ne justifient-ils pas les violens reproches que Juvénal adresse à l'infâme Hipia? J'ouvre Sénèque : ses observations sur les moeurs de ces dames romaines ne font-elles pas frémir? ses apostrophes ne sont-elles pas plus virulentes que les amers sarcasmes du satirique Latin? Les exemples se présentent en foule à mon imagination; mais ils sont presque tous consignés dans mes notes au bas des textes. français et latin. Ce serait peut-être une superfétation; s'il m'arrive quelquefois de les rappeler, je ne fais que ce qu'il est permis à tout orateur de faire; il dispose en faisceau ses preuves dans

corps

par

sa péroraison, parce que, éparses dans le du discours, isolées et quelquefois atténuées la série des raisonnemens, elles ont perdu un peu de leur force; il faut donc les réunir en masse pour porter la conviction dans l'âme et l'esprit du lecteur.

Je ne parlerai point de l'éloge que Boileau fait de la quatrième. Ici les adversaires de Juvénal mettent tous bas les armes; c'est la seule dans laquelle il s'est déridé, disent-ils. Encore un faux jugement; encore ils essaient de confondre la satire des moeurs avec la satire qui frappe les ridicules. Juvénal rend-il Crispinus ridicule ? Domitien plaisant? Sont-ils amusans, égaient-ils l'esprit et l'imagination, ces sénateurs appelés conseil par le chauve Néron? On plaint les uns, on abhorre les autres : si quelquefois le sourire vient un instant se placer sur les lèvres du lecteur philosophe, ce ne sont point les faibles ou les abominables personnages introduits sur la scène qui l'excitent ce sourire, c'est la juste punition qu'éprouve l'aristocratie romaine pour avoir, au、 temps de sa toute-puissance, foulé à ses pieds tous les droits de la justice et de l'humanité.

ROLLIN.

<< Tous les gens de bon goût, dit ce rhéteur « célèbre, jugent que le génie déclamateur et « mordant de Juvénal est beaucoup au-dessous « de cette naïveté fine, délicate et naturelle d'Ho<< race. » Et plus bas : « Il serait à souhaiter qu'en re<< prenant les moeurs des autres avec tant de sévé«< rité, il ne nous eût pas fait voir qu'il était lui<«< même sans pudeur, et qu'il n'eût point combattu « les crimes d'une manière qui enseigne plus à « les commettre qu'elle n'en inspire l'horreur. »

Rollin, dans son long article sur Horace, après 'avoir fait le plus grand éloge du poëte, finit par l'accuser d'épicuréisme et rappelle les expressions de Quintilien sur quelques descriptions obscènes du satirique de Vénuse. D'après cet aveu, l'esclave de Mécène emploie les expressions que nous regardons comme les plus cyniques, aussi bien que Juvenal; mais quel est alors le plus à craindre pour les mœurs, celui qui fait du vice une peinture plaisante, ou celui qui nous le présente sous les traits les plus hideux, sous les couleurs les plus effrayantes? Je ne sais ce que pourrait ré

pondre à cette question le sage recteur de l'université de Paris. Sans employer la forme interrogative, peut-être inconvenante, je pourrais encore ajouter ce vice horrible, qui sape jusque dans ses fondemens l'antique édifice de la société, qui menace l'existence physique et morale de l'homme, qui le met au-dessous de la bête féroce chez laquelle on n'aperçoit point de goûts aussi dépravés; ce vice, dis-je, Horace ne l'a-t-il pas peint sous les couleurs les plus capables de séduire la jeunesse sans guide et sans expérience? Mais qui ne frémit pas d'horreur à la lecture de la neuvième satire de Juvénal; son Nævolus, ne le regardons-nous pas comme le plus vil, le plus dépravé, le plus abject, le plus abominable des hommes ? Mettez à côté de ce monstre le Ligurinus d'Horace; éprouverez-vous les mêmes sen-timens de haine, d'indignation? Où sont-ils donc ces hommes de goût qui regardent Juvénal comme un déclamateur... Un stoïcien (et personne ne doute que notre poëte n'appartînt à cette célèbre école de philosophes) attaque, poursuit, frappe, terrasse les innombrables vices qui régnaient effrontément dans la capitale du monde; il saisit les mêmes armes que Cicéron, s'en sert avec la même éloquence, et ce dernier est l'orateur par

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